13Cine

13Cine

mercredi 29 janvier 2014

12 years a slave

12 years a slave de Steve McQueen
Genre : Drame
Sortie le 22 janvier 2014


Après une nuit passée en ville pour affaires, Solomon Northup, jeune noir américain marié et père de deux enfants, se retrouve enchaîné et réduit en esclavage. Récit de 12 année d'esclavage, entre humiliation et déséspoir.

Hasard du calendrier, il y a un an (à une semaine près) sortait Django unchained, chef d'oeuvre de Tarantino sous influence western spaghetti, avec en toile de fond l'esclavage dans le sud des Etats-unis. Le personnage de Django s'associait avec un docteur pour retrouver sa femme réduite en esclavage dans une plantation. Le film, résolument orienté divertissement, était cependant une dénonciation féroce de la bêtise humaine, à travers une scène hilarante ridiculisant le KKK, doublée d'un regard corrosif sur l'esclavage. 
Un an après sort le film de Steve McQueen, et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il se pose en total opposé du film de Tarantino. Noir, pessimiste et désespéré, on en ressort avec le même sentiment que Zero Dark Thirty, l'impression que l'année n'est pas commencée depuis trois semaines que l'on vient déjà de voir un des chefs d'oeuvre de 2014.
Avant de voir le film, il serait préférable de ne pas trop s'attarder sur les multiples nominations et récompenses que ramasse (et risque de ramasser) le film. Vierge de toute influence le film n'en est que meilleur, et il se suffit à lui même. Une des grandes qualités de ce film est son absence totale de manichéisme et de jugement de la part de McQueen. C'est un piège dans lequel nombre de metteurs en scène fonce la tête baissée. Spielberg avec Amistad ou La couleur pourpre, ou plus récemment Lee Daniels avec Le majordome. Le sujet est risqué et il est difficile d'aborder frontalement et objectivement une page noire et toujours controversée de l'histoire des Etats-unis sans sombre dans le pathos et les clichés inhérents au contexte. Chose surprenante, le film de McQueen opte pour un traitement naturaliste et humain, en ne se décollant jamais du point de vue de son personnage principal. Pas de grandes envolées pleines de gospel dans les champs de coton ou de jugement de valeur, tout le film sera vu et ressenti à travers les yeux de Solomon ou Platt, son nom d'esclave. Un film à hauteur d'homme donc. Si bien entendu certains personnages inspirent naturellement un rejet immédiat, à l'image du vendeur d'esclaves interprété par Paul Giamatti, le film n'essaie jamais de limiter son propos à "gentils noirs Vs méchants blancs". Si ce sont des blancs qui causeront la déchéance de Platt, ce seront également des blancs qui le sauveront, à l'image du propriétaire interprété par Benedict "la classe" Cumberbatch, prenant les armes pour le défendre, ou bien encore le personnage de Pitt en fin de métrage. D'ailleurs, il nous clairement montré que tout geste de générosité exécuté par un blanc envers un être humain considéré comme un animal ou une simple propriété est un geste à la fois courageux, moral, humain mais aussi dangereux et mortel. Au fil de ses rencontres, Platt découvrira que certains noirs peuvent se montrer aussi bas et inhumains que certains esclavagistes, et qu'ils ont renoncé à toute dignité et fierté dès lors que leur complicité et servilité vis à vis de leurs "propriétaires" leur permet d'accéder aux statuts les plus hauts placés dans la société. D'ailleurs, Platt n'est pas dupe, il est parfaitement conscient que ses connaissances et son intelligence mises au profit de son propriétaire peuvent lui épargner nombre de coups de fouets. En fin de métrage, Platt en arrive à ne plus savoir à qui se fier et c'est au détour d'un dialogue entre deux blancs que va pourtant se profiler une providentielle porte de sortie. Il est à noter que le film, comme je vous le disais plus haut, adopte le pont de vue de Platt, ce qui signifie qu'on ne sortira jamais des lieux de l'action, et on ne verra jamais d'histoire secondaire, comme par exemple la vie de la femme et des enfants du héros, ce qui alourdirait considérablement le récit et relâcherait la tension dramatique du film. Leurs retrouvailles à la fin n'en sont d'ailleurs que plus puissantes et émouvantes.


Concernant la mise en scène, elle à la fois sobre et efficace. Sobre car elle s'adapte à la lenteur du temps qui passe pour son héros. beaucoup de longs plans fixes, de plans de paysages et quelques plans séquences parfaitement maîtrisés (la vente d'esclave où l'on suit le vendeur d'une pièce à l'autre, sorte de foire malsaine et dégradante). Efficace car McQueen a également recours à l'ellipse assez fréquemment, surtout lorsqu'il s'agit d'évacuer des actions que l'on devine et qui ne ferait qu'appuyer encore plus ce qui a été expliqué une scène avant (exécutions, pendaisons..) et au hors champs, ce qui rend parfois difficiles et poétiques certaines scènes du film, à l'image de cette séquence où l'on regarde une petite fille se faire des poupées à visage humain avec de la paille avec en fond sonore deux esclaves en train de se faire fouetter en hurlant. 
Petite parenthèse concernant la violence du film, il vaut mieux être prévenu. Même si on est loin du grand guignol du Final de Django, la violence du film de McQueen est parfois à la limite du supportable, osant montrer des scènes de flagellation et leur résultat de manière froide et brutale, surtout dans la dernière partie du métrage. 
Passons maintenant à l'interprétation. McQueen sait s'entourer pour raconter une histoire. Ce film contient un des plus beaux castings de l'année. Si Chiwetel Ejiofor est de tous les plans et impressionne par sa présence et son regard tout en violence et frustration, on retiendra surtout la performance de l'acteur fétiche de McQueen, Michael Fassbender. Acteur au charisme hallucinant, arrivant en un seul regard à passer du monstre à visage humain à tendre protecteur, il est celui par qui la chute arrive, réduisant à l'état animal tout homme qu'il aura pour esclave, justifiant les pires sévices par la Bible. Les échanges entre son personnage et Platt sont d'une violence psychologique assez terrifiante. Encore un qui ne l'aura pas volé, son oscar. Vous retrouverez également Paul Giamatti, Paul Dano, Brad Pitt et Benedict Cumberbatch, petite lueur d'humanité obligé de se comporter en monstre pour sauver un homme, et qui malgré lui poussera Platt dans la gueule d'un loup beaucoup plus dangereux et inhumain que lui. Les personnages féminins sont un peu en retrait, cantonnés aux rôles de femme jalouse et raciste (Sarah Paulson dans un rôle ingrat), ou d'esclave éprise de liberté mais suicidaire. 


L'esclavage est un sujet tellement riche et complexe qu'il existe autant de façon de faire des films dessus qu'il existe d'avis et de témoignages sur cette triste page des Etats-unis. Steeve McQueen, en adaptant l'histoire vraie de Solomon Northup, a réussi un film à la fois puissant et humain, triste mais rempli d'espoir, ne se posant jamais en juge ni en condamnant les actes commis par les américains blancs. Premier grand film de 2014 donc. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire