Genre : comédie
Sortie le 29 janvier 2014
Découvert en tant que réalisateur en 2009 avec son film Les beaux gosses, chronique drôle et touchante de ce beau moment de la vie qu'est l'adolescence, Riad Sattouf était attendu au tournant après son coup d'essai, qui avait réussi à fédérer aussi bien professionnels (césar du meilleur premier film) que spectateurs (la comédie avait quand même eu un beau succès en salle). Plutôt que de se replonger dans les tourments de l'adolescence, source inépuisable pour tout réalisateur, Sattouf s'oriente vers un genre casse-gueule : la dystopie (Wikipedia est ton amie, pour ceux qui se demandent ce que c'est). Direction donc la République autocratique de Bubune, où les femmes sont au pouvoir, dirigé par la grande Generale, où les hommes sortent voilés et où l'on voue un culte improbable aux chevaux et autres poneys. C'est dans ce petit monde que vivote Jacky, secrètement amoureux de la grande Bubune, fille de la Générale, qui devra choisir son Couillon (son mari, quoi...) lors d'un bal organisé par sa mère.
Le problème qui se pose avec ce genre de film, c'est qu'on ne sait pas trop comment le qualifier. Comédie ? Satire ? Ou tout simplement grosse farce potache ? Un peu des trois ma Générale. Si l'on peut évacuer d'entrée de jeu le principal défaut de Sattouf, toujours situé au niveau de sa mise en scène, pas toujours inspirée sauf lors d'une scène au Palais de la Bubunne, on se retrouve au final avec une vraie comédie drôle, truffée de dialogues hilarants, Sattouf sait écrire des répliques qui font mouche, et sans temps mort. Le film est court (1h30 grand max), et les péripétie de Jacky s’enchaînent à un rythme effréné. Mais contrairement à son premier film qui était drôle et simple (ce n'est pas un défaut d’être simple dans ce cas, le film ne cherchait jamais à péter plus haut que ses ambitions), Jacky au royaume des filles va beaucoup plus loin dans le rentre dedans, et il le fait de manière assez jubilatoire. le film se pose déjà en dénonciation des pays où la femme est considérée comme une inférieure à l'homme, et si en République de Bubune, les hommes ne portent pas la burqa, ils sont habillés de manière ridicule qui les fait plus ressembler à des culbutos qu'à des êtres humains. Les hommes ne quittent aussi jamais la cuisine, si ce n'est pour aller traîner dans des magasins de vêtements aussi remplis qu'une boulangerie kosovarde. Riad Sattouf en profite pour en remettre une couche sur l'absence de démocratie qui ronge la plupart de ces pays, au travers de scène d’exécutions et de pendaisons publiques organisées de manière festive et conviviale. On pourrait toujours reprocher à Sattouf de ne pas être très subtil et fin quant aux moyens utilisés pour la dénonciation et la volonté de ridiculiser, quitte à verser dans la facilité et les portes ouvertes, mais le trait est tellement énorme et la farce poussée jusqu'au maximum qu'il est impossible de ne pas rire des situations toutes plus non-sensiques les unes que les autres. Le fanatisme religieux et les croyances sont ici tournés en ridicule via la déification qui est faite de la race chevaline, avec un poney, incarnation contemporaine et paysanne de la Pythie ou des canassons qui visitent les hommes et leur parlent dans leurs rêves. Tout est ici prétexte à rire de la bêtise humaine.
Un des autres points positifs du film est sa vraie volonté d'explorer à fond le concept de république autocratique imaginaire, avec ses propres coutumes, ses propres médias et sa propre langue, mélange de français et de langage puéril, ou le " Bubune " remplacerait un " dieu merci " bien de chez nous et où " le mari " serait " un couillon ". Si l'on savait que Sattouf aimait travailler les moindres détails de ses films (les émissions radio qu'écoutait le héros des beaux gosses étaient hilarantes), c'est encore plus flagrant ici, où l'on découvre le JT local, et les soaps bien de chez eux (avec en guest star Valeria Giolino, de retour chez Sattouf après son numéro de " Mamanchaudasse.com "). Bienvenus aussi dans un pays tellement pauvre que l'on est réduit à boire de la bouillie à tous les repas et à s'extasier devant un navet ou une carotte, saint graal réservé à l'élite.
Pour son deuxième film, Sattouf s'est encore entouré d'un casting de choix. Si l'on ne présente plus Vincent Lacoste, comédien dont le regard systématiquement coincé entre " ahuri " et " imbécile heureux " donne l'impression de regarder déambuler une version déglinguée d'Eva Perron, on retrouve également son compère des beaux gosses Anthony Sonigo, Didier Bourdon, Anémone, Valérie Bonneton et surtout Charlotte Gainsbourg qui montre que hors ses prestations chez Von Triers, elle possède un véritable talent pour la comédie pure.
Si le film n'est pas exempt de petits défauts d'écriture qui font regretter la courte durée de l'ensemble (jamais le comportement étrangement protecteur de la tante de jacky, pourtant infecte avec sa mère, n'est expliqué), et malgré l'interprétation parfois hasardeuse de certains rôles, le film dégage une sorte de sympathie et de bonne humeur, il est un des plus drôles que l'on ait pu voir dernièrement grâce à des moments franchement hilarants (la chanson du petit chevalin) et à des dialogues à ressortir pour rigoler un coup. Et ultime doigt d'honneur à la soit disante morale bien pensante, le film se permet un clin d’œil à l'actualité, avec la plus drôle incarnation du mariage pour tous.
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