13Cine

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vendredi 31 janvier 2014

Le vent se lève

Kaze tachinu de Hayao Miyazaki
genre : dernier instant de grâce
Sortie le 22 janvier 2014



Le vent se lève, il faut tenter de vivre. Ce sont des mots tirés d'une oeuvre de Paul Valery (Le cimetière marin, pour être exact) qui ouvrent et ferment le dernier film du maître, et c'est un peu le sentiment que l'on éprouve à ces deux moments du film. le vent se lève, et le film commence. Le vent se lève et il faut continuer à vivre, le film se termine et il faudra désormais composer sans Miyazaki et son génie sans égal. On avait été prévenu, ce film serait son dernier et ultime, autant vous dire qu'il était attendu et à la fois pas du tout. Attendu car un film de Miyazaki est toujours synonyme d'oeuvre phare dans le domaine de l'animation cinématographique, et pas du tout attendu car savoir que l'on va assister à un dernier chef d'oeuvre avant le tomber de rideau est toujours triste à accepter. le maître n'aura donc pas failli jusqu'au bout, son dernier film est un pur chef d'oeuvre, à la fois riche, émouvant, vertigineux, empli d'une tristesse et d'une nostalgie qui vous laisse à la fois ému et heureux. 
Inutile ici de se lancer dans une rétrospective de l'oeuvre de Miyazaki, ni l'envie ni la place, mais pour ceux qui auraient déjà eu la chance de voir ses précédents films, et surtout son avant-dernier métrage Ponyo sur la falaise,  force est de constater que Le vent se lève effectue une rupture de ton assez brutale avec le reste de son oeuvre. S'il est vrai que sous certains aspects le cinéma de Miyazaki pouvait, à raison, donner l'impression de s'adresser aux plus jeunes spectateurs, tous ses films se doublaient d'un discours et d'idées plus promptes à toucher un public plus adulte (nostalgie de l'enfance, grandir en l'absence des parents, acceptation des responsabilités, prise de conscience de la place de l'individu etc....). Et la première chose qui frappe ici, c'est l’impression que le film s'adresse d'abord aux adultes et ensuite aux plus jeunes. Le contexte est ici plus adulte justement, loin des fantaisies miyazakiennes, et le film est ancré dans une réalité crédible (le japon d'avant guerre) avec des personnages auxquels on peut très vite s'identifier, à commencer par Jiro, jeune garçon passionné d'aviation. Là où le film surprend, c'est lorsque Miyazaki ose afficher frontalement ses personnages aux drames et à la tragédie. Des films comme Ponyo nous montrait des personnages heureux de s'être pris un tsunami dans la tronche (et donc d'avoir un aquarium grandeur nature dans le jardin), dans le dernier film de Miyazaki, les héros sont confrontés à l'horreur d'un tremblement de terre qui détruit leur ville, les obligeant à l'exil, et à la maladie (la tuberculose qui condamne la femme du héros) qui les pousse à faire des choix cruciaux dans leur existence. On peut y voir une volonté, dans le testament filmique de Miyazaki, de dire qu'il a été important de rêver et d'être insouciant, mais qu'il va falloir commencer à affronter la Vie, la vraie, avec tout ce qu'elle peut avoir de difficile. 


A cette réalité brute s'opposent la rêverie, l'optimisme et l'imagination sans limite de Miyazaki, qu'il transmet à ses héros, et qui leur sert de moteur pour atteindre leurs objectifs et ambitions. C'est une image de l'ingénieur Caproni (lointain cousin obèse et moustachu de Lupin de Cagliostro) qui va faire rêver Jiro et le pousser à devenir lui même ingénieur pour construire l'avion Zero. C'est cet utopisme parfois naif qui fait vaciller ses héros (les quolibets que récolte Jiro lorsqu'il dit a ses collègues que ses avions iraient plus vite sans les mitraillettes sous les ailes) mais qui leur vaut l'admiration de leurs pairs qui n'osent pas penser comme eux. 
Cette dualité rêve / réalité est encore plus frappante dans l'histoire d'amour entre le personnage principal et sa femme. Si tout parait trop beau pour être vrai (le coup de foudre enfantin devient l'histoire d'amour de toute une vie), la réalité rattrape toujours le héros en lui faisant affronter le destin cruel qui attend sa bien aimée, atteinte de tuberculose. D'ailleurs on savait Miyazaki fin observateur de l'Humanité, on le découvre capable de brosser un portrait émouvant et déchirant d'un couple face à la maladie, entre petits moments de bonheur et de complicité et pics émotionnels qui vont vous faire sortir les mouchoirs (La femme mourante qui décide d'aller finir sa vie dans la montagne pour laisser à son mari une image positive et heureuse avant son Départ). 
Miyazaki semble se livrer comme jamais, à l'aube de son départ, en se projetant dans son son personnage, control freak perfectionniste, orgueilleux mais généreux, altruiste mais souvent naif. 
On pourrait développer pendant des pages sur le fond du métrage, oeuvre somme et magistrale, mais ce serait oublier la forme. Miyazaki continue de nous éblouir au travers de tableaux magnifiques, de plans et d'images riches en signification et symboliques (le plan voyant la femme de Jiro peindre sous un parasol, berçée par le vent, rejointe par son mari qui lui dépose un baiser, est d'une force émotionnelle rare), et l'on se surprend à replonger dans des souvenirs d'enfants lorsque Miyazaki met en image les rêves de Jiro, voyant défiler dans le ciel une flotte d'avions italiens, aux couleurs du drapeau vert, blanc et rouge, ou quand il s’imagine pilote émérite affrontant des bombes ricanantes et menaçantes. 


Toujours accompagné de Joe Hisaichi à la bande originale, Miyazaki réalise une oeuvre à la fois touchante et grave, ode à la vie triste mais heureuse, qui se conclut sur justement une illustration du vers inaugural "le vent se lève, il faut tenter de vivre", sur un plan qui est peut être un des plus magnifiques que l'on ai pu voir dernièrement, une prairie battue par le vent, silencieuse, sur laquelle s'engage Jiro, accompagné de ses rêves mais sans sa femme qui lui demande de continuer à vivre sans elle. Comme le lui dit Caproni, ses avions sont comme ses rêves, il partent pour ne jamais revenir, il faut passer à autre chose, toujours aller de l'avant. C'est  décidément une belle page du Cinéma d'animation (et du Cinéma tout court d'ailleurs) qui se tourne avec ce film, et pour conclure sur une autre citation qui convient très bien lorsqu'on ressort ému de ce film : 
Ne pleure pas car c'est fini, souris parce que c'est arrivé.

Vous trouverez ci dessous un extrait de la bande originale. A se procurer d'urgence, tout l'album est du même niveau.


mercredi 29 janvier 2014

12 years a slave

12 years a slave de Steve McQueen
Genre : Drame
Sortie le 22 janvier 2014


Après une nuit passée en ville pour affaires, Solomon Northup, jeune noir américain marié et père de deux enfants, se retrouve enchaîné et réduit en esclavage. Récit de 12 année d'esclavage, entre humiliation et déséspoir.

Hasard du calendrier, il y a un an (à une semaine près) sortait Django unchained, chef d'oeuvre de Tarantino sous influence western spaghetti, avec en toile de fond l'esclavage dans le sud des Etats-unis. Le personnage de Django s'associait avec un docteur pour retrouver sa femme réduite en esclavage dans une plantation. Le film, résolument orienté divertissement, était cependant une dénonciation féroce de la bêtise humaine, à travers une scène hilarante ridiculisant le KKK, doublée d'un regard corrosif sur l'esclavage. 
Un an après sort le film de Steve McQueen, et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il se pose en total opposé du film de Tarantino. Noir, pessimiste et désespéré, on en ressort avec le même sentiment que Zero Dark Thirty, l'impression que l'année n'est pas commencée depuis trois semaines que l'on vient déjà de voir un des chefs d'oeuvre de 2014.
Avant de voir le film, il serait préférable de ne pas trop s'attarder sur les multiples nominations et récompenses que ramasse (et risque de ramasser) le film. Vierge de toute influence le film n'en est que meilleur, et il se suffit à lui même. Une des grandes qualités de ce film est son absence totale de manichéisme et de jugement de la part de McQueen. C'est un piège dans lequel nombre de metteurs en scène fonce la tête baissée. Spielberg avec Amistad ou La couleur pourpre, ou plus récemment Lee Daniels avec Le majordome. Le sujet est risqué et il est difficile d'aborder frontalement et objectivement une page noire et toujours controversée de l'histoire des Etats-unis sans sombre dans le pathos et les clichés inhérents au contexte. Chose surprenante, le film de McQueen opte pour un traitement naturaliste et humain, en ne se décollant jamais du point de vue de son personnage principal. Pas de grandes envolées pleines de gospel dans les champs de coton ou de jugement de valeur, tout le film sera vu et ressenti à travers les yeux de Solomon ou Platt, son nom d'esclave. Un film à hauteur d'homme donc. Si bien entendu certains personnages inspirent naturellement un rejet immédiat, à l'image du vendeur d'esclaves interprété par Paul Giamatti, le film n'essaie jamais de limiter son propos à "gentils noirs Vs méchants blancs". Si ce sont des blancs qui causeront la déchéance de Platt, ce seront également des blancs qui le sauveront, à l'image du propriétaire interprété par Benedict "la classe" Cumberbatch, prenant les armes pour le défendre, ou bien encore le personnage de Pitt en fin de métrage. D'ailleurs, il nous clairement montré que tout geste de générosité exécuté par un blanc envers un être humain considéré comme un animal ou une simple propriété est un geste à la fois courageux, moral, humain mais aussi dangereux et mortel. Au fil de ses rencontres, Platt découvrira que certains noirs peuvent se montrer aussi bas et inhumains que certains esclavagistes, et qu'ils ont renoncé à toute dignité et fierté dès lors que leur complicité et servilité vis à vis de leurs "propriétaires" leur permet d'accéder aux statuts les plus hauts placés dans la société. D'ailleurs, Platt n'est pas dupe, il est parfaitement conscient que ses connaissances et son intelligence mises au profit de son propriétaire peuvent lui épargner nombre de coups de fouets. En fin de métrage, Platt en arrive à ne plus savoir à qui se fier et c'est au détour d'un dialogue entre deux blancs que va pourtant se profiler une providentielle porte de sortie. Il est à noter que le film, comme je vous le disais plus haut, adopte le pont de vue de Platt, ce qui signifie qu'on ne sortira jamais des lieux de l'action, et on ne verra jamais d'histoire secondaire, comme par exemple la vie de la femme et des enfants du héros, ce qui alourdirait considérablement le récit et relâcherait la tension dramatique du film. Leurs retrouvailles à la fin n'en sont d'ailleurs que plus puissantes et émouvantes.


Concernant la mise en scène, elle à la fois sobre et efficace. Sobre car elle s'adapte à la lenteur du temps qui passe pour son héros. beaucoup de longs plans fixes, de plans de paysages et quelques plans séquences parfaitement maîtrisés (la vente d'esclave où l'on suit le vendeur d'une pièce à l'autre, sorte de foire malsaine et dégradante). Efficace car McQueen a également recours à l'ellipse assez fréquemment, surtout lorsqu'il s'agit d'évacuer des actions que l'on devine et qui ne ferait qu'appuyer encore plus ce qui a été expliqué une scène avant (exécutions, pendaisons..) et au hors champs, ce qui rend parfois difficiles et poétiques certaines scènes du film, à l'image de cette séquence où l'on regarde une petite fille se faire des poupées à visage humain avec de la paille avec en fond sonore deux esclaves en train de se faire fouetter en hurlant. 
Petite parenthèse concernant la violence du film, il vaut mieux être prévenu. Même si on est loin du grand guignol du Final de Django, la violence du film de McQueen est parfois à la limite du supportable, osant montrer des scènes de flagellation et leur résultat de manière froide et brutale, surtout dans la dernière partie du métrage. 
Passons maintenant à l'interprétation. McQueen sait s'entourer pour raconter une histoire. Ce film contient un des plus beaux castings de l'année. Si Chiwetel Ejiofor est de tous les plans et impressionne par sa présence et son regard tout en violence et frustration, on retiendra surtout la performance de l'acteur fétiche de McQueen, Michael Fassbender. Acteur au charisme hallucinant, arrivant en un seul regard à passer du monstre à visage humain à tendre protecteur, il est celui par qui la chute arrive, réduisant à l'état animal tout homme qu'il aura pour esclave, justifiant les pires sévices par la Bible. Les échanges entre son personnage et Platt sont d'une violence psychologique assez terrifiante. Encore un qui ne l'aura pas volé, son oscar. Vous retrouverez également Paul Giamatti, Paul Dano, Brad Pitt et Benedict Cumberbatch, petite lueur d'humanité obligé de se comporter en monstre pour sauver un homme, et qui malgré lui poussera Platt dans la gueule d'un loup beaucoup plus dangereux et inhumain que lui. Les personnages féminins sont un peu en retrait, cantonnés aux rôles de femme jalouse et raciste (Sarah Paulson dans un rôle ingrat), ou d'esclave éprise de liberté mais suicidaire. 


L'esclavage est un sujet tellement riche et complexe qu'il existe autant de façon de faire des films dessus qu'il existe d'avis et de témoignages sur cette triste page des Etats-unis. Steeve McQueen, en adaptant l'histoire vraie de Solomon Northup, a réussi un film à la fois puissant et humain, triste mais rempli d'espoir, ne se posant jamais en juge ni en condamnant les actes commis par les américains blancs. Premier grand film de 2014 donc. 

lundi 20 janvier 2014

Brooklyn nine-nine saison 1

Brooklyn nine-nine saison 1 (2013)
créée par Dan Goor et Michael Schur



Pour ceux qui ne suivraient pas, ou alors de très loin les golden globes (cérémonie servant, grosso modo, de grande répèt' pour les oscars), cette année le grand gagnant dans la catégorie meilleure série comique n'est autre que Brooklyn nine-nine. Pour info, en compétition se trouvaient également Parks and recreation, Modern family, Girls et the Big bang theory. Passons outre le fait que cette dernière série soit en vraie baisse de régime depuis bientôt deux ans et que sa présence au sein des nominés n'est due qu'au personnage principal de la série, Sheldon, pour se concentrer sur la vraie découverte de cette liste de séries, Brooklyn nine-nine, les autres en compétition n'étant pas à proprement parler des nouveautés (Parks and recreation en est déjà à sa sixième saison). Créée entre autre par Michael Schur, déjà derrière P&R, la série nous présente l'unité 99 de Brooklyn, où officie toute une troupe de commissaires et d'agents représentants de la loi, plus occupés à glandouiller qu'à faire régner la loi justement, alors qu'arrive un nouveau capitaine, sérieux comme un arrêt cardiaque et bien décidé à faire marcher au pas toute la brigade. A commencer par le leader de cette petite troupe, Jack Perelta, efficace dans son travail mais rétif à toute sorte d'autorité. 


Pour commencer, sachez que si vous n'êtes pas réceptif à l'humour tendance The office (les apartés entretiens mis de côté) et surtout à l'esprit Saturday night live, passez votre chemin. Pourquoi ? Première raison, vous y trouverez dans le rôle principal une figure de proue du cultissime divertissement (et accessoirement producteur de la série) : Andy Samberg. Véritable ouragan comique, il est de toutes les scènes, gesticulant et débitant une connerie toutes les 20 secondes. Mieux vaut être prévenu, ça peut en devenir fatigant sur la durée.  Autant vous dire que par moment on a l'impression de regarder un sketch du SNL de 20 minutes centré sur son personnage. Ceci étant, se limiter à son personnage serait vraiment dommage, tant la série est davantage un ensemble show qu'un spectacle de stand up à la gloire de Samberg. En effet, assez logiquement, le détective Perelta n'est pas le seul à travailler dans le commissariat. Ce qui nous amène à découvrir ses collègues en même temps que son nouveau patron, le capitaine Ray Holt, interprété par Andre Braugher, que les plus téléphages d'entre vous ont pu découvrir dans la brillante série Homicide. Son personnage nous est présenté comme le contrepoint parfait à Perelta, c'est à dire droit, sérieux, respectueux des ordres et procédures. Leur opposition est d'ailleurs un des principaux ressorts comiques de la série, les deux hommes passant le plus clair de leur temps à se provoquer et à se jauger, quitte à redoubler parfois de mauvaise foi et de petits coups de pute. Si Perelta est parfois excessif dans son excentricité, Holt l'est aussi dans son sérieux à toute épreuve, ce qui mine de rien est pour beaucoup dans le comique de situation de la série, la plupart des agents du commissariat tentant tant bien que mal de cerner son caractère en usant de stratagèmes pas toujours très subtils. Parlons en justement des collègues de Perelta. Ils ne sont malheureusement pas tous bien écrits et intéressants à suivre. Certains sont assez unidimensionnels et fades, à l'image de Santiago, jeune femme inspecteur dont les dents rayent le parquet, surtout celui devant le bureau de Holt, et Boyle, personnage mono-maniaque et assez lourdingue dans ses interventions. Les personnages les plus intéressants sont à chercher du côté de Rosa, véritable psychopathe avec un badge, qui n'inspire que crainte et méfiance dès lors qu'elle quitte son bureau, Gina la secrétaire en chef danseuse à ses heures perdues et surtout le lieutenant Jeffords, interprété par Terry Crews (vu notamment dans the expendables et dont le talent comique explose littéralement dans la série), montagne de muscles ultra sensible, tempérament de midinette sous un corps de catcheur. 


Passons maintenant à la série en elle même. Rien de nouveau dans le format, on reste sur le classique "20 minutes de comédie", sous influence the office dans sa mise en scène (filmage à la caméra portée mais pas aussi documentaire que the office) et arrested development (pour les nombreux flashbacks). Pas de rires enregistrés ici, le style pseudo documentaire ne s'y prêtant absolument pas, vous rirez où bon vous semblera. D'ailleurs, venons en au fait : Pourquoi cette série a t-elle gagné le golden globe de la meilleure série comique ? Pour simplifier on pourrait dire qu'en 12 épisodes elle arrive à jongler brillamment avec du comique de dialogue et du comique de situation, école du SNL oblige. Si certaines séries comiques se reposent beaucoup (trop?) sur les dialogues, Brooklyn 99 soigne tout aussi bien ceux-ci que les situations dans lesquelles se fourrent ses personnages. Si l'influence de la série The Office pointe parfois le bout de son nez avec des running gags dans les dialogues (le that's what she said de Dundler Mufflin est ici remplacé par le this is the title of your sex tape de l'ensemble des inspecteurs, balancé après chaque réplique de Santiago, du style "désolé pour hier soir", "j'ai rien vu venir", etc...), la vraie comédie est à trouver du coté des situations, entre instants complètement incongrus, avec Jeffords transpirant en marcel, luttant pour monter une maison de poupée pour sa gosse, ou comique purement visuel (hilarante scène muette dans un couloir d’entrepôt, dans le Pilote). Un des avantages d'avoir un transfuge du SNL dans l'équipe, c'est qu'on est sûr d'avoir une série sans temps mort entre deux gags. le rythme ne faiblit jamais et même si parfois le jeu de Samberg parait parfois forcé, il s'adapte parfaitement à son personnage, bouffon permanent et infatigable car parfaitement conscient d'être le meilleur de son commissariat. 


Autre bon point à mettre au crédit des créateurs, la série sait rendre hommage aux multiples cop shows qui ont précédé sur les networks. Durant cette saison vous verrez donc défiler Stacy Keach, inoubliable Mike Hammer, Dean Winters célèbre prisonnier de la série Oz et déjà policier dans la série Rescue me, sans oublier André Braugher donc qui, chose étrange, donne ici l'impression de rejouer son personnage de Homicide mais vingt plus tard, désormais gradé et ayant fait son coming out. 
Pour conclure on peut affirmer que pour apprécier la série il est essentiel ne pas y chercher une once de réalisme (jamais un commissariat n'aura paru aussi calme et semblable à un open space) et surtout de ne pas être réfractaire au style parfois hyperactif de son comédien principal, ce qui peut freiner un public encore trop habitué aux tranquilles sitcoms des networks qui commencent à accuser un gros coup de mou niveau évolution ( the big bang theory en tête) à trop vouloir étirer des gags qui ne sont plus efficaces passées les 4 années à l'antenne. 

dimanche 19 janvier 2014

The spectacular now

The spectacular now de James Ponsolt
Genre : comédie et drame un peu, aussi.
Sortie le 8 janvier 2014



Ce n'est jamais simple de critiquer un film estampillé Sundance approved. Pourquoi ? Parce qu'avec le temps c'est devenu tellement un genre en soi le film Sundance, Mecque US du film indépendant. Antithèse absolue du Hollywood fournisseur de blockbusters, machine à sous sans âme, il est rare que les films projetés dans ce festival arrivent jusqu'en France, et si tel est le cas, c'est qu'ils sont précédés d'un buzz susceptible de les faire cartonner partout ailleurs à l'étranger. Quelques exemples : Little Miss Sunshine, comédie dramatique sur une famille dysfonctionnelle en route vers un concours de beauté pour la petite rondouillarde de la famille, ou bien encore 500 days of Summer, encore une comédie mais romantique cette fois ci avec Joseph Gordon-Levitt, récit déstructuré d'une relation entre un grand rêveur et une casse-couille de première classe. Point commun de ces films, axer une histoire sur les touts et riens du quotidien et en faire un film qui parlera au plus grand nombre. C'est simple, authentique et c'est le carton assuré. En ce qui concerne The spectacular now, le sujet traité est un peu plus mainstream, l'adolescence. Mais ce qui fait la différence c'est le traitement du film. Plutôt que de se contenter de raconter une histoire romantique entre deux ados que tout oppose, le scénario y insère une touche dramatique qui propulse le film un cran au dessus des autres teen movies.


Le film raconte l'histoire de Sutter keely, ado bien dans sa peau, mais un peu trop porté sur la boisson qui, après une soirée trop arrosée, se réveille sur une pelouse sous le regard amusé de Aimee, lycéenne timide et curieuse. Le film fait craindre dans ses premières minutes un énième teen movie blindé de clichés, avec ses soirées de fous, ses beaux gosses sportifs, la petite copine belle et sans reproches. Mais tout cet univers explose dès lors que Sutter se réveille douloureusement, comme si tout ce qui a précédé n'était qu'un rêve, une vision fantasmée de la réalité. Et la première chose qu'il va rencontrer dans cette nouvelle réalité, c'est Aimee. C'est à ce moment là que le vrai film commence. Autant vous le dire tout de suite, les deux ados vont très vite se rapprocher, se découvrir et c'est d'ailleurs dans cette découverte de l'autre que réside la grande force du film. Si Aimee va lui faire découvrir une vie un peu plus posée que celle où il finissait torché tous les soirs, Sutter va l'entraîner dans l'alcool, et c'est là que le film devient à la fois touchant et triste. Touchant grâce au lien qui se crée entre les deux ados, et triste car Sutter entraîne Aimee sur la voie de l'alcoolisme, sans même que celle ci ne s'en rende compte. Chose assez surprenante, on ne rira pas beaucoup pendant le film, le récit ressemblant de plus en plus à une sévère gueule de bois après des années de joyeuse beuverie, Sutter devant faire face à des soucis qu'il pensait ne jamais avoir à gérer, notamment son père absent. Même Aimee, pourtant rayonnante, se traîne de sérieux traumatismes et drames familiaux. Et c'est dans l'adversité que les deux ados se retrouvent, se poussant mutuellement à affronter leurs problèmes, entre deux shots de whisky et deux soirée estudiantines. Les problèmes sont différents, découverte du père pour Sutter, et confrontation avec la mère pour Aimee, même si les soucis de celle-ci sont traités assez brièvement pour se concentrer sur les retrouvailles avec le père de Sutter, qui bien entendu ne se passeront pas du tout comme prévu. Sans trop spoiler, nous dirons que les chiens ne font pas des chats, et que l'alcoolisme est déjà bien présent dans la famille de Sutter. Si le scénario est plutôt bien écrit, avec des dialogues troublants de justesse, et avec des personnages étonnamment justes (même l'ex-petite amie de Sutter, interprétée par Brie Larson, pourtant personnage secondaire, est crédible dans son comportement), le film doit beaucoup à ses interprètes, Miles Teller et Shailen Woodley en tête. Si le premier, entraperçu dans Projet X, est excellent en adolescent à la fois trop confiant mais déboussolé et sans repère dès qu'il s'agit de prendre seul une décision, la deuxième, remarquée dans The descendant avec Georges Clooney, est parfaite en adolescente naïve et pleine de bonne volonté. Autour de ces deux comédiens, on retrouve Kyle "Friday night lights" Chandler, Mary Elizabeth Winstead et la trop rare Jennifer Jason Leigh, peu à l'écran mais la scène finale avec son fils est là pour rappeler qu'elle est une grande comédienne sous exploitée au cinéma.


On pourra toujours reprocher au film de ne pas assez insister sur l’alcoolisme de Sutter, même s'il s'en rend compte en fin de métrage, ainsi que des conséquences dramatiques que cela peut avoir, et sur le coté destructeur qu'a le héros sur celle qu'il aime sans qu'il ne le réalise vraiment (cet aspect n'est que survolé lors de la dispute dans la voiture en fin de métrage), mais le côté tranche de vie adolescente est décrit avec une telle justesse et si bien interprété qu'il serait dommage de passer à côté d'un des meilleurs films de la rentrée.

lundi 13 janvier 2014

Les sorcières de Zugarramurdi

Las brujas De Zugarramurdi de Alex De la Iglesia
Genre : comédie fantastique
Sortie le 8 janvier 2014


S'il y a bien un réalisateur espagnol qui attire la curiosité à chaque nouveau film, c'est bien Alex De la Iglesia. Découvert avec Action mutante, il ne cesse, en alternant les genres à chaque nouveau film, de proposer de nouvelles formes de divertissement. Autant à l'aise dans la comédie sociale, avec mes chers voisins par exemple, que dans le drame, comme il l'a montré avec son dernier film Balada triste de trompeta, chaque nouveau métrage est attendu de pied ferme. Retour donc de ce réalisateur pour une comédie fantastique, complètement folle et décomplexée, mais chose assez surprenante, avec plusieurs niveaux de lecture et d'interprétation.

Le premier niveau de lecture sera plutôt à situer au niveau du divertissement pur et dur. Comme l'a prouvé par le passé De La Iglesia avec des films tels que Mes chers voisins ou encore Le crime farpait, il excelle dans le genre dans lequel il souhaite raconter son histoire. Pour ce qui des sorcières de Zugarramurdi, on se situe clairement dans la comédie fantastique, ultra référentielle et décomplexée. Une des premières références avouées du réalisateur est le film Une nuit en enfer de Robert Rodriguez, qui commençait avec un braquage et une prise d'otages et qui bifurquait à sa moitié de métrage vers le fantastique pur et dur avec des vampires et des braqueurs obligés de s'associer à leurs otages pour survivre jusqu'au matin. Dans le cas présent, on commence avec un père de famille et son ami braqueur qui, pour échapper à la Police, fuient vers la France et s'arrêtent en chemin à Zugarramurdi, ville réputée pour ses anciens sabbats et ses sorcières. Une longue nuit de folie les attend. Si le film de Rodriguez commençait avec une tension immédiate et une absence totale de second degré et d'humour (fusillade, immolation, pression psychologique), De La Iglesia annonce d'entrée de jeu la tonalité du film : La comédie. Si vous n'avez jamais vu Jésus et Bob l'éponge commettre un braquage avec Minnie et l'homme invisible, je vous le conseille ça vaut son pesant d'or. Les deux films suivent le même tracé, remplacez simplement les vampires du désert par des vieilles sorcières ibériques, jusqu'à un final mélangeant allègrement bastons en lévitation tout droit sorties de Zu de Tsui Hark, monstre géant venu des bois et dévoreur d'humains (référence à King Kong, qui comme son homologue espagnol est sermonné par des chants et des tambours) et même La famille Adams, avec le spectacle de fin d'année du gamin de la bande dont le numéro de magie vire au bain de sang digne de la grande époque du grand guignol.  Le mot d'ordre est de ne jamais se prendre au sérieux (réservons ça au deuxième niveau de lecture), et de rire de tout, des personnages tous plus cons les uns que les autres, des dialogues parfois complètement surréalistes, du comique de situation et de certains choix de mise en scène, à l'image de certaines sorcières interprétées par des hommes qui ne se donnent même pas la peine de changer leur voix. Et même si parfois le rythme faiblit en milieu de métrage (c'est d'ailleurs un défaut récurrent dans la filmo de De La Iglesia, tous ses films ont la même structure : Introduction punchy / début du récit / Ventre mou / climax / plan final), certains passages confinent à l'hystérie collective, comme si la mise en scène s'accordait à la folie ambiante du film.



Comme je vous le disais plus haut, le film offre deux niveau de lecture. Si le métrage fonctionne très bien en tant que comédie fantastique, il serait injuste de cantonner le réalisateur au seul rôle d'amuseur public. Si l'on regarde les derniers films du monsieur, on constate que ceux-ci, sous leur apparence de film de genre (western pour 800 balles, drame pour Balada triste, comédie pour un jour de chance ou mes chers voisins) ils ne sont que des chevaux de Troie pour asséner des messages et des idées sous-jacents parfois virulents de la part du réalisateur à l'encontre de la société actuelle. Si 800 balles est un western, c'est aussi une critique de la modernisation à outrance prenant le pas sur le patrimoine et la culture (les méchants promoteurs qui veulent raser le cinecitta local), Mes chers voisins est une comédie acerbe qui n'oublie jamais de faire remonter à la surface le côté égoïste et lâche de chaque individu vivant en communauté dès lors qu'il est possible d'écraser ses semblables et amis si l'on peut toucher le pactole et ne rien partager. Dans le cas du film qui nous intéresse ici, c'est la position des femmes dans la société actuelle qui est ici traitée. Dans le film, les hommes n'occupent qu'une place limitée, cantonnés à des rôles de lâches (le personnage principal est avant tout un père absent qui ne pense qu'à lui et un menteur sans foi ni loi) ou d'homos refoulés incompétents dans leur travail (les deux policiers). Les femmes tiennent ici les rôles principaux, entre femmes fortes (les deux chefs de la communauté de sorcières) et femmes fragiles et naïves car amoureuses (la jeune sorcière). Manipulatrices et dangereuses, elles en deviennent finalement beaucoup plus intéressantes à suivre que le trio de héros assez couillons et faibles, résumant bien l'idée que les hommes sont au final assez dispensables et obligés de se plier aux règles imposées par les femmes pour pouvoir exister ou survivre. De la Iglesia entérine d'ailleurs ce propos en faisant interpréter des rôles de mégères par des acteurs, hommes contraints de par la mise en scène à se travestir pour pouvoir exister dans le récit. Le film prend par moment des tournures de film fantastique féministe engagé, où l'on papote hommes, sexualité débridée, où une scène de sacrifice humain prend des allures de soirée tupperware. C'est d'ailleurs les femmes qui ont le dernier mot (au sens propre comme au figuré) du film, dans un ultime constat à la fois désespéré mais tristement réaliste, quand l'une des sorcières, voyant les hommes se glousser devant leur nouvelle richesse, dit à ses amies que tôt ou tard, ils seront perdus et sans repères et qu'ils devront revenir vers celles qui leur auront prêté le plus d'attention, les femmes de Zugarramurdi. 


C'est ce parfait équilibre qui fait tout le charme du film, à la fois farce grasse et hilarante, parfois lourdingue mais remplie de dialogues priceless (" Moi je n'ai pas peur des sorcières, ce que je crains le plus, ce sont les fils de pute" dixit la sorcière en chef) et aussi pamphlet radical sur la position des femmes dans la société espagnole actuelle.

mardi 7 janvier 2014

Old Boy

Old Boy de Spike Lee
genre : Le remake pour les nuls édition 2014
Sortie le 1er Janvier 2014


On ne va pas commencer l'année en rageant à nouveau sur l'étonnante facilité qu'a Hollywood pour produire des remakes de films étrangers, et ce dans un laps de temps parfois étonnamment court. On se trouve ici dans le même cas de figure que Les infiltrés sorti en 2006, film de Scorsese, remake US du film chinois Infernal affairs, à savoir une relecture d'un chef d'oeuvre transposé dans l'Amérique bien de chez nous (ou chez eux plutôt). Le film de Spike Lee est une version US du film de Park Chan Wook, uppercut cinématographique de 2003, impressionnant de maîtrise, de violence sèche et illustrant de fort belle manière le thème cher au réalisateur, la vengeance. Old Boy s'inscrivait d'ailleurs dans une trilogie, celle de la vengeance, avec Sympathy for Mr Vengeance et Lady vengeance. Au final le moins que l'on puisse dire, c'est que ce n'est pas encore avec ce film que le niveau de qualité des remakes va grimper.

Pour ceux qui ne connaîtraient pas le film original, l'histoire raconte comment un homme se fait kidnapper un soir de cuite et se retrouve séquestré pendant 15 ans (le remake surenchèrit, il en prend pour 20 ans), sans autre forme de procès. Pendant son enlèvement il apprend que sa femme a été tuée et que sa fille de 3 ans a été placée en famille d’accueil. Lorsqu'il est libéré, il est contacté par son ravisseur qui lui propose un marché, soit il accepte et il sort vainqueur du défi qui est proposé, alors son ravisseur se rendra à la police, soit il échoue et sa fille meurt. 
Voilà pour les grandes lignes. Un des principaux problèmes du film de Lee est cette tendance à vouloir trop en dire et donner trop d'infos. Un exemple : dans le film original, on découvrait Ho, quadra fêtard mais bon père, qui se faisait ramasser par son ravisseur un soir de cuite. On le découvrait ensuite dans sa chambre-geôle. Dans le remake on fait la connaissance en début de métrage de Joe, et plutôt que de nous montrer un homme gentil mais un peu alcoolique sur les bords, on découvre pendant un quart d'heure un homme ignoble, père indigne, misogyne, manipulateur et déchet alcoolisé notoire. Et ensuite il se fait enlever. A part justifier la scène où, une fois libéré, il effectue des recherches sur le net pour savoir qui il aurait pu énerver 20 ans auparavant au point de finir enfermé, on ne voit pas trop à quoi sert cette introduction. Tout le film donne l'impression de ne jamais vouloir lâcher la main du spectateur, de peur de le laisser sur le bord de la route, et ce jusqu'au bout du film qui voit le kidnappeur demander à Joe de tout récapituler, des fois que...Là où dans le film coréen il suffisait de montrer un accessoire au spectateur pour qu'il se fasse lui même sa propre déduction et éprouve du dégoût en même temps que le personnage principal, ici on subit un diaporama avec commentaire audio des personnages.


Alors certes les grandes scènes clés du film sont respectées, de la scène du couloir et du marteau à la révélation finale, mais elles sont tellement moins bien amenées et filmées que dans le film original qu'elles en perdent tout impact. La scène du couloir qui voyait Ho défoncer une bande entière de mecs au marteau était efficace car il en émanait une violence sèche et primitive, dans le le film de Lee, elle laisse deviner une chorégraphie (le mot n'est pas assez fort je trouve pour qualifier les mouvements exagérés de certains combattants) qu'une mise en scène optant pour le plan séquence tente de rendre la plus violente possible. La scène de la révélation finale est aussi foirée car se reposant sur une mise en abîme du Cinéma et des médias, à grand renfort de caméras, de décors et de diapos, pas aidée par une interprétation tout en surjeu. Spike Lee ose même faire un détour par le Torture Porn (c'est bien, ça, mine de rien ça fait rentrer quelques fans des Hostel dans les salles, s'ils pigent rien au film au moins ils seront en terrain connu niveau boucherie) avec une relecture de la visite de Ho à son "gardien de cellule", sauf qu'ici au lieu de lui faire sauter les dents, il lui fait du découpage à même la peau et au cutter (Sel la baleine inside). Un des autres problèmes du film se situe au niveau de  l'invraisemblance de certaines situations. Que le ravisseur puisse espionner le téléphone de Joe, ça passe encore, mais comment arrive t-il à mettre des caméras de surveillance partout ? A part pour justifier lors de la révélation les images de Joe et de sa fille en train de (Spoiler), je ne comprends pas l’intérêt. 
Venons en maintenant au gros point faible du film : l’interprétation. Si Josh Brolin s'en sort à peu près bien, ce n'est pas le cas de ses collègues, tous plus mauvais les uns que les autres. Honneur au roi, j'ai nommé Sharlto Copley. Déjà en roue libre dans Elysium, il confirme ici tout le mal qu'on pensait de lui, dans le rôle du bad guy. Entre grimaces perpétuelles et gros yeux méchants, il n'arrive jamais à incarner le malsain et la froide détermination de son personnage, autrement plus terrifiant dans le film original. Seul point positif, c'est que dans l'original on se demandait si le kidnappeur n'avait pas 8 ans quand il avait enlevé Ho, dans le film de Lee on a un comédien qui tape déjà plus dans la quarantaine. Dans le rôle du geôlier vous aurez le plaisir de supporter Samuel L.Jackson, en grande forme lui aussi, tout en roulements d’œil et cris de douleurs à s'en péter les cordes vocales. A part ça, Michael Imperioli assure le minimum syndical en meilleur pote compréhensif (même si sa mort lui vaudra je pense un award de la meilleure grimace du mec qui se fait étrangler) et Elizabeth Olsen arrive à faire exister un rôle beaucoup moins bien écrit que son homologue coréen.


Concernant la mise en scène, pas d'éclat de la part de Lee. S' il met un point d'honneur à filmer comme il faut certaines scènes clés du film de Wook, comme celle du couloir par exemple, et truffe son film de clins d’œil au film original (Brolin qui fixe un poulpe dans un resto chinois), sa mise en scène est assez impersonnelle, entre bonnes idées (le flashback avec insertion des personnages des deux époques), moments de tension et de violence sèche (le carnage final dans la maison) et rythme parfois mollasson là où devrait normalement s'instaurer une tension palpable (la mort de Chucky). On savait que Lee était capable de se plier aux règles du film de commande pour les Studios, il suffit de regarder Inside Man pour s'en convaincre, mais là encore il passe outre le dénouement original, qui culminait dans une scène d'auto mutilation et de tristesse infinie, pour aller se ranger tranquillement sur les rails du politiquement correct, à base de "je vais bien ne t'en fais pas, bisous" . 
Encore une fois, on se retrouve donc avec un remake n'ayant pas une seule seconde la force de l'original (j'ai attendu en vain les 4 saisons de Vivaldi, au lieu de ça on a un score sans éclat), osant quelques explosions de violence pour dynamiter un peu le récit, atténuant beaucoup le coté malsain de l'original (il est toujours question d'inceste, seuls quelques protagonistes changent, mais mine de rien ça fait la différence) pour livrer une sorte de film borderline pour Studios. 


dimanche 5 janvier 2014

Tel père tel fils

Soshite chichi ni naru de Hirokazu Kore-Eda
Genre : Drame familial
Sortie le 25 décembre 2013



Au dernier festival de Cannes, 2013 donc, deux favoris pour la palme d'or se tenaient coude à coude : La vie d'Adèle et le film de Kore-Eda. Les deux films ne courent pas du tout dans la même catégorie, sont très différents dans leurs sujets. L'un est un récit fleuve sur l'éveil à l'amour et à la sexualité d'une ado et l'autre un drame familial. Les deux ont tapé dans l’œil de Spielberg, mais seule Adèle est repartie avec la palme d'or. Dommage j'ai envie de dire. Pourquoi (ça n'engage que moi) ? Le film de Kore-Eda est une excellente surprise, peut être un des meilleurs films de l'année 2013, un portrait sincère et touchant de la société japonaise actuelle doublé d'une belle histoire de famille décomposée et recomposée.

On a échangé nos enfants
Si vous ne connaissez pas Kore-Eda, je vous conseille fortement de vous plonger dans son oeuvre. Une des thématiques récurrentes chez ce réalisateur est la Famille. Sujet en or lorsqu'on est cinéaste, tant il y a de choses à raconter dessus, entre les non-dits, les secrets, les souvenirs, les règlements de comptes...
Sujet universel par définition, chez Kore-Eda il est également un moyen de dresser un portrait à la fois incisif mais sincère, touchant mais parfois à la limite du miroir jeté à la face de ses concitoyens nippons. Que ce soit dans son film Nobody knows, où cinq enfants étaient obligés de vivre sans adulte dans un appart, ou bien encore Air Doll, dans lequel un salary-man, individu noyé dans la mégalopole tokyoïte, passait ses nuits avec une poupée gonflable qui, dès qu'il avait le dos tourné prenait vie et s'en allait découvrir la Vie, Kore-Eda dressait le portrait d'une société où la Famille, sujet sacré au Pays du soleil levant, est malmenée et piétinée pour pouvoir se reconstruire et se retrouver. Dans Tel père tel fils, pas de Air doll ni d'abandon d'enfants, même si le sujet ne prête pas encore à la franche rigolade.

Le film partage avec le film La vie est un long fleuve tranquille de Chatilliez son postulat de départ. Deux enfants sont échangés à la naissance par une infirmière frustrée et mal intentionnée. Un enfant grandit dans une famille aisée, papa architecte, mère poule, cours de piano et école privée, et l'autre dans une famille plus modeste, père épicier, mère employée de fast food, le tout dans une maison de banlieue. Au cours de la sixième année des bambins, l’hôpital qui les a vu naître contacte les parents pour les mettre au courant. Et c'est là que les choses se compliquent.

Comme je vous le disais, Kore-Eda est un cinéaste du réel, tendance chronique du quotidien. On assiste à l'explosion simultanée de deux cellules familiales, à la rencontre de deux univers qui n'auraient jamais dû se croiser. Et c'est cette secousse qui va servir de révélateur aux divers protagonistes, faisant éclater au grand jours des non-dits et des comportements parfois violents et égoïstes mais toujours très humains. Du coté des Lequesnoy des plus aisés, c'est le père, homme strict et distant qui va le plus s'affirmer, osant même demander à l'autre famille s' il est possible, moyennant argent, de récupérer la garde des deux enfants. Et si son comportement est parfois aux limites de la mauvaise foi (plutôt que de reconnaître qu'il n'a pas su se rendre compte de l'échange, il assène à sa femme un froid "tu aurais dû le savoir. Tu es sa mère"), il agira toujours par amour pour son fils adoptif, qu'il refuse de voir partir avec une famille de provinciaux, quand bien même cette deuxième famille déborde d'amour avec leur 3 enfants. La mère n'est pas le personnage le plus développé, elle est présentée comme une femme assez soumise qui va profiter de l'explosion de sa cellule familiale pour découvrir d'autres personnes et s'affirmer face à son mari.


Du coté des banlieusards, on découvre une famille plus modeste qui accueille la nouvelle de manière plus pragmatique (Echange de bébés = procès = argent, beaucoup d'argent) car vivant dans des conditions moins aisées que l'autre famille. Faisant preuve de beaucoup plus de bonne volonté et de compréhension que les autres parents, l’appât du gain ne leur fait jamais oublier les vraies valeurs de la famille, notamment lors de la scène où les parents riches leur proposent, moyennant finance, de garder ad vitam les deux enfants, ce qui entraîne la colère du père épicier, qui leur rappelle que l'argent n'achète pas tout. Pour être honnête, même si le père architecte est parfois touchant dans sa volonté de ne pas laisser partir son fils, l'autre famille est beaucoup plus attachante car moins préoccupée par le matériel et plus centrée sur les vraies valeurs de la Famille, entre vraie complicité père / fils et bienveillance de la mère, plus proche de ses enfants.

Pendant tout une année, les deux familles vont se croiser, s'estimer et arriver à la partie la plus surprenante du film : l'échange des enfants. Choix scénaristique assez surprenant, tant on ne s'attend pas à ce que les enfants réintègrent les bonnes familles. Heureusement, Kore-Eda en profite pour en remettre une couche sur l'impossibilité de fonder une famille sur des bases familiales déjà existantes et beaucoup trop fortes pour être remplacées du jour au lendemain. Ce qui nous vaut une scène tragi-comique ou Ryusei, enfant provincial et contrait de vivre avec ses vrais parents, lit à haute voix et à table le règlement intérieur de son nouveau chez-lui, entre programmation de leçons de piano et obligation d'appeler papa et maman des gens qu'il ne connait que depuis 6 mois. Beaucoup de "pourquoi" et beaucoup de "parce que c'est comme ça". Comme le réalise assez vite le père citadin dès que son fiston prend la tangente pour rejoindre son "vrai père", on ne peut pas toujours se fier aux liens du sang, précepte dont on lui rabâche les oreilles pour le convaincre qu'il a fait le bon choix en procédant à l'échange des enfants. Toute la bonne volonté du monde ne remplace pas six ans d'éducation dans une autre cellule familiale. 


Pour illustrer son récit, Kore-Eda opte pour une mise en scène assez sobre, optant souvent pour des plans fixes, longs, sans sur-découper des scènes, même si parfois la mise en scène illustre un peu trop ce qui se dit à l'écran ou ce qu'on avait déjà compris (Ryusei et son père adoptif qui se parlent l'un à côté de l'autre mais sur des chemins différents pour au final se retrouver au bout de leur chemin). On le le dira jamais assez mais ce réalisateur est un des rares à faire aussi bien jouer les enfants, arrivant à leur faire jouer toute une palette de jeu assez variée, sans forcer ni surjouer, ajoutant une touche de crédibilité à l'ensemble. 

Je ne saurais que trop vous conseiller de voir ce film, à la fois grave et léger, triste et joyeux, portrait mi amusé mi-déprimé d'être humains à la fois lâches et courageux, égoïstes et généreux. Excellente surprise de la fin de 2013. Ou bonne façon de commencer 2014...


jeudi 2 janvier 2014

Hannibal saison 1

Hannibal
Créée par Bryan Fuller


Il n'y a pas si longtemps, je vous parlais de la tendance des networks US à aller piocher dans les grands mythes du Cinéma pour relancer l’intérêt des téléspectateurs qui voyaient leurs dramas préférés toucher à leur fin. Alors que Dexter s'achevait sur une note minable, sa huitième saison étant une sorte de gros foutage de gueule à l'encontre des fans qui osaient encore espérer une fin décente pour leur héros, démarraient deux séries similaires dans l'idée (les origines du mal) mais s'inspirant de deux icônes cinématographiques bien différentes. La première c'est Bates Motel et l'autre c'est Hannibal. Si la première est un ratage complet, comme je vous l'expliquait par ici, la seconde lui est infiniment supérieure à tous les niveaux. Je m'en vais vous expliquer pourquoi.



Entrée
A l'origine de ce projet télévisuel, la productrice Martha DeLaurentiis et Byan Fuller. Son nom ne vous dit rien, ses récentes productions vous parleront peut être plus, les étonnantes Dead Like Me et Pushing Daisies. Des séries bourrées d'humour, d'idées barrées et de personnages tous plus attachants les uns que les autres. Point commun des deux séries, le sujet traité : La mort. Dead Like Me racontait les aventures d'une troupe de faucheurs d'âmes spécialisés dans les morts violentes, et Pushing daisies, production sous influence Amelie Poulain, narrait la vie d'un homme qui avait le don de ressusciter les morts par un toucher, et les tuer à nouveau des lors qu'il les retouchait. Difficile alors d'avoir un contact quelconque avec sa bien aimée, fraîchement réanimée...Il est donc d'autant plus étonnant de trouver Fuller à la barre d'un des dramas les plus sombres et noirs de 2013 mais quand on lit les interviews du bonhomme, on sent une vraie passion et un respect absolu pour l’univers d'Hannibal. Et puis le cannibale se prêtait difficilement à un traitement comique quand on y pense. En tout cas il ne s'est pas raté sur ce coup là, sa série est une des  meilleures de l'année. Pourquoi ? La réponse ci dessous.

Plat
D'un point de vue chronologique, l'action de la série se situe avant Dragon Rouge, qui lui même se situait avant Le silence des agneaux et Hannibal. Vous ne trouverez donc aucune trace de Clarice Starling, et encore moins de Dolarhyde, mais sont déjà présents Jack Crawford, Will Graham et Hannibal, en liberté et psychologue de son état. La série commence lorsque Jack Crawford, enquêtant sur une série de meurtres de jeunes femmes qui est l'oeuvre d'un serial-killer, fait appel à Will pour l'aider à le coincer. Particularité de Graham, sa faculté à se mettre dans la tête du tueur, quitte à s'abandonner parfois complètement et à se déconnecter de la réalité. Son enquête va le mener jusqu'au tueur et à sa fille, à une fusillade qui le laissera fragilisé et le forcera à être suivi de près par Hannibal, psychologue, et tueur à ses heures perdues. Le tueur de l'épisode Pilote est d'ailleurs le fil rouge de la saison, puisque pendant toute celle-ci on suivra la descente aux enfers de Graham, hanté par le personnage du père et accompagné de la fille, tandis qu'un copycat tente de reproduire les tableaux de chasse du tueur.
Il me semble important de préciser que pour apprécier la série à sa juste valeur, il sera nécéssaire d'aller au delà des trois premiers épisodes, qui ne reflètent absolument pas ce qui va suivre (la série contient 13 épisodes). En effet, les premier épisodes laissent craindre un formula show à la Millenium : un épisode = un tueur en série, avec une apparition d'Hannibal. La série suivra néanmoins ce schéma mais les enquêtes ne sont au final qu'un prétexte pour creuser la relation Hannibal / Will, et sa déchéance psychologique face aux horreurs dont il est le témoin en première ligne. Et rien que pour ça, la série vaut le coup de s'accrocher. Elle a quand même d'autres qualités, je vous rassure.


La première est son refus total de tout compromis et d'autocensure quant à la violence de son contenu. La série a pour thème les tueurs en série, et le moins que l'on puisse dire, c'est que les scénaristes ne manquent pas d'imagination pour repousser les limites du montrable à la télévision. Un des talents de Graham, comme je vous le disais plus haut, est de pouvoir rentrer dans l'esprit des tueurs, de savoir comment ils réfléchissent et comment ils ont procédé pour tuer. Pour chaque scène de crime vous aurez donc le résultat, des cadavres donc, et après comment on en est arrivé là. Et mon dieu que c'est dégueulasse. Pour info la série passe en deuxième partie de soirée sur NBC. Soit un des plus grand networks US aux coté de Fox et CBS.
Ce qui est chouette à la Télévision américaine, c'est que lorsque vous montrez un bout de fesse, vous subissez les foudres de la censure, mais si vous montrez un mec dépecé comme un cochon, il n'y a aucun problème, du moment que vous mettez un "viewer discretion advised" en début d'épisode et après chaque coupure pub. Le résultat : en 13 épisodes vous aurez un totem géant composé de cadavres, un tueur qui découpe le dos de ses victimes pour leur faire des ailes, un mélomane qui transforme ses victimes en archer avec leurs cordes vocales, un tueur qui exécute une version kingsize du sourire du clown et surtout, la cravate colombienne, pratique favorite du tueur interprété par Eddie Izzard. Je vous laisse découvrir à quoi ça ressemble. Les effets spéciaux sont vraiment réalistes, comprenez vraiment à gerber. Sans oublier qu' Hannibal, je vous le rappelle, est cannibale. De bien belles scène de "cuisine" sont à prévoir aussi.


Ensuite la série est classieuse, dans sa mise en scène. Pas d'effets inutiles (à part quelques effets rewind dans les "projections" de Will) et des cadres soignés. La manière dont on découvre les morts est bien fichue, commençant généralement par un plan sur le visage de celui qui les trouve, pour ensuite le suivre jusqu'au cadavre. Autre bon  point, la photo. Terne, parfois crépusculaire, très rarement éblouissante (lorsqu'elle l'est c'est pour éclairer une scène de crime sordide, comme la fille empalée sur les bois de cerf), et on est surpris de trouver Karim Hussain pour certains épisodes. Il éclaire le salon d'Hannibal comme une antre sans issue, où sont préparés les repas du maître de maison.
Autre qualité du show, son écriture. Là où il aurait été facile de jouer à fond la référence maladroite aux films, la série pose sa propre chronologie et son propre rythme. Fuller souhaitant faire durer son récit sur 7 saisons, autant vous dire qu'il prend son temps. La qualité des scénarii s'en ressent, la chute de Graham n'est jamais précipitée, le piège de la manipulation d'Hannibal se ressert lentement mais sûrement et la conclusion arrive sans accélération en fin de saison. La série est très bavarde, mais les dialogues sont soignés et bourrés de sous-entendus glauques ou malsains (mention au "rien de ce vous allez déguster n'est..végétarien"). Il est beaucoup question de psychanalyse dans Hannibal, ce qui nous vaut parfois quelques longues sessions divan, entre Will et Hannibal, ou Hannibal avec sa psy, interprétée par Gillian Anderson, mais ça reste très digeste dans l'ensemble.
Je vous disais que Fuller connaissait parfaitement l'univers de Thomas Harris, et ça se voit tout au long de la saison, entre clins d’œil appuyés (utilisation à plusieurs reprise de l' aria di capo de Bach et mise en scène des meurtres qui rappellent l'évasion de Lecter dans le film de Demme), et d'autres plus subtils relevant surtout de l'hommage (du propre aveu de Chris Carter,le personnage de Scully dans X-files est une modernisation fantastique de Clarice Starling. Hommage lui est ici rendu via le personnage de Beleda du Maurier interprétée par Gillian anderson, éternelle Scully). Le plan final de la saison est d'ailleurs hautement symbolique, entre l'utilisation de la BO d'Hannibal et la posture de son héros rappelant la première rencontre entre Clarice et le docteur dans le silence des agneaux.


Trou normand
Petit mot sur l'ensemble du casting, où l'on retrouve dans le rôle titre Mads Mikkelsen, vu notamment dans Casino Royale ou chez Winding Refn. Excellente idée de casting au demeurant, la beauté froide et impassible de l'acteur sied à la perfection au personnage monstrueux et imprévisible qu'est Hannibal, loin du cabotinage d'Anthony Hopkins. A ses côtés Hugh Dancy, acteur plutôt falot au demeurant mais qui affine son jeu au fur et à mesure des épisodes, faisant passer son personnage de gros asocial no life à victime consentante à la limite de la folie en fin de saison, et Laurence Fishburne qui arrive, dans le rôle de Jack Crawford (interprété par Scott Glenn dans le film de Demme) à faire oublier son écart dans Les experts, et confère à son personnage une image à la fois dure mais juste, manipulateur mais compatissant avec Will, qu'il tente de repousser dans ses derniers retranchements, toujours selon lui pour la bonne cause.

Dessert
Que dire de plus ? Je vous conseille vivement, si ce n'est pas encore fait, de découvrir cette série, classieuse et gore, respectueuse du matériau original, bien interprétée, avec quelques défauts assez vite corrigés (la femme cancéreuse de Jack, introduite le temps de deux épisodes, ne sert à rien, si ce n'est maladroitement humaniser un peu plus la bête de travail qu'il devient en milieu de saison) mais vraiment addictive. Vous avez encore 1 mois et demi avant la reprise.  En attendant, voila le morceau issu du la bande originale du film Hannibal, qui est repris dans la dernière scène de la saison, et qui vous fait dire : vivement février.



Cadeau +1. Spoiler alert un peu aussi.