13Cine

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jeudi 2 janvier 2014

Hannibal saison 1

Hannibal
Créée par Bryan Fuller


Il n'y a pas si longtemps, je vous parlais de la tendance des networks US à aller piocher dans les grands mythes du Cinéma pour relancer l’intérêt des téléspectateurs qui voyaient leurs dramas préférés toucher à leur fin. Alors que Dexter s'achevait sur une note minable, sa huitième saison étant une sorte de gros foutage de gueule à l'encontre des fans qui osaient encore espérer une fin décente pour leur héros, démarraient deux séries similaires dans l'idée (les origines du mal) mais s'inspirant de deux icônes cinématographiques bien différentes. La première c'est Bates Motel et l'autre c'est Hannibal. Si la première est un ratage complet, comme je vous l'expliquait par ici, la seconde lui est infiniment supérieure à tous les niveaux. Je m'en vais vous expliquer pourquoi.



Entrée
A l'origine de ce projet télévisuel, la productrice Martha DeLaurentiis et Byan Fuller. Son nom ne vous dit rien, ses récentes productions vous parleront peut être plus, les étonnantes Dead Like Me et Pushing Daisies. Des séries bourrées d'humour, d'idées barrées et de personnages tous plus attachants les uns que les autres. Point commun des deux séries, le sujet traité : La mort. Dead Like Me racontait les aventures d'une troupe de faucheurs d'âmes spécialisés dans les morts violentes, et Pushing daisies, production sous influence Amelie Poulain, narrait la vie d'un homme qui avait le don de ressusciter les morts par un toucher, et les tuer à nouveau des lors qu'il les retouchait. Difficile alors d'avoir un contact quelconque avec sa bien aimée, fraîchement réanimée...Il est donc d'autant plus étonnant de trouver Fuller à la barre d'un des dramas les plus sombres et noirs de 2013 mais quand on lit les interviews du bonhomme, on sent une vraie passion et un respect absolu pour l’univers d'Hannibal. Et puis le cannibale se prêtait difficilement à un traitement comique quand on y pense. En tout cas il ne s'est pas raté sur ce coup là, sa série est une des  meilleures de l'année. Pourquoi ? La réponse ci dessous.

Plat
D'un point de vue chronologique, l'action de la série se situe avant Dragon Rouge, qui lui même se situait avant Le silence des agneaux et Hannibal. Vous ne trouverez donc aucune trace de Clarice Starling, et encore moins de Dolarhyde, mais sont déjà présents Jack Crawford, Will Graham et Hannibal, en liberté et psychologue de son état. La série commence lorsque Jack Crawford, enquêtant sur une série de meurtres de jeunes femmes qui est l'oeuvre d'un serial-killer, fait appel à Will pour l'aider à le coincer. Particularité de Graham, sa faculté à se mettre dans la tête du tueur, quitte à s'abandonner parfois complètement et à se déconnecter de la réalité. Son enquête va le mener jusqu'au tueur et à sa fille, à une fusillade qui le laissera fragilisé et le forcera à être suivi de près par Hannibal, psychologue, et tueur à ses heures perdues. Le tueur de l'épisode Pilote est d'ailleurs le fil rouge de la saison, puisque pendant toute celle-ci on suivra la descente aux enfers de Graham, hanté par le personnage du père et accompagné de la fille, tandis qu'un copycat tente de reproduire les tableaux de chasse du tueur.
Il me semble important de préciser que pour apprécier la série à sa juste valeur, il sera nécéssaire d'aller au delà des trois premiers épisodes, qui ne reflètent absolument pas ce qui va suivre (la série contient 13 épisodes). En effet, les premier épisodes laissent craindre un formula show à la Millenium : un épisode = un tueur en série, avec une apparition d'Hannibal. La série suivra néanmoins ce schéma mais les enquêtes ne sont au final qu'un prétexte pour creuser la relation Hannibal / Will, et sa déchéance psychologique face aux horreurs dont il est le témoin en première ligne. Et rien que pour ça, la série vaut le coup de s'accrocher. Elle a quand même d'autres qualités, je vous rassure.


La première est son refus total de tout compromis et d'autocensure quant à la violence de son contenu. La série a pour thème les tueurs en série, et le moins que l'on puisse dire, c'est que les scénaristes ne manquent pas d'imagination pour repousser les limites du montrable à la télévision. Un des talents de Graham, comme je vous le disais plus haut, est de pouvoir rentrer dans l'esprit des tueurs, de savoir comment ils réfléchissent et comment ils ont procédé pour tuer. Pour chaque scène de crime vous aurez donc le résultat, des cadavres donc, et après comment on en est arrivé là. Et mon dieu que c'est dégueulasse. Pour info la série passe en deuxième partie de soirée sur NBC. Soit un des plus grand networks US aux coté de Fox et CBS.
Ce qui est chouette à la Télévision américaine, c'est que lorsque vous montrez un bout de fesse, vous subissez les foudres de la censure, mais si vous montrez un mec dépecé comme un cochon, il n'y a aucun problème, du moment que vous mettez un "viewer discretion advised" en début d'épisode et après chaque coupure pub. Le résultat : en 13 épisodes vous aurez un totem géant composé de cadavres, un tueur qui découpe le dos de ses victimes pour leur faire des ailes, un mélomane qui transforme ses victimes en archer avec leurs cordes vocales, un tueur qui exécute une version kingsize du sourire du clown et surtout, la cravate colombienne, pratique favorite du tueur interprété par Eddie Izzard. Je vous laisse découvrir à quoi ça ressemble. Les effets spéciaux sont vraiment réalistes, comprenez vraiment à gerber. Sans oublier qu' Hannibal, je vous le rappelle, est cannibale. De bien belles scène de "cuisine" sont à prévoir aussi.


Ensuite la série est classieuse, dans sa mise en scène. Pas d'effets inutiles (à part quelques effets rewind dans les "projections" de Will) et des cadres soignés. La manière dont on découvre les morts est bien fichue, commençant généralement par un plan sur le visage de celui qui les trouve, pour ensuite le suivre jusqu'au cadavre. Autre bon  point, la photo. Terne, parfois crépusculaire, très rarement éblouissante (lorsqu'elle l'est c'est pour éclairer une scène de crime sordide, comme la fille empalée sur les bois de cerf), et on est surpris de trouver Karim Hussain pour certains épisodes. Il éclaire le salon d'Hannibal comme une antre sans issue, où sont préparés les repas du maître de maison.
Autre qualité du show, son écriture. Là où il aurait été facile de jouer à fond la référence maladroite aux films, la série pose sa propre chronologie et son propre rythme. Fuller souhaitant faire durer son récit sur 7 saisons, autant vous dire qu'il prend son temps. La qualité des scénarii s'en ressent, la chute de Graham n'est jamais précipitée, le piège de la manipulation d'Hannibal se ressert lentement mais sûrement et la conclusion arrive sans accélération en fin de saison. La série est très bavarde, mais les dialogues sont soignés et bourrés de sous-entendus glauques ou malsains (mention au "rien de ce vous allez déguster n'est..végétarien"). Il est beaucoup question de psychanalyse dans Hannibal, ce qui nous vaut parfois quelques longues sessions divan, entre Will et Hannibal, ou Hannibal avec sa psy, interprétée par Gillian Anderson, mais ça reste très digeste dans l'ensemble.
Je vous disais que Fuller connaissait parfaitement l'univers de Thomas Harris, et ça se voit tout au long de la saison, entre clins d’œil appuyés (utilisation à plusieurs reprise de l' aria di capo de Bach et mise en scène des meurtres qui rappellent l'évasion de Lecter dans le film de Demme), et d'autres plus subtils relevant surtout de l'hommage (du propre aveu de Chris Carter,le personnage de Scully dans X-files est une modernisation fantastique de Clarice Starling. Hommage lui est ici rendu via le personnage de Beleda du Maurier interprétée par Gillian anderson, éternelle Scully). Le plan final de la saison est d'ailleurs hautement symbolique, entre l'utilisation de la BO d'Hannibal et la posture de son héros rappelant la première rencontre entre Clarice et le docteur dans le silence des agneaux.


Trou normand
Petit mot sur l'ensemble du casting, où l'on retrouve dans le rôle titre Mads Mikkelsen, vu notamment dans Casino Royale ou chez Winding Refn. Excellente idée de casting au demeurant, la beauté froide et impassible de l'acteur sied à la perfection au personnage monstrueux et imprévisible qu'est Hannibal, loin du cabotinage d'Anthony Hopkins. A ses côtés Hugh Dancy, acteur plutôt falot au demeurant mais qui affine son jeu au fur et à mesure des épisodes, faisant passer son personnage de gros asocial no life à victime consentante à la limite de la folie en fin de saison, et Laurence Fishburne qui arrive, dans le rôle de Jack Crawford (interprété par Scott Glenn dans le film de Demme) à faire oublier son écart dans Les experts, et confère à son personnage une image à la fois dure mais juste, manipulateur mais compatissant avec Will, qu'il tente de repousser dans ses derniers retranchements, toujours selon lui pour la bonne cause.

Dessert
Que dire de plus ? Je vous conseille vivement, si ce n'est pas encore fait, de découvrir cette série, classieuse et gore, respectueuse du matériau original, bien interprétée, avec quelques défauts assez vite corrigés (la femme cancéreuse de Jack, introduite le temps de deux épisodes, ne sert à rien, si ce n'est maladroitement humaniser un peu plus la bête de travail qu'il devient en milieu de saison) mais vraiment addictive. Vous avez encore 1 mois et demi avant la reprise.  En attendant, voila le morceau issu du la bande originale du film Hannibal, qui est repris dans la dernière scène de la saison, et qui vous fait dire : vivement février.



Cadeau +1. Spoiler alert un peu aussi.




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