Genre : Drame familial
Sortie le 25 décembre 2013
Au dernier festival de Cannes, 2013 donc, deux favoris pour la palme d'or se tenaient coude à coude : La vie d'Adèle et le film de Kore-Eda. Les deux films ne courent pas du tout dans la même catégorie, sont très différents dans leurs sujets. L'un est un récit fleuve sur l'éveil à l'amour et à la sexualité d'une ado et l'autre un drame familial. Les deux ont tapé dans l’œil de Spielberg, mais seule Adèle est repartie avec la palme d'or. Dommage j'ai envie de dire. Pourquoi (ça n'engage que moi) ? Le film de Kore-Eda est une excellente surprise, peut être un des meilleurs films de l'année 2013, un portrait sincère et touchant de la société japonaise actuelle doublé d'une belle histoire de famille décomposée et recomposée.
On a échangé nos enfants
Si vous ne connaissez pas Kore-Eda, je vous conseille fortement de vous plonger dans son oeuvre. Une des thématiques récurrentes chez ce réalisateur est la Famille. Sujet en or lorsqu'on est cinéaste, tant il y a de choses à raconter dessus, entre les non-dits, les secrets, les souvenirs, les règlements de comptes...
Sujet universel par définition, chez Kore-Eda il est également un moyen de dresser un portrait à la fois incisif mais sincère, touchant mais parfois à la limite du miroir jeté à la face de ses concitoyens nippons. Que ce soit dans son film Nobody knows, où cinq enfants étaient obligés de vivre sans adulte dans un appart, ou bien encore Air Doll, dans lequel un salary-man, individu noyé dans la mégalopole tokyoïte, passait ses nuits avec une poupée gonflable qui, dès qu'il avait le dos tourné prenait vie et s'en allait découvrir la Vie, Kore-Eda dressait le portrait d'une société où la Famille, sujet sacré au Pays du soleil levant, est malmenée et piétinée pour pouvoir se reconstruire et se retrouver. Dans Tel père tel fils, pas de Air doll ni d'abandon d'enfants, même si le sujet ne prête pas encore à la franche rigolade.
Sujet universel par définition, chez Kore-Eda il est également un moyen de dresser un portrait à la fois incisif mais sincère, touchant mais parfois à la limite du miroir jeté à la face de ses concitoyens nippons. Que ce soit dans son film Nobody knows, où cinq enfants étaient obligés de vivre sans adulte dans un appart, ou bien encore Air Doll, dans lequel un salary-man, individu noyé dans la mégalopole tokyoïte, passait ses nuits avec une poupée gonflable qui, dès qu'il avait le dos tourné prenait vie et s'en allait découvrir la Vie, Kore-Eda dressait le portrait d'une société où la Famille, sujet sacré au Pays du soleil levant, est malmenée et piétinée pour pouvoir se reconstruire et se retrouver. Dans Tel père tel fils, pas de Air doll ni d'abandon d'enfants, même si le sujet ne prête pas encore à la franche rigolade.
Le film partage avec le film La vie est un long fleuve tranquille de Chatilliez son postulat de départ. Deux enfants sont échangés à la naissance par une infirmière frustrée et mal intentionnée. Un enfant grandit dans une famille aisée, papa architecte, mère poule, cours de piano et école privée, et l'autre dans une famille plus modeste, père épicier, mère employée de fast food, le tout dans une maison de banlieue. Au cours de la sixième année des bambins, l’hôpital qui les a vu naître contacte les parents pour les mettre au courant. Et c'est là que les choses se compliquent.
Comme je vous le disais, Kore-Eda est un cinéaste du réel, tendance chronique du quotidien. On assiste à l'explosion simultanée de deux cellules familiales, à la rencontre de deux univers qui n'auraient jamais dû se croiser. Et c'est cette secousse qui va servir de révélateur aux divers protagonistes, faisant éclater au grand jours des non-dits et des comportements parfois violents et égoïstes mais toujours très humains. Du coté des Lequesnoy des plus aisés, c'est le père, homme strict et distant qui va le plus s'affirmer, osant même demander à l'autre famille s' il est possible, moyennant argent, de récupérer la garde des deux enfants. Et si son comportement est parfois aux limites de la mauvaise foi (plutôt que de reconnaître qu'il n'a pas su se rendre compte de l'échange, il assène à sa femme un froid "tu aurais dû le savoir. Tu es sa mère"), il agira toujours par amour pour son fils adoptif, qu'il refuse de voir partir avec une famille de provinciaux, quand bien même cette deuxième famille déborde d'amour avec leur 3 enfants. La mère n'est pas le personnage le plus développé, elle est présentée comme une femme assez soumise qui va profiter de l'explosion de sa cellule familiale pour découvrir d'autres personnes et s'affirmer face à son mari.
Du coté des banlieusards, on découvre une famille plus modeste qui accueille la nouvelle de manière plus pragmatique (Echange de bébés = procès = argent, beaucoup d'argent) car vivant dans des conditions moins aisées que l'autre famille. Faisant preuve de beaucoup plus de bonne volonté et de compréhension que les autres parents, l’appât du gain ne leur fait jamais oublier les vraies valeurs de la famille, notamment lors de la scène où les parents riches leur proposent, moyennant finance, de garder ad vitam les deux enfants, ce qui entraîne la colère du père épicier, qui leur rappelle que l'argent n'achète pas tout. Pour être honnête, même si le père architecte est parfois touchant dans sa volonté de ne pas laisser partir son fils, l'autre famille est beaucoup plus attachante car moins préoccupée par le matériel et plus centrée sur les vraies valeurs de la Famille, entre vraie complicité père / fils et bienveillance de la mère, plus proche de ses enfants.
Pendant tout une année, les deux familles vont se croiser, s'estimer et arriver à la partie la plus surprenante du film : l'échange des enfants. Choix scénaristique assez surprenant, tant on ne s'attend pas à ce que les enfants réintègrent les bonnes familles. Heureusement, Kore-Eda en profite pour en remettre une couche sur l'impossibilité de fonder une famille sur des bases familiales déjà existantes et beaucoup trop fortes pour être remplacées du jour au lendemain. Ce qui nous vaut une scène tragi-comique ou Ryusei, enfant provincial et contrait de vivre avec ses vrais parents, lit à haute voix et à table le règlement intérieur de son nouveau chez-lui, entre programmation de leçons de piano et obligation d'appeler papa et maman des gens qu'il ne connait que depuis 6 mois. Beaucoup de "pourquoi" et beaucoup de "parce que c'est comme ça". Comme le réalise assez vite le père citadin dès que son fiston prend la tangente pour rejoindre son "vrai père", on ne peut pas toujours se fier aux liens du sang, précepte dont on lui rabâche les oreilles pour le convaincre qu'il a fait le bon choix en procédant à l'échange des enfants. Toute la bonne volonté du monde ne remplace pas six ans d'éducation dans une autre cellule familiale.
Pour illustrer son récit, Kore-Eda opte pour une mise en scène assez sobre, optant souvent pour des plans fixes, longs, sans sur-découper des scènes, même si parfois la mise en scène illustre un peu trop ce qui se dit à l'écran ou ce qu'on avait déjà compris (Ryusei et son père adoptif qui se parlent l'un à côté de l'autre mais sur des chemins différents pour au final se retrouver au bout de leur chemin). On le le dira jamais assez mais ce réalisateur est un des rares à faire aussi bien jouer les enfants, arrivant à leur faire jouer toute une palette de jeu assez variée, sans forcer ni surjouer, ajoutant une touche de crédibilité à l'ensemble.
Je ne saurais que trop vous conseiller de voir ce film, à la fois grave et léger, triste et joyeux, portrait mi amusé mi-déprimé d'être humains à la fois lâches et courageux, égoïstes et généreux. Excellente surprise de la fin de 2013. Ou bonne façon de commencer 2014...
Et il serait à quelle place dans ton Best Of 2013 ? :-)
RépondreSupprimerben je le classerais à coté de Shokuzai, et pas uniquement parce que c'est japonais et que les deux réalisateurs sont parmi les plus talentueux de l'archipel.Ce film j'en suis ressorti de bonne humeur, il est lumineux humain et plein d'optimisme.
RépondreSupprimerAprès je t'avouerais que j'ai beaucoup de mal a effectuer un classement avec un Premier, deuxième etc...tous les films m'ont plu mais pour différentes raisons :)