" Shokuzai, celles qui voulaient se souvenir" de Kiyoshi Kurosawa
Genre: Drame et pénitence
Sortie le 29 mai 2013
Parce que le Japon, ce n'est pas que Miike, Sion, Kore-Eda, il est toujours bon de se souvenir que Kurosawa est définitivement un des réalisateurs les plus doués de sa génération. Dans un registre différent (mais complémentaire) des réalisateurs susmentionnés, Kurosawa a réalisé avec Shokuzai, une mini-série, pour la télévision japonaise, et l'a remonté pour une exploitation au Cinéma.
Ce drame fleuve (la version salle, si l'on regroupe les deux volets " qui voulaient oublier " et " qui voulaient se souvenir", dure 4h30) nous présente quatre petites filles, à qui l'on présente une nouvelle venue à l'école. Un jour, alors qu'elles sont en train de jouer, la petite nouvelle se fait enlever, violer et tuer par un inconnu. Malheureusement, aucune d'entre elles n'est en mesure de se souvenir du visage du coupable, ce qui provoque la colère de la mère de la défunte, qui propose un marché aux 4 filles : soit chacune d'entre elles lui offre une compensation, soit elles s'exposent à une pénitence éternelle. Le film nous montre donc ce que sont devenues ces 4 filles, qui essaient de se reconstruire, toujours hantées par le fantôme de leur amie, et régulièrement confrontées à la mère de celle-ci venant, telle la Mort, récolter son dû.
Chapitre 1: la Poupée française.
Première partie consacrée à Sae, jeune femme effacée, discrète et solitaire à qui l'on propose un mariage arrangé. D'abord réticente, elle accepte de rencontrer l'homme qu'on lui présente, héritier d'une famille de riches industriels. Commençant comme une histoire d'amour contrariée, l'homme étant amoureux de Sae depuis leur enfance, le récit dérive progressivement vers un drame malsain, l'époux étant dominateur, possessif, ne trouvant son plaisir qu'en enfermant sa femme à la maison et en la forçant à s'habiller en poupée le soir venu. Plus le récit avance et plus Sae s'enfonce dans sa dépression et dans son enfermement, aussi bien physique que psychologique, ne sachant pas comment s'en sortir, Sae étant une petite fille coincée dans un corps d'adulte, paniquant dès lors qu'elle commence à se rebeller face à son mari et à se " réveiller", et que son corps se réveille lui aussi ( la scène du couloir est d'ailleurs flippante, le cinéma fantastique de Kurosawa refaisant régulièrement surface, de manière plus diffuse). Ajoutez à cela la visite de la mère lors du mariage de Sae, venue lui rappeler son " engagement". Sae décide alors d'en finir, et d'accomplir ledit engagement...
Cette première partie est disons austère. Pas ennuyeuse, au contraire, mais pessimiste et froide, à l'image de l'existence de Sae, fragile et soumise. Kurosawa adapte d'ailleurs sa mise en scène à son héroïne, usant de grands plans fixes et avec peu de personnages dans le cadre, Sae étant souvent seule, soit avec son mari ou sa mère, et faisant baigner son récit dans une photo grise et triste. Le pessimisme atteint d'ailleurs son paroxysme lors de la dernière scène, où Sae, après avoir commis l'irréparable, va se rendre à la police, et croise en chemin la Mère. Fin de la première partie.
De forts relents de J-horror quand même
Chapitre 2 : réunion de parents d'élèves.
Deuxième partie consacrée à Maki, elle aussi sous la pression de la Mère, et tentant de vivre une existence normale en tant qu'institutrice dans un collège. Maki est donc devenue une personne grave, fermée et sévère, autant avec elle qu'avec les enfants qu'elle a sous sa responsabilité. Sévérité qui lui est d'ailleurs reprochée par le principal du collège. Maki excelle aussi au kendo, seule échappatoire à sa malédiction. Kendo qu'elle va d'ailleurs mettre en pratique lorsqu'un détraqué va faire irruption au collège et menacer des élèves. Signe pour Maki que l'heure de la dette envers son amie disparue et sa mère est peut-être arrivée. Mais ce n'est que le début des emmerdes. La rumeur enfle, faisant ressortir la violence excessive dont a peut être fait preuve Maki lors de l’affrontement avec le criminel, et la lâcheté de son collègue, présent lors de l’agression...la Mère étant bien sûr de la partie.
Deuxième partie plus légère mais tout aussi importante dans le récit. Si Maki a l'ai de s'être mieux débrouillée que Sae, au niveau social, ce n'est pas encore ça. s'étant interdit tout bonheur et auto-condamnée à une vie de pénitence, elle reste écrasée par son passé, et cet engagement envers la mère, qu'elle contacte dès qu'elle a neutralisé le malfrat, pensant qu'avoir commis ce geste rééquilibrera la balance...
Mais comme pour Sae, tout finira mal, sous les yeux de la Mère, fil rouge de ce drame.
Dans cette partie Kurosawa opte pour pour des couleurs plus chaudes, le cadre du collège y est d'ailleurs pour beaucoup, plus de rythme, plus de mouvements de caméra et moins de silences. Le fantastique est d'ailleurs aussi présent, moins subtilement que dans la première partie, et notamment à la fin de cette deuxième partie.
Non, vous n'allez pas rire souvent pendant ce film.
Le sujet du film n'est pas des plus faciles ni des plus fun, nous sommes d'accord. Mais le style de Kurosawa, cette espèce de retenue de tous les instants, ces petites touches de fantastique qui viennent ponctuer le récit, à l'image de la Mère qui vient telle un fantôme sans âge tourmenter les vivantes donnent au film un côté à la fois planant, hypnotique, touchant et à la fois grave. vivement recommandé donc.
Et rendez vous mercredi pour la suite. il reste deux filles et un tueur.
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