genre : Le remake pour les nuls édition 2014
Sortie le 1er Janvier 2014
On ne va pas commencer l'année en rageant à nouveau sur l'étonnante facilité qu'a Hollywood pour produire des remakes de films étrangers, et ce dans un laps de temps parfois étonnamment court. On se trouve ici dans le même cas de figure que Les infiltrés sorti en 2006, film de Scorsese, remake US du film chinois Infernal affairs, à savoir une relecture d'un chef d'oeuvre transposé dans l'Amérique bien de chez nous (ou chez eux plutôt). Le film de Spike Lee est une version US du film de Park Chan Wook, uppercut cinématographique de 2003, impressionnant de maîtrise, de violence sèche et illustrant de fort belle manière le thème cher au réalisateur, la vengeance. Old Boy s'inscrivait d'ailleurs dans une trilogie, celle de la vengeance, avec Sympathy for Mr Vengeance et Lady vengeance. Au final le moins que l'on puisse dire, c'est que ce n'est pas encore avec ce film que le niveau de qualité des remakes va grimper.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas le film original, l'histoire raconte comment un homme se fait kidnapper un soir de cuite et se retrouve séquestré pendant 15 ans (le remake surenchèrit, il en prend pour 20 ans), sans autre forme de procès. Pendant son enlèvement il apprend que sa femme a été tuée et que sa fille de 3 ans a été placée en famille d’accueil. Lorsqu'il est libéré, il est contacté par son ravisseur qui lui propose un marché, soit il accepte et il sort vainqueur du défi qui est proposé, alors son ravisseur se rendra à la police, soit il échoue et sa fille meurt.
Voilà pour les grandes lignes. Un des principaux problèmes du film de Lee est cette tendance à vouloir trop en dire et donner trop d'infos. Un exemple : dans le film original, on découvrait Ho, quadra fêtard mais bon père, qui se faisait ramasser par son ravisseur un soir de cuite. On le découvrait ensuite dans sa chambre-geôle. Dans le remake on fait la connaissance en début de métrage de Joe, et plutôt que de nous montrer un homme gentil mais un peu alcoolique sur les bords, on découvre pendant un quart d'heure un homme ignoble, père indigne, misogyne, manipulateur et déchet alcoolisé notoire. Et ensuite il se fait enlever. A part justifier la scène où, une fois libéré, il effectue des recherches sur le net pour savoir qui il aurait pu énerver 20 ans auparavant au point de finir enfermé, on ne voit pas trop à quoi sert cette introduction. Tout le film donne l'impression de ne jamais vouloir lâcher la main du spectateur, de peur de le laisser sur le bord de la route, et ce jusqu'au bout du film qui voit le kidnappeur demander à Joe de tout récapituler, des fois que...Là où dans le film coréen il suffisait de montrer un accessoire au spectateur pour qu'il se fasse lui même sa propre déduction et éprouve du dégoût en même temps que le personnage principal, ici on subit un diaporama avec commentaire audio des personnages.
Alors certes les grandes scènes clés du film sont respectées, de la scène du couloir et du marteau à la révélation finale, mais elles sont tellement moins bien amenées et filmées que dans le film original qu'elles en perdent tout impact. La scène du couloir qui voyait Ho défoncer une bande entière de mecs au marteau était efficace car il en émanait une violence sèche et primitive, dans le le film de Lee, elle laisse deviner une chorégraphie (le mot n'est pas assez fort je trouve pour qualifier les mouvements exagérés de certains combattants) qu'une mise en scène optant pour le plan séquence tente de rendre la plus violente possible. La scène de la révélation finale est aussi foirée car se reposant sur une mise en abîme du Cinéma et des médias, à grand renfort de caméras, de décors et de diapos, pas aidée par une interprétation tout en surjeu. Spike Lee ose même faire un détour par le Torture Porn (c'est bien, ça, mine de rien ça fait rentrer quelques fans des Hostel dans les salles, s'ils pigent rien au film au moins ils seront en terrain connu niveau boucherie) avec une relecture de la visite de Ho à son "gardien de cellule", sauf qu'ici au lieu de lui faire sauter les dents, il lui fait du découpage à même la peau et au cutter (Sel la baleine inside). Un des autres problèmes du film se situe au niveau de l'invraisemblance de certaines situations. Que le ravisseur puisse espionner le téléphone de Joe, ça passe encore, mais comment arrive t-il à mettre des caméras de surveillance partout ? A part pour justifier lors de la révélation les images de Joe et de sa fille en train de (Spoiler), je ne comprends pas l’intérêt.
Venons en maintenant au gros point faible du film : l’interprétation. Si Josh Brolin s'en sort à peu près bien, ce n'est pas le cas de ses collègues, tous plus mauvais les uns que les autres. Honneur au roi, j'ai nommé Sharlto Copley. Déjà en roue libre dans Elysium, il confirme ici tout le mal qu'on pensait de lui, dans le rôle du bad guy. Entre grimaces perpétuelles et gros yeux méchants, il n'arrive jamais à incarner le malsain et la froide détermination de son personnage, autrement plus terrifiant dans le film original. Seul point positif, c'est que dans l'original on se demandait si le kidnappeur n'avait pas 8 ans quand il avait enlevé Ho, dans le film de Lee on a un comédien qui tape déjà plus dans la quarantaine. Dans le rôle du geôlier vous aurez le plaisir de supporter Samuel L.Jackson, en grande forme lui aussi, tout en roulements d’œil et cris de douleurs à s'en péter les cordes vocales. A part ça, Michael Imperioli assure le minimum syndical en meilleur pote compréhensif (même si sa mort lui vaudra je pense un award de la meilleure grimace du mec qui se fait étrangler) et Elizabeth Olsen arrive à faire exister un rôle beaucoup moins bien écrit que son homologue coréen.
Concernant la mise en scène, pas d'éclat de la part de Lee. S' il met un point d'honneur à filmer comme il faut certaines scènes clés du film de Wook, comme celle du couloir par exemple, et truffe son film de clins d’œil au film original (Brolin qui fixe un poulpe dans un resto chinois), sa mise en scène est assez impersonnelle, entre bonnes idées (le flashback avec insertion des personnages des deux époques), moments de tension et de violence sèche (le carnage final dans la maison) et rythme parfois mollasson là où devrait normalement s'instaurer une tension palpable (la mort de Chucky). On savait que Lee était capable de se plier aux règles du film de commande pour les Studios, il suffit de regarder Inside Man pour s'en convaincre, mais là encore il passe outre le dénouement original, qui culminait dans une scène d'auto mutilation et de tristesse infinie, pour aller se ranger tranquillement sur les rails du politiquement correct, à base de "je vais bien ne t'en fais pas, bisous" .
Encore une fois, on se retrouve donc avec un remake n'ayant pas une seule seconde la force de l'original (j'ai attendu en vain les 4 saisons de Vivaldi, au lieu de ça on a un score sans éclat), osant quelques explosions de violence pour dynamiter un peu le récit, atténuant beaucoup le coté malsain de l'original (il est toujours question d'inceste, seuls quelques protagonistes changent, mais mine de rien ça fait la différence) pour livrer une sorte de film borderline pour Studios.
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