13Cine

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lundi 31 mars 2014

The walking dead saison 4 Part 2.

The walking dead, Saison 4, épisode 9 à 16


Previously on AMC's The walking dead : 
Rick et sa bande, réfugiés dans leur pénitencier-potager-foyer infectieux tentaient de combattre la maladie qui décimait leurs rangs. Carol, prof d'auto-défense pour les juniors avouait à Rick avoir tué des malades potentiellement contagieux, ce qui lui valut de se faire jeter comme un pneu crevé par Rick dans une ville déserte. En fin d'épisode 8, le Gouverneur, ordure revancharde, les trouvait et donnait l'assaut sur la prison, avec l'aide de sa petite armée et de son tank. Tuant au passage Hershel, il finissait par affronter à main nue Rick pendant que les amis de ce dernier prenaient la fuite, mais pas tous au même endroit, créant différents groupes éparts (Daryl / Beth , Glen, Maggie et ses comparses, Tyrese avec Micah et Lizzie). Alors que Rick manquait de se faire massacrer par son assaillant, Michonne déboulait et tuait Le Gouverneur. Rick  prenait la fuite avec son fils, loin de la prison.


Fuite forestière
Voilà, le décor est posé pour la suite. Je vous avais parlé, par ici, de ce que je pensais de la série depuis un petit moment. Pour faire court, la construction de chaque saison est systématiquement la même depuis trois saisons, un Pilot suffisamment rythmé et intéressant pour attirer l'attention, un ventre mou jusqu'à la pause de Noel (on finit d'ailleurs l'année avec un épisode moins mollasson que le reste, pour la saison 4 c'est l'assaut sur la prison), et puis reprise à deux à l'heure pour finir en beauté au dernier épisode. Ajoutez à cela une sorte de non action permanente et des zombies, un peu aussi, parce que sinon ça ne s'appellerait pas The walking dead...

Pour tout vous avouer, suivre la série devient de plus en plus difficile. Je suis pourtant très indulgent, j'ai regardé toute la première saison de Bates Motel, et dans le genre mou et sans intérêt ça se posait là, mais là on atteint une sorte de point de non-retour. Ce qui est surprenant, c'est de trouver au poste de producteur Robert Kirkman, auteur de la bande dessinée originale, tant on s'éloigne de tout ce qui faisait le sel de l'oeuvre originale. Adapter un comics c'est bien, et prendre des libertés avec, ça peut avoir de bons côtés, le comic n'étant pas exempt de défauts, mais là ça vire au grand n'importe quoi, tant sur le fond (l'adaptation) que sur la forme. Premier point noir : l'écriture. Si la première partie de la saison limitait la casse à ce niveau, tous les personnages étaient concentrés dans une même unité de lieu, le pénitencier, dans la deuxième partie l'assaut final les a éparpillé aux quatre coins de la région. Les scénaristes n'ayant semble t-il jamais eu à gérer plusieurs unités de temps et de lieux séparés, dès le 4x11 on se rabat tranquillement sur le bon vieux système de l'épisode centric. un épisode sur Daryl et Beth, un épisode sur Glen et Abraham, un épisode sur Rick et son fils. Et ils ne sont pas tous passionnants. 
Pour commencer la reprise, on retrouve Rick et son fils Carl (prononcez Corl) qui fuient à la recherche d'un refuge. Rick passe tout l'épisode à comater et l'épisode est centré sur Carl qui explore les maisons du voisinage, profitant de l'état catatonique de son père pour lui faire des reproches et bouffer des glaces. Scènes de reproche qui permettent aux scénaristes de glisser ni vu ni connu un aveu de leur part concernant l'intérêt parfois nul de la première partie de la saison (Carl qui en arrive à reprocher à son père d'avoir privilégié son potager plutôt que de s'occuper des autres survivants). L'épisode est plutôt calme et met en avant un des  personnages les plus intéressants de la série, Carl, gamin qui grandit trop vite et trop près des armes à feu. On se dit que quand même que ca va être mieux, que ca va se réveiller...
Que nenni.
On repart encore et toujours sur des sentiers que l'on ne pensait plus emprunter, à base de scènes de flashbacks sans intérêt (les deux zombies sans bras de Michonne sont son mec et son pote d'avant l'épidémie. Essentiel à l'intrigue en effet) et de subtilité aussi fine que le katana de Michonne (elle croise sa version zombifiée en marchant parmi les morts sans se faire remarquer).



La suite n'est guère mieux.
Je n'ai rien contre le fait de prendre des libertés avec la bande dessinée, si ça peut amener un peu de renouveau à la série. Mais certains choix me laissent dubitatif. Dans la BD, Tyrese se faisait dérouiller et démembrer par le gouverneur lors de l'assaut sur le pénitencier. Ici, il est épargné est se promène dans les bois avec deux gamines et...le bébé de Rick, miraculeusement sauf (à quel moment l'a t-il ramassé ?...). Comment transformer un personnage badass en baby-sitter des bois. En chemin il tombe sur Carol, qui je vous le rappelle avait été larguée loin (arf, arf, arf) du pénitencier pour cause d’assassinat des copains de Tyrese, justement. Et ça continue à se promener dans les bois en suivant la voie ferrée vers le Terminus, destination sécurisée semble t-il. D'où sort Carol d'ailleurs ? Ce n'est jamais expliqué par la suite.



Même constat pour Daryl et Beth, ado tête à claque. Si on est un peu dégoûté pour Daryl de s'être barré avec la personne la plus horripilante du groupe, on l'est encore plus du traitement qui lui est réservé. C'est simple, il est sous exploité, ayant trois mots par épisode et franchement on en vient à se demander si, à l'instar de Michonne, il n'est pas laissé en vie par les scénaristes uniquement pour pouvoir assurer le quota de fracassage de têtes zombifiées. L'épisode 12 est particulièrement embarrassant à regarder, avec Beth tentant de dérider Daryl le taciturne, convaincue qu'ils ne sont pas les seuls survivants du groupe. Et pour le détendre une seule solution : se mettre une caisse (une première pour elle) et jouer à action ou vérité. 45 minutes de bavardage adolescent et de psychologie de comptoir. L'humanisation par la biture c'est un choix comme un autre.


C'est ce qui plombe cette série d'ailleurs, cette tendance au bavardage et au remplissage, en dissertant sur comment c’était bien avant, c'est pas l'espoir qui nous tient éveillé, c'est la peur etc...et toujours en balade dans les bois.
Parlons du reste du groupe, avec l'autre personnage intéressant de cette saison : Maggie, la fille de Hershel, qui ne souhaite qu'une chose, retrouver Glen, aidée par Sacha et Bob, se dirigeant finalement aussi vers le Terminus. Glen qui d'ailleurs réussit à s'échapper du pénitencier en compagnie d'une des alliées du gouverneur qui a changé de camp. Glen et Maggie sont le duo le plus touchant à suivre, prêts à affronter tout et n'importe quoi pour pouvoir se retrouver. Ils font preuve de plus d'énergie que tout le reste du casting réunis.

Those who arrive, survive
Et là vous vous dites, mais pourquoi continuer à regarder alors ?  Tout d'abord parce qu'en fin d'épisode 10 apparaît Abraham, personnage ultra charismatique interprété par le non moins charismatique Michael Cudlitz (vu notamment dans Band of brothers ou la méconnue Southland). Ancien militaire et leader né, son passé est assez obscur et le personnage sera développé plus tard, mais il apporte du sang neuf et un regain d'intérêt pour la série qui en a vraiment besoin.


Ensuite, le rythme s'accélère en fin de saison, avec l'épisode 14, qui ose clore la storyline Tyrese / Carol / Micka / Lizzie de manière brutale et sèche, qui tranche radicalement avec la mollesse qui a précédé. Et ce n'est pas le jeu approximatif de l’interprète de Lizzie qui atténuera la force de l'épisode qui prouve que quand il le veulent vraiment, les scénaristes savent écrire de vraies scènes avec de l'émotion dedans, le personnage de Carol se faisant au passage un revival brutal de la mort de sa fille en fin de deuxième saison.
L'épisode 15 nous permet de retrouver Abraham, Eugene et leur amie en route vers Washington, ainsi que Glen qui ne désespère pas de retrouver sa bien aimée. On a des nouvelles de Rick, Michonne et son fils...eh bien, qui marchent encore et Daryl est intégré à la bande (la Horde pour les connaisseurs de la BD) qui avait tenté de récupérer la maison dans laquelle s'étaient réfugiés Rick, Carl et Michonne.
Et comme d'habitude on passe la 3ème voire la 4ème avec le season Finale qui permet de mettre fin aux errances de Daryl et les membres de la Horde qui ne sont que de vils violeurs d'enfants (leur arc narratif n'aura pas duré longtemps cela dit), de réunir, du coup, notre trio gagnant et le taciturne pro de l'arbalète et de tous les faire arriver au Terminus où les attendent encore plein d'ennuis, mais ils y retrouvent Glen et Abraham, et comme le dit si bien Rick en teaser de la saison 5, en pensant à ses nouveaux geôliers :
" They're screwing with the wrong people "



Je vous disais que ce qui tirait la série vers le bas c'était son rythme en dent de scie qui rend la plupart des épisodes pénibles à suivre. C'est sans compter l'autre gros point faible de cette saison : l'absence totale de logique et de cohérence, qu'elle soit narrative ou géographique
Aberrations narratives pour commencer avec l'impression que les scénaristes ont plein de choses à raconter, et qu'ils ont vraiment envie de prendre leur temps pour y parvenir, mais qu'arrivés à l'antépénultième épisode, ils se rendent compte qu'il va falloir passer la seconde sous peine d'avoir des storylines non résolues pour le début de la saison suivante. Du coup on rassemble tout le monde n'importe comment, et c''est flagrant avec l'épisode 15 avec la storyline Glen / Maggie, avec ces derniers qui se retrouvent comme de par hasard au fond d'un tunnel. On dit au revoir à Abraham, content de t'avoir connu mec, bonne chance à DC...on se perd dans le noir et ho, Maggie ! Mais qu'est ce que tu fais là avec Abraham (??)
Quand je parlais d'accélération de l'action en fin de saison, elle prend la forme d'incohérences et de comportements parfois étranges de la part des personnages. Par exemple, Glen et son amie veulent retrouver Maggie, ils se retrouvent à l'entrée d'un tunnel noir d'où proviennent des hurlements de zombies. Et bien plutôt que de contourner, on y va parce que " Maggie est forcément passée par là ". Oui, pourquoi pas...Deuxième point d'interrogation, d'où sort Carol qui s'était faite mettre à l'écart il y a de cela 4 ou 5 épisodes ? Qu'a t-elle fait durant son exil qui justifierait un retour aussi soudain ? On la retrouve au détour de cette fameuse voie ferrée que tous les personnages suivent en direction du Terminus, que l'on découvre en fin d'épisode 15 en même temps que nos héros, qui ne se méfient pas une seconde de découvrir un endroit aussi accueillant. Ils ont déjà tous oublié Woodbury et le gouverneur.
Et bien entendu toujours cette impression que bien que séparés par la distance et les ennuis, les personnages ne sont jamais bien éloignés les uns des autres, tout occupés qu'ils sont à se balader dans les bois, à tirer des coups de feu que personne ne semble entendre, et suivre LA voie ferrée qui mène au Terminus. C'est d'autant plus pratique dès lors qu'il s'agit de presque tous les réunir en fin de saison, je dis bien presque car à la fin de l'épisode 16, on est sans nouvelles de Carol, Tyrese, Beth...


La saison 4 se clôt sur une belle promesse d'affrontement entre la team Rick et les habitants du Terminus dont on devine les penchants au détour d'un travelling et il faudra désormais attendre Octobre pour en savoir un peu plus sur Abraham, comment la team Glen s'est faite chopée par les mêmes individus qui on piégé Rick, que sont devenus Carol, Super nanny et Beth, et voir quelles autres surprises nous réservent Kirkman et ses compères.

jeudi 27 mars 2014

Captain America : Le soldat de l'hiver

Captain America : The Winter Soldier d'Anthony et Joe Russo
Genre : Avengers 1.3
Sortie le 26 mars 2014



Presque un an après Iron Man 3 et quatre mois après Thor 2, voici le troisième volet de la phase 2 du projet Avengers de la Marvel. Le premier volet des aventures de Steve Rogers, alias Cap' America, sorti en 2011 avait laissé le public quelque peu dubitatif. Pas aussi spectaculaire qu'Iron Man, plus crédible que Thor le dieu d'Asgaard et moins tourmenté et destructeur que Hulk, le personnage de Cap'Am' apparaissait au final comme le plus humain de tous les avengers. Super soldat génétiquement modifié, il affrontait dans son film l'Hydre, groupuscule nazi ayant pour objectif, assez original il faut l'avouer, d'asservir le monde. Obligé de se sacrifier pour sauver le monde, il était sorti des glaces du Pole Nord par le SHIELD afin d'intégrer l'équipe des Avengers dans le film éponyme. Pour en revenir à son film, si le fond était plutôt sympathique, la forme, même si plutôt bien filmée par Joe Johnston, donnait franchement l'impression de regarder un épisode pilote de série tv sans suprises, sachant qu'on allait retrouver Rogers dans les avengers l'année suivante. Quid alors de ce nouveau volet ?

Tout d'abord on attend le film avec une méfiance assez légitime. En effet, Avengers avait placé la barre assez haut, à la fois sur le fond (Whedon avait su trouver le parfait équilibre avec tous ses héros) et la forme (le film était spectaculaire et très rythmé, sans oublier d'être drôle). Il avait servi de clôture à la phase 1 du projet Avengers. La suite est moins glorieuse, avec un Iron Man 3 poussif et paresseux et un Thor 2 sans enjeu ni intérêt. Seule raison d'exister de ces deux films, laisser quelques pistes et indices pour le Avengers 2 en attendant le retour de Stark et Thor dans celui-ci. Avant Guardians of the Galaxy de James Gunn, voici donc le retour de Captain America, dont les aventures prennent place après Avengers. On le retrouve au service du SHIELD, toujours dirigé par Nick Fury, et assisté dans ses missions par Black Widow, espionne russe repentie. Mais ce que Cap'Am' ignore, c'est qu'une conspiration avec de vieux ennemis est en marche, dont un des membres est une vieille connaissance. Voilà pour les grandes lignes du récit.
Alors autant le dire tout de suite, si on est loin des désastres IM3 et Thor 2, le film a quand même quelques défauts qui l'empêchent de devenir un grand film d'action de la trempe du film de Whedon.  Cependant il a pour lui quelques qualités qui le rendent plus sympathique à suivre qu'un Thor 2. A commencer par une modestie dans les ambitions affichées. Là où un Iron Man 3 promettait monts et merveilles, chute de son héros et LE bad guy ultime en la personne du Mandarin, et au final se vautrait dans le n'importe quoi une fois le twist révélé, dans Cap'Am' 2, on rentre assez vite dans le vif du sujet et les deux volets de la saga du justicier au bouclier se rattachent assez harmonieusement, vu que l'on y retrouve l'Hydre sous une forme plus évoluée. Ensuite on a souvent l'impression de regarder une série B (avec tout ce que ça sous-entend de qualités), sans prétention, dont le seul but est de divertir, remplie de méchants très méchants (Robert Redford en mode guest star) et de complot international pour détruire l’Amérique, la vraie, celle...de CAPTAIN AMERICA. Autre qualité du film, son humour et sa légèreté, avec le running gag sur le décalage entre Steve Rogers, toujours bloqué entre les 40's et le 21ème siècle, et l'on découvre que Captain America a pour projet, dans sa to do list, de découvrir Louis de Funès, Coluche, la coupe du monde 98 et Marvin Gaye. Petit clin d’œil également à Saw au détour d'un échange entre black widow et Steve Rogers. 
Mais tous ces bon points ne font pas un film, loin de là et ce sont ses défauts qui le tirent irrémédiablement vers la case " Actioner Marvel en attendant Avengers 2 "



Commençons par ce qui saute aux yeux, la mise en scène des frères Russo. A leur actif, pas grand chose de folichon derrière une caméra, si ce n'est des épisodes de série tv et le film Toi, moi et Dupree. Pourquoi les avoir choisi pour réaliser un blockbuster Marvel, je ne sais pas, mais le résultat laisse un gout de gâchis. Si pour le premier film le choix s'était porté sur Joe Johnston qui n'est pas un débutant dans le film d'action / aventure (Jumanji, Jurassic Park 3, Rocketeer) le manque de maîtrise des deux réalisateurs saute aux yeux dès lors qu'une scène d'action commence, et ça explose dix fois plus que dans le premier épisode. Shaky cam dans tous les sens pour les scènes de baston, absence totale de gestion de l'espace (partie de cache cache au fusil entre les voitures dont le suspens est totalement annihilé par des champs / contre champs mal foutus), sur-découpage des scènes d'action qui rend regardable l'assaut sur la voiture de Fury et montage du même niveau. Et si certains effets spéciaux font leur boulot et assurent le spectacle, comme le falcon par exemple, d'autres tendent à décrédibiliser les aptitudes surhumaines de Rogers, qui par la magie des images de synthèse saute de mur en mur comme spiderman et fait des bonds de malade. 
Mais le plus gros défaut est celui qu'on retrouvait déjà dans le premier film : un manque total de surprise et de nouveauté. Si à la fin du premier épisode on se doutait que Captain America n'allait pas mourir (il fait partie des Avengers dont le film sortait un an après...), ici le même procédé joue contre le film, rendant chaque scène susceptible d'émouvoir assez embarrassante. Au moins deux des personnages principaux sont susceptibles d'y passer, ça pourrait émouvoir si l'on n'était sûr de les retrouver l'année prochaine dans Avengers 2. On attend tranquillement que le film se termine avec dans l'ordre une scène qui nous dira ce que va faire Rogers en attendant de retrouver Hulk et Cie, et une scène post générique qui confirme la présence de deux nouveaux personnages clés d' Avengers 2.  La formule Marvel est bien rôdée mais l'indulgence a ses limites.

Bref : Toujours plus regardable que Iron Man 3 et Thor 2 et bénéficiant du gros capital sympathie pour le personnage le plus humain des Avengers, Captain America : le soldat de l'hiver est une série B qui se regarde sans ennui mais sans réelle passion, le tout donnant parfois l'impression de servir d'apéritif au gros morceau Avengers 2 prévu pour 2015. C'est toujours ça de pris, dirons nous, en attendant Guardians of the Galaxy, qui s'annonce beaucoup plus fun et barré, avec son raton laveur qui crache et qui jure accompagné de son homme arbre.

Dark Touch

Dark Touch de Marina de Van
Genre : Carrie irlandaise
Sortie le 19 mars 2014



Le film de Marina de Van, troisième en tant que réalisatrice après Dans ma peau et Ne te retourne pas, tourne depuis un bon moment dans les festivals de film de genre, pour faire simple, notamment à Gerardmer. ou au NIFFF ou il a reçu le Grand Prix et le Prix du jury jeune. Cela suffit à attiser la curiosité quant au film en lui même. Et la déception est à la hauteur de l'attente. 

Le film raconte comment Neve, seule survivante d'un incendie et d'une manifestation d’événements surnaturels ayant coûté la vie à ses parents et son frère, est recueillie par des amis de la famille. Malheureusement, les manifestations surnaturelles reprennent de plus belle. Et si Neve n'y était pas étrangère?

le film s'annonçait pourtant intéressant, avec son histoire d'enfant télékinésique en milieu rural, trou perdu au fond de l'Irlande. Il aurait même pu arriver à faire oublier le remake de Carrie sorti il y a peu de temps. Aurait pu, car le film accumule les défauts et se révèle un beau pétard mouillé. Ca commence pourtant bien avec cette scène où Neve arrive, par une nuit d'orage, en hurlant chez ses voisins, suivie par ses parents qui la croit terrifiée et stressée par leur nouvelle arrivée en milieu rural. On découvre par la suite ce qui fait vraiment peur à Neve et ce qui la pousse à fuir son domicile, théâtre de phénomènes paranormaux.  
Et là, le film s'écroule en deux temps trois mouvements. A trop vouloir tout justifier et tout expliquer, De Van s'embourbe dans des chemins sinueux et pas très finaud (les enfants abusés sont des tueurs potentiels, surtout quand ils sont doués de télékinésie) et transforme sans trop d'explication sa victime initiale, Neve donc, en psychopathe froide comme un légiste. Jamais avare en clichés et lieux communs sur la Famille recomposée, le film lance nombre de pistes et histoires qui ne sont jamais développées ou expliquées, à l'image de ces deux enfants battus qui se rallient à la cause de Neve. Pourquoi ? Que veulent -ils ? Pourquoi Neve semble t-elle fascinée par le bébé dans le ventre de l'assistante sociale ? Assistante sociale dont on attend toujours des nouvelles en fin de métrage, soit dit en passant.  Le scénario prend parfois des directions complètement incompréhensibles, à l'image de ce massacre de masse des enfants de la ville dans l'école désaffectée, jamais clairement justifié ou cette scène où Neve tue à distance la mère abusive des deux enfants, conférant à la gamine un statut un peu nauséabond de vigilante " SOS enfants battus ". Même la dernière scène du film est incompréhensible, avec une Neve qui semble complètement à l'Ouest, suivie de près par ses deux acolytes à l'air aussi paumé et illuminé que leur meneuse. Et concernant les abus parentaux dont a été victime Neve, on ne comprend pas l'aveuglement général dont semblent être victime TOUS les personnages adultes, le pire étant la psychologue de l'école, assez peu douée dans son champ d'activité dirons nous (la gamine a des bleus partout, des brûlures de cigarette et est terrifiée dès qu'un adulte la touche. Qu'est ce que cela vous inspire ?) 


Si le scénario est bancal et maladroit à vouloir trop en dire et justifier parfois l'injustifiable, la mise en scène de De Van n'est pas plus remarquable. Première incursion de De Van dans le fantastique pur et dur, le film souffre d'un manque de rythme et de rigueur dans sa mise en scène, ce qui atténue grandement l'effet spectaculaire que pourrait avoir certaines scènes, notamment les manifestations paranormales. Ca pèche au niveau des scènes de télékinésie, où si l'on voit des meubles bouger tout seuls, ça fonctionne un minimum, à l'opposé l'effet horrifique est complètement nul dès lors que dans un plan on voit une paire de ciseau trembler et dans le plan suivant on le retrouve directement planté dans le pied d'un personnage. Pour prendre un exemple, dans le Carrie de De Palma, la crucifixion de la mère de Carrie était impressionnante car on souffrait avec elle quand elle se faisait épingler comme un papillon à coups de couteaux volants. C'est tout l'inverse ici. Gros souci également au niveau de l'interprétation molle des acteurs adultes, qui s'effacent devant le personnage de Neve, dont la jeune interprète est beaucoup plus convaincante dans son rôle de victime ignorante de ses pouvoirs que dans ses envolées psychopathes, clope au bec, en fin de métrage. 
Même le cadre rural du film n'est jamais exploité ou mis en valeur, pas aidé il faut le dire par une photo inégale, oscillant entre le moche (pourquoi ces effets verdâtres dans le couloir à l'école ? ) et le travaillé (la sortie en catastrophe de la mère après la fête d'anniversaire est superbe). 

Bref : Si l'on peut saluer l'initiative de De Van de vouloir proposer un film de genre français libre de toute influence, la maladresse et le manque de finesse dans l'écriture finissent par plomber l'ensemble du film, pas aidé par un rythme mou et sans suspens (on comprend très vite d'où viennent les manifestations paranormales). Aurait pu mieux faire. Beaucoup mieux même.

vendredi 21 mars 2014

Godzilla 1954-2014



Si vous suivez un peu mes billets sur ce blog, vous aurez facilement compris depuis un bon moment que le film de Gareth Edwards est un des métrages les plus attendus de 2014, en ce qui me concerne. Pourquoi ? Parce que depuis que je suis enfant, le monstre de Godzilla est une icone, un mythe qui fut un de mes premiers souvenirs de cinéma fantastique. Oui quand on est gosse on est impressionnable et quand on voit un lézard / dinosaure détruire des immeubles en crachant du feu, ça marque. Plus généralement, dans l'imaginaire collectif, si vous demandez quelles sont les figures emblématiques du cinéma fantastique, catégories grosses bêtes, vous en aurez au moins deux qui reviendront assez régulièrement : King Kong et Godzilla. King Kong au sommet de l'empire state building ou Godzilla à Tokyo, chacun possède son univers et a eu droit à de nombreux films, même si d'un point de vue quantitatif le géant nippon gagne par KO (au moins 28 films officiels). Aussi, plutôt que de me livrer à un catalogage fastidieux et lourdingue, à lire et à faire, il sera beaucoup plus simple de découvrir l'évolution du kaiju le plus célèbre du Cinéma, de son apparition en 1954 à son retour sur les écrans en 2014.

Commençons par le commencement, retour en 1954.

Godzilla (1954) de Ishiro Honda.

Petite leçon d'histoire. Le Japon, comme vous le savez, a subi deux bombardements majeurs lors de la seconde guerre mondiale : Hiroshima et Nagasaki. Et bien qu'une rédition du Japon face aux Etats-Unis ait mis fin au conflit, le traumatisme nucléaire fait désormais partie intégrante de l'histoire du pays (le Japon ayant été le premier pays à avoir subi un assaut nucléaire). C'est dans ce Japon en pleine "reconstruction " qu'un Studio, la Toho, surfant sur le succès en salle de King Kong, entreprend de produire un kaiju eiga, dénomination japonaise pour "cinéma des monstres", Kaiju signifiant monstre. Dans ces films le monstre n'est d'ailleurs pas décrit comme une créature maléfique ou démoniaque, la culture japonaise préférant y voir une force de la nature propre à exterminer l'homme et ses excès, anti-écologiques et destructeurs. 
C'est ainsi que déboule en 1954 le premier Kaiju : Godzilla (ou Gojira si l'on veut respecter le titre original), réalisé par Ishiro Honda. Toute la quintessence et les codes du film de monstre sont déjà présents dans ce film. Le scénario est clair : des bateaux de pêches s'échouent, les mers n'ont plus de poissons, les indigènes d'une île japonaise craignent un dragon marin millénaire et surtout redoutent son réveil. Bien évidemment celui ci n'est autre que Gojira, qui s'en va tranquillement détruire Tokyo. Piétinement de maquettes, japonais courant dans les rues, et surtout un cri animal devenu mythique.

                                                                le trailer de 1954


Si le film a vieilli au niveau des effets spéciaux (les maquettes, le costume, tout ça...) il reste un témoignage précieux sur l'état d'esprit des japonais à la sortie de la guerre et après Hiroshima. Si effectivement on peut naïvement gober que le Godzilla est un dragon légendaire, ce serait oublier qu'un des personnages du film ose affirmer que le monstre est un dinosaure réveillé par... des essais nucléaires américains. Le nucléaire ne sert à rien si ce n'est à créer des monstres (métaphore ou non, libre à vous d’interpréter) et détruire des villes. Étrange façon d'exorciser ses démons, certes, mais au final Godzilla va devenir le symbole de l'horreur atomique au Japon. Un exorcisme qui rapportera beaucoup d'ailleurs, le film devenant un des plus gros succès de la Toho, et confirmant le statut de roi des kaiju eiga de Honda. On y reviendra après un petit détour par les Etats-Unis.

Godzilla, king of the monsters (1956)

Godzilla étant un gros carton au box-office nippon, il ne fallu pas longtemps pour qu'Hollywood s'intéresse à ce nouveau monstre, histoire d'apporter du sang neuf sur le sol américain, après King Kong et autres bestioles venues de l'espace.
La compagnie Transworld Pictures se charge de distribuer le film originel de Honda, mais y apporte une différence de taille. Je vous disais plus haut que dans le film original, un scientifique japonais affirmait que les essais nucléaires américains avaient réveillé la bête. Mais ce petit détail qui n'avait pas choqué grand monde au Japon (Hiroshima encore et toujours) va faire tiquer les américains, peu enclins à se faire rappeler leurs exploits lors de la deuxième guerre mondiale, et encore moins au cinéma. Ils décident donc de biffer toute référence au nucléaire américain et engagent l'acteur Raymond Burr, archétype à l'époque de l'homme intrépide et américain (futur Perry Mason, vieillard à roulettes de vos après midi sur TF1) pour tourner quelques scènes additionnelles dans le rôle d'un journaliste enquêtant sur le monstre. Le film reste quand même regardable, si l'on s'en tient au fait qu'on regarde juste un film de monstre, mais 17 minutes de propos anti-nucléaire ont disparu laissant place à du divertissement pur et dur.

Deux façon d'aborder un problème dirons nous...

Mais revenons au pays du soleil levant.

King Kong contre Godzilla (1962)

Quelques années plus tard Honda est à nouveau sollicité pour réaliser un autre film avec Godzilla (un parmi tant d'autres), mais celui-ci aura pour particularité de mettre notre kaiju préféré face... à King Kong. La Toho ayant racheté les droits du grand singe à la RKO, ce fut le premier cross over du film de monstres.
Ce film est intéressant à plus d'un titre. Tout d'abord, il s'agit du premier film de la saga à être tourné en couleurs. Ensuite, le carton du film original a eu un effet pervers sur le monstre nucléaire. Si dans le Honda original, Godzilla était une représentation de la peur du nucléaire des habitants de l'archipel, son succès a vite fait de le transformer en monstre figure de proue du Fantastique susceptible de ramener des spectateurs avides de destruction et de sensations fortes. Oublié Hiroshima, oublié Nagasaki, bienvenue au roi des monstres, Gojira le destructeur de maquettes villes. Désormais tous les moyens seront bons pour en offrir toujours plus aux spectateurs, et pour commencer, autant lui faire affronter l'autre monstre sacré du Cinéma : King Kong.
Désormais les récits ne parleront plus de bombes atomiques, tout du moins les éventuels sous-entendus en rapport avec son utilisation comme arme de mort seront mis de côté, et les scénarios verseront dans le divertissement pur et dur, sans trop se soucier d'un semblant de crédibilité (toutes proportions gardées bien sûr, on parle quand même d'un gros dinolézard surpuissant crachant du feu). Dans ce film, Godzilla est réveillé des glaces par un sous marin nucléaire (le détail relève plus du clin d’œil au film original qu'autre chose, cela n'a aucune incidence future dans le film) pendant que sur l'île de Faro (et non plus Skull island) King Kong est enlevé et ramené à Tokyo. Comme à New York il s'échappe et on découvre, stupéfait, que King Kong absorbe le courant des fils électriques. Arrive alors Godzilla qui lui, par contre, ne supporte plus rien du tout. Version courte : ils se battent (les spectateurs ont payé pour ça, c'est le minimum quand même). Au final Kong rentre chez lui, Godzilla sombre au fond des mers et file vers Tokyo, pour tout détruire sans doute. Sans surprise, le film est le plus gros carton de la Toho. Le filon Godzilla semble inépuisable. Tant mieux, les producteurs ne manquent pas d'idées pour le faire exister sur Grand écran.


Si la Toho affichait assez fièrement ses résultat au box office au début des années 60, les studios concurrents commençaient à se demander comment arriver à contrer cette offensive godzillienne sans trop se fatiguer.
Et c'est en 1965 que les Studios de la Daiei Motion picture company eurent une idée de génie : créer un monstre capable de concurrencer Godzilla sur le terrain de la destruction massive. Son nom est Gamera, la tortue rétro-propulsée.

Invasion Planète X (1965) et Godzilla, Ebirah et Mothra, duel dans les mers du sud  (1966)

L'histoire de Gamera est peu ou prou la même que Godzilla (Dodo millénaire interrompu par la guerre, réveil agressif et belliqueux envers le Japon), à la différence que Gamera est clairement, dès le premier film, identifié comme une tortue géante préhistorique contrairement à Godzilla qui laisse planer le doute quant à ses véritables origines (Lézard surexposé au nucléaire ou gros dinosaure, dieu ancien en sommeil ?). Mais bien qu'il soit très vite adopté par les amateurs de monstres géants, il restera toujours sur la deuxième marche du Podium des kaiju. Une des raisons principales est que la Toho, craignant que le monopole des monstres géants ne leur file entre les doigts, vont créer toute une série de monstres tous plus crétins et improbables les uns que les autres, ne laissant que des miettes à la Daiei. Gimmick récurrent de cette portée de créatures : leur faire croiser au moins une fois le roi des monstres. ce fut déjà le cas en 64 avec Mothra contre Godzilla, la mite géante contre le lézard, réalisé par Honda. Et les scénarios de continuer à proposer des histoires de plus en plus improbables pour faire cohabiter tout ce petit monde. Deux des exemples les plus flagrants : Invasion Planete X  et Godzilla, Ebirah et Mothra, duel dans les mers du sud (L'originalité dans les titres est inversement proportionnelle au niveau d'imagination des scénaristes, autant appeler le film Ils se battent, ou Monster fight). Dans le premier, l'action se passe sur Jupiter où le peuple local, les Ixiens, sont persécutés par le monstre à trois têtes, Ghidora. Profitant de l'arrivée de terriens sur leur planète (un seul mot d'ordre :  ne cherchez pas le pourquoi du comment, just watch...), ils leur proposent un marché : un vaccin pour tout et surtout n'importe quoi s'il veulent bien leur prêter Godzilla et Rodan le ptérodragon pour casser la gueule à Ghidora. Le film est un grand moment pour tout fan de Kaiju : on y retrouve le boss et un des monstres les plus marquants du bestiaire nippon : Rodan, mélange improbable de ptérodactyle et de dragon. Le tout baignant dans une esthétique kitsch à s'en péter les yeux, toujours réalisé par Ishiro toujours dans les bons plans Honda.

                            Concentrez votre imagination sur la partie haute de l'image

Dans le deuxième, on reste sur Terre, et même sur les mers puisqu'il est ici question d'indigènes réduits en esclavage, d'organisation secrète, de famille séparée et surtout de monstres. On retrouve donc ici Godzilla, limite relégué au second plan puisqu'il sert ici de renfort à Mothra, invoqué pour se débarrasser de Ebirah, crabe géant terrorisant les habitants de l'île. Il faut admettre que ce n'est pas le plus réussi des cross-overs, Ebirah le crabe n'étant pas le plus impressionnant des monstres de la Famille, et les bastons en mer font beaucoup moins de ravages qu'en centre ville.

Force est de reconnaître que c'est à partir de ce film que le personnage de Godzilla va opérer un changement drastique dans son évolution, passant de destructeur de l'Humanité à principal allié des humains. Il ne génère plus de crainte, il est montré comme une force de la Nature capable d'être utilisé pour de nobles causes. Et les scénaristes d'oser un peu tout et n'importe quoi avec leur bébé, en commençant par lui attribuer un fils.

Le fils de Godzilla - "Godzilla baby sitter" (1967)

Ainsi, dans le film de 67, on découvre que pour Godzilla, péter des tanks c'est bien mais éduquer un monstre tout niais tout choupinounet c'est mieux. Des photos valent mieux qu'un long discours.



Le fils de Godzilla, ou comment faire découvrir le Kaiju eiga aux plus jeunes des spectateurs. Le film assure juste ce qu'il faut de monstres (merci les araignées / mantes géantes) et le temps du destructeur Godzilla semble bien éloigné.

Godzilla à toutes les sauces (1974-2014)

On pensait avoir touché le fond mais c'est compter sans l'imagination débordante et jusqu'au boutiste des scénaristes, prêts à tout pour exploiter le grand lézard atomique. Voici l'idée de génie : Qui pourra battre Godzilla à part Godzilla lui même ? La réponse :


Mecha-godzilla. Au moins quatre films entre 1974 et 1993 lui seront consacrés, dont un réalisé par Honda lui même, avec plus ou moins d'intérêt. Tour à tout créature extra terrestre puis robot militaire, la source Godzilla ne semble jamais pouvoir se tarir...Au delà du manque (ou de l'excès, ça dépend de quel point de vue on se place) d'imagination des scénaristes et des producteurs pour presser le citron jusqu'au bout, on peut y voir une manière assez maladroite de mélanger respect des grands classiques et vision futuriste d'un Japon tentant de se moderniser, tant d'un point de vue cinématographique que culturel. Quand la modernité et le futur paraissent trop menaçants, rien ne vaut un bon monstre à l'ancienne.

On ne va pas passer en revue tous les films des années 90 et 2000 consacrés au gros lézard, ils ne sont pas tous d'une qualité irréprochable, virant assez rapidement au fan service de base sur pellicule, et consacrons quelques lignes aux pires d'entre eux, et pour commencer, au plus improbable des épisodes de la saga Godzilla, Godzilla contre Megalon, réalisé en 73, par Jun Fukuda, le monsieur derrière le fils de Godzilla. Comment décrire ce film si ce n'est en affirmant que c'est une aberration. Godzilla y affronte Megalon, la blatte géante armée de bras perceuses et surtout Gigan, croisement improbable de pintade et de spinosaure. Heureusement que Godzilla est aidé de Jet Jaguar, un robot venu de la cité de SeaTopia. Soyons francs, ce film est mauvais, Low budget movie, tout le film donne l'impression de se dérouler dans un seul décor (authentique film de carrière) et surtout le métrage prend des allures de Main event de la Wrestling Federation, avec des robots et des blattes qui disposent de finish moves à la Hulk Hogan. Je vous laisse juger des dégâts avec l'extrait ci -dessous. Pour la petite anecdote, sachez que si le Jet Jaguar sus-cité a un look aussi naze et inoffensif, c'est que celui-ci est le résultat d'un concours lancé par la Toho en collaboration avec les écoles primaires japonaises. Oui, ils ont demandé à des gamins de créer le look d'un robot géant. je n'ose à peine imaginer à quoi ressemblaient les perdants de ce concours.


Continuons dans l'outrage avec la sortie en 98 du Godzilla de Roland Emmerich. Emmerich a beau clamer sur tous les toits au moment de la sortie du film qu'il est fan du film original, on peut se permettre d'en douter à la vue du film. Plutôt que de situer son film au Japon, il transpose son action dans New York, ne lui donne pas un fils mais toute une portée, et lui colle aux basques Jean Reno, scientifique français, car oui Godzilla est né à cause des essais nucléaires français dans le Pacifique. Le film a pour gros défaut de s'appeler Godzilla, tant il ne reste plus rien du monstre original et de sa symbolique anti-nucléaire . Ressemblant plus à un t-rex shooté aux hormones qu'à un titan des mers nippones, il gambade entre Time Square et l'Empire State Building en essayant de gober Matthew Broderick et Jean Reno en taxi. Le film cartonne au box office malgré des critiques lapidaires ( "Godzilla Only In Name") et accouche même d'une série diffusée en France sur M6 Kid, avec un godzilla et son copain humain. Seule chose a sauver de ce naufrage, le score martial de David Arnold. C'est peu mais il faudra s'en contenter. La Toho y réfléchira à deux fois avant d'autoriser Hollywood à massacrer à nouveau ses œuvres.
Et puis Jean Reno quoi...



Après cette débâcle américaine, Godzilla revient au bercail pour un Godzilla 2000, plus moderne et pourtant beaucoup plus respectueux du matériau original que le film de Emmerich. S'ensuit une poignée de métrages incluant encore une fois MechaGodzilla, Mothra etc... la plupart produits par la boite Millenium, qui ambitionne de redonner de la superbe à un mythe qui en a besoin après l'affront New-yorkais. Certes ce ne sont pas tous des chefs d'oeuvre et certains se reposent beaucoup sur les films qui ont précédé (on y croise Mothra par exemple), mais force est de reconnaître qu'il vaut mieux parfois se contenter de faire sagement son boulot en respectant les codes du kaiju Eiga plutôt que tenter tout et n'importe quoi avec le mythe de Godzilla.

Et c'est en 2004 que sort le film anniversaire pour commémorer les 50 ans du lézard géant : Godzilla final wars réalisé par Ryuhei Kitamura (Versus, Midnight meat train), sorte de grand défouloir où se retrouvent tous les monstres de la Toho, une race extra terrestre, et un godzilla impérial. Fun sans être ridicule, ayant aussi recours aux bonnes vieilles maquettes, témoignant d'un respect sans faille de la nouvelle génération du cinéma japonais aux premières heures du Fantastique sur l'archipel, le film porte la marque surexcitée et foutraque de son réalisateur, qui ne rate pas une occasion de tout faire péter à l'écran, arrivant même à faire oublier la bouse US de Emmerich.

Si l'on s'en tient à la chronologie officielle des films consacrés à Godzilla, aucun film n'aurait vu le jour depuis ce dernier métrage. Et c'est en 2012 que les premiers échos d'un nouveau remake commencent à se répandre sur la toile. La nouvelle est fraîchement accueillie, tout le monde a encore en tête la daube de tonton Emmerich, et on se demandait qui allait avoir l'honneur de redonner vie au grand lézard.

Godzilla version 2014

Et là surprise, plutôt que de confier le projet à un réalisateur plus à même de livrer un film spectaculaire, le choix se porte sur Gareth Edwards. Si son nom ne vous dit rien, il s'agit d'un réalisateur qui s'est fait remarquer avec Monsters, film de monstres contemplatif truffés de scènes de fin du monde et de dévastation, laissant une grande place à l'imagination. La dernière partie du film est plus impressionnante avec deux monstres pourchassant les héros dans une station service en plein désert. Au final on ne peut que saluer le choix de confier le remake de Godzilla à Edwards, qui a su prouver qu'il n'était pas nécessaire de tout faire péter dans tous les sens pour impressionner le spectateur, et qu'on pouvait mêler l'intimiste au grand spectacle. Les trailers de Godzilla sont depuis peu disponibles sur le web et joie, on constate que Edwards a opté pour un look à l'ancienne (gros lézard lent mais imposant) tout en respectant,semble t-il, le film original de Honda. On retrouve à l'affiche Bryan Cranston, Aaron Johnson et même Juliette Binoche.

Croisons les doigts, même les vieux dinosaures ont droit à un dépoussiérage de qualité, surtout l'année de leur 60 ans.



Filmographie sélective :

Godzilla (Gojira), Ishirô Honda, 1954
Godzilla, king of the monsters, remontage de Terry Morse, 1956
King Kong contre Godzilla (Kingu Kongu tai Gojira), Ishirô Honda, 1962
Invasion Planète X (Kaijû daisenso), Ishirô Honda, 1965
Godzilla, Ebirah et Mothra : Duel dans les mers du sud (Gojira, Ebirâ, Mosura : Nankai no daiketto), Jun Fukuda, 1966
Le Fils de Godzilla (Kaijûtô no kessen : Gojira no musuko), Jun Fukuda, 1967
Godzilla vs Megalon (Gojira tai Megaro), Jun Fukuda, 1973
Godzilla contre Mecanik Monster (Gojira tai Mekagojira), Jun Fukuda, 1974
Godzilla, Roland Emmerich, 1998
Godzilla 2000 (Gojira ni-sen mireniamu), Takao Okawara, 1999
Godzilla, Mothra, Mechagodzilla: Tokyo S.O.S. (Gojira tai Mosura tai Mekagojira : Tôkyô S.O.S.), Masaaki Tezuka, 2003
Godzilla: Final Wars (Gojira: Fainaru uôzu), Ryuhei Kitamura, 2004
Godzilla, Gareth Edwards, 2014




lundi 17 mars 2014

L'étrange couleur des larmes de ton corps

L'étrange couleur des larmes de ton corps d'Hélène Cattet et Bruno Forzani
Genre : OVNI
Sortie le 12 mars 2014




Quand j'ai eu à définir le genre de film auquel appartient le dernier film de Cattet et Forzani, j'ai eu du mal à le trouver. Pourquoi ? Parce que si le précédent film du duo était facilement qualifiable de giallo postmoderne (je simplifie, hein, le film ne se résume pas qu'à ça, tant sur le fond que sur le forme), leur dernière oeuvre s'apparente à un OVNI, un Objet Visuel Nouveau et Inventif. Mélange sensoriel et kaléidoscopique au service d'un scénario à la fois simple et vertigineux, le film ne peut pas laisser indifférent. On peut ne pas adhérer au concept, auquel cas les 100 minutes du film vont paraître très longues, ou on peut se laisser happer dès les premiers plans par ce film et en prendre plein les yeux, et les oreilles aussi.


L'histoire, qui au vu de sa consistance tient plus du prétexte qu'autre chose, raconte simplement l'histoire de Dan, un homme de retour de voyage d'affaire qui, en essayant de rentrer chez lui, ne trouve plus sa femme. S'ensuit une enquête qui va lui faire découvrir les autres locataires de son immeuble et leurs sales petits secrets, très orientés SM.
Si on retrouve les influences giallo de leur précédent film avec par exemple ce fétichisme des gants en cuir et des lames qui brillent, accompagné de la bande originale très 70's, la différence se fera plus sur la forme. Dès le début du film la mise en scène alterne scènes et plans que l'on peut qualifier de classique (l'arrivée du personnage principal à l'aéroport) et inserts en noir et blanc sur ce qu'on devine être une scène de sado-masochisme à base de lame de couteau et de gants de cuir. Si l'histoire, comme je le disais plus haut est simple, elle est pourtant rendue de plus en plus ardue à comprendre grâce (ou à cause, faites votre choix) aux innombrables choix de mise en scène et expérimentations des réalisateurs. S'il y a bien une chose que l'on ne pourra pas reprocher à Cattet et Forzani, c'est leur manque de créativité et d'imagination. Amplifiant chaque scène ou magnifiant chaque décor, leurs choix de mise en scène ressemblent à une succession d’expérimentations visuelles et auditives. Il faut avouer que cela peut dérouter le spectateur qui n'aurait pas été prévenu. On passe d'une séquence filmée d'une manière assez classique (les allers et retours du personnage dans les étages de l'immeuble) à une autre versant dans l'hallucination et le cauchemardesque (la traque du personnage de Laura, dominatrice SM, filmée tout en noir et blanc et saccadée, niveau montage). On pourra également faire le rapprochement entre l'immeuble qui semble sans fin et l'esprit du héros qui, dès qu'il franchit une porte, découvre de nouveaux univers, perd littéralement pied et découvre ses voisins et leurs mœurs dissolues. Faut il y voir une volonté de perdre le spectateur, à l'image du héros, quitte à lui offrir des images choc, et lui proposer de nouvelles expériences pas toujours agréables (à l'image de Laura qui semble servir d'exutoire à tous les locataires avides de sensations fortes) ? Le même travail est effectué sur le son, amplifiant chaque bruit, chaque geste quitte à rendre certains sons crispants (perso je déteste le bruit du cuir froissé, j'ai été gâté)


Si certains effets fascinent par leur utilisation dans le récit, On peut aussi reprocher aux réalisateurs de parfois tirer un peu trop sur la corde de la paranoïa et de faire plus que de raison certaines scènes, comme celle ou Dan se réveille en sursaut et va décrocher l'interphone et se voit sur l'écran. Dix fois de suite, c'est gonflant.
Même la dernière partie du film laisse dubitatif quant à sa signification. Pourquoi montrer une version enfantine de Dan et du policier ? C'est un peu ce qui rend le film frustrant au final. S'il est peut être très clair pour les scénaristes, il reste très flou et difficile à comprendre, quitte à être obligé de le revoir pour passer outre les effets de mise en scène pour se concentrer sur la trame principale. Alors certes le métrage est loin d'être une simple bande démo avec de vrais morceaux de scénario dedans, mais même lorsqu'on accepte de se laisser prendre par la main (gantée de noir) dans ce dédale multicolore (des filtres dans tous les sens !!) quitte à ne pas toujours aimer ce qu'on regarde, on reste quelque peu frustré et dubitatif quant au fond du film.

L'étrange couleur des larmes de ton corps reste une expérience à vivre en salle, et bien que parfois surchargée en effets de style, il est toujours appréciable de voir des réalisateurs français oser et proposer de nouvelles œuvres cinématographiques. Il est préférable d'abandonner toute logique et tout repère pour en profiter, sous peine d'être mis de côté dès le début du film.

dimanche 16 mars 2014

300 naissance d'un empire

300 : Rise of an empire de Noam Murro
Genre : Epic & bourrin
Sortie le 5 mars 2014



Au commencement fut 300, un graphic novel de Franck Miller racontant les combats d'une armée de 300 spartes contre leur ennemi Xerxès. Les dieux d'Hollywood ne restant jamais bien longtemps endormis, une adaptation pour grand écran fut mise en projet. Résultat : le film 300, réalisé par Zack Snyder, à l'époque pas encore connu pour Man of steel et Watchmen, mais déjà remarqué pour son remake efficace de Zombie, rebaptisé par chez nous L'armée des morts. Le film est d'une fidélité (trop parfois) à son matériau d'origine, enchaînant les plans comme Miller les cases de BD, Snyder use et abuse du ralenti, tourne la quasi totalité de son film sur fond bleu et fait découvrir au grand public Gerard Butler qui, dans le rôle de Leonidas, immortalisera le cultissime " This is Spartaaaaa ".  Carton au box-office international. 
A la suite de ce premier coup d'essai, plusieurs projets furent évoqués, comme par exemple un spin off sur le méchant de 300, Xerxès, pourtant pas le plus intéressant et charismatique des personnages. Aucun ne vit le jour, jusqu'à ce que soit mis en marche le film 300, Rise of an empire. le trailer laissait craindre un copié collé du premier 300, et au vu de l'affiche, à part Eva Green, aucune grosse star susceptible d'amener du monde dans les salles. Alors verdict ? C'est une bonne surprise. Pas un chef d'oeuvre mais un bon divertissement, imparfait mais généreux.



Le film, d'un point de vue chronologique n'est pas une suite, c'est un récit en parallèle. Dans cet opus nous découvrons les origines de Xerxès, son contentieux grandissant avec Athènes la grande et prospère cité, et faisons connaissance avec Artemis, redoutable guerrière aux service de Xerxès. En face se trouve Themistocles, athénien responsable de la mort du père de Xerxès, et cible principale de la vengeance d'Artemis. Sachant qu'une guerre est inévitable, Thémistocles s'en va demander de l'aide à Sparte et ses 300 guerriers, mais ceux-ci sont déjà en route pour casser la gueule à Xerxès (trame principale du premier film). Notre héros n'a donc pas d'autre choix que de se dresser seul, entourée de sa mini armée, face à l'armada d'Artémis. Les trames des deux films ne cesseront jamais de se croiser, chacun complétant l'autre d'un point narratif et explicatif (le sauveur d'Artémis enfant est l'homme que Leonidas balance dans le puits dans le premier film, ça explique les rancœurs de plusieurs personnages) et rendant le tout plus cohérent.  

Voilà pour ce qui est de l'histoire. Les deux films ont beau être voisins dans les thèmes, Le film de Snyder et celui-ci ne se ressemblent pas du tout. Si le premier pêchait par excès de style et d'iconisation à outrance, cherchant systématiquement le plan super léché sur ses héros, le film de Murro est plus modeste dans sa mise en scène et dans ses ambitions, mais c'est là que réside sa plus grande force. Moins poseur que Snyder, Murro offre un film vraiment spectaculaire, ce que le premier film n'était pas vraiment au final, la technique du fond bleu jouant beaucoup contre le film lui-même. Plutôt que de se cantonner à filmer ses héros à cheval ou à pied, Murro opte pour un cadre maritime, avec de nombreuses batailles où la flotte perse tente d'exterminer les navire athéniens. Si la technique du fond bleu est toujours utilisée ici, elle est beaucoup plus discrète que dans le film de Snyder, la mise en scène de Murro étant beaucoup plus mobile, moins statique, celui ci étant moins enclin à recréer les cases de la BD originale.
Murro se permet même quelques audaces à l'image de ce plan séquence avec Thémistocles surgissant de la cale sur son cheval, bondissant à travers les flammes et surgissant des eaux pour dérouiller ses adversaires. Si la présence de Snyder se fait quand même sentir (il est à la production et son style " le ralenti c'est la vie " vient parfois parasiter la mise en scène), le film trouve son propre style au fur et à mesure. Le métrage est également beaucoup plus violent que son prédécesseur, enchaînant les scènes de décapitation et d'amputation dès que l'occasion se présente, le tout avec des gerbes de sang numériques dans tous les sens, pour tout et rien (un uppercut ? Trois litres de sang à cracher). C'est ce côté bourrin et totalement assumé qui rend le film sympathique à regarder.Vous voulez du glaive et de la violence, vous allez en avoir. Vous voulez de la finesse ? Ce n'est pas non plus dans les dialogues que vous allez en trouver. A ce niveau, le film de Murro se pose en parfait contraire de son prédécesseur, poseur, verbeux et prétentieux. Mention à Artemis pour ce dialogue priceless

" You fuck harder than you fight "

Rien à ajouter.

Profitons en pour dire un mot sur le casting. Si la plupart du casting est composée par des acteurs vu surtout à la TV (Skins et même... Hartley coeurs à vif !!), et de l'incontournable Lena 2 de tens' Headey, on retiendra surtout Sullivan Stapleton, remarqué dans le film Animal kingdom, qui arrive à faire oublier Leonidas, grâce à un personnage plus humain et plus modeste, capitaine conscient d'amener ses hommes à la mort. Face à lui, Eva Green, parfaite en guerrière revancharde, qui semble prendre un plaisir pas possible à jouer du glaive sur un bateau. On retrouve aussi ce bon vieux Xerxès, dont la naissance ressemble beaucoup à la pub Dior j'adore avec Charlize Theron.



Alors oui, le film est prévisible et souffre parfois de la patte Snyder (il y a des ralentis vraiment fatigants), la voix off et mollassonne de Headey tente maladroitement de conférer un souffle mythologique à l'ensemble et certains acteurs ne sont vraiment pas bons, mais ce qui rend le film fun c'est ce côté Série B qui s'assume sans honte, le style pompier bourrin de la bande originale et l'idée qu'au delà d'un premier volet prétentieux et poseur et d'un deuxième épisode généreux et spectaculaire, l'univers 300 peut encore réserver de bonnes surprises.



mercredi 5 mars 2014

La grande aventure Lego

La grande aventure Lego de Phil Lord et Chris Miller
Genre : Lego system
Sortie le 19 fevrier 2014



Le projet avait quand même de quoi laisser sceptique. En effet si l'on peut accepter que la marque Lego puisse être à la rigueur exploitée sur d'autres plates-formes telles que le Jeu vidéo, avec des jeux tels que Lego Harry Potter ou Lego Lord of the rings, et encore ce n'est qu'une technique pour tenter de rapprocher les amateurs de construction Lego vers l'univers des consoles, l'idée de mettre en route un film Lego pourrait paraître particulièrement étrange, le métrage risquant de s'apparenter à un énorme placement produit dilaté sur 1h30. Après visionnage du film, soyons honnête, le métrage arrive à assurer le spectacle pendant une bonne heure avant de méchamment se vautrer dans sa dernière demi heure. Explications :

Aux manettes du film on retrouve Phil Lord et Chris Miller. Si les noms ne vous disent rien, sachez qu'ils sont aussi derrière un des meilleurs films d'animation des 10 dernières années : Tempête de boulettes géantes, film à la fois super fun et maîtrisé, habile mélange d'humour vraiment drôle et jamais abrutissant pour son public. Ce n'est donc pas vraiment une surprise de les savoir aux commandes d'un film Lego, film au concept casse gueule comme a pu l'être leur précédent film. Qui plus est, au delà du fond, ils ont montré un certain savoir faire sur la forme, maîtrisant à la perfection les nouveaux outils de l'animation. Ils sont pour beaucoup dans la réussite du film, à commencer par Miller, également scénariste. Parlons du scénario, d'ailleurs. Si le pitch n'est pas des plus originaux (un individu lambda de LegoVille est appelé à la rescousse par des êtres d'une autre dimension pour accomplir une prophétie, étant soit disant l'Elu qui mettra fin au règne de Lord Business), Miller en profite pour tout dynamiter et se permettre tout et n'importe quoi avec ses lego, surtout n'importe quoi d'ailleurs. 

Instant " raconte nous ta vie " : ON
Je ne sais pas pour vous, mais moi, avec mes Lego (ou mes playmobils, ça marche aussi), je m'amusais à mélanger les différents univers. Ca restait des Lego et du coup je pouvais mettre des astronautes dans un saloon, ou un cowboy dans une station orbitale.
 " Raconte nous ta vie " : OFF



Pourquoi je vous raconte ça ? Parce que Miller le fait pendant tout le film. Plutôt que de se limiter à son héros, l’héroïne et les autres protagonistes principaux (le méchant, le flic et le mage), dès lors que Emmet le héros arrive dans l'autre dimension, c'est un festival de n'importe quoi intégral. Vous y trouverez Batman, Superman, Gandalf, green lantern, Shaquille O'neal, des requins, un poney et même Chewbacca avec le faucon millénium. Et le pire dans cette histoire c'est que ça marche. Tous ont beau être des Lego, sans en être conscients d'ailleurs, ils sont avant tout des personnages ayant chacun leur univers et leur langage, d'où cette permanente confrontation de plusieurs concepts que rien ne relie entre eux, entre Batman qui vient piquer le moteur du vaisseau de Han Solo et Superman qui veut qu'on l'achève à la kryptonite, ne supportant plus Green lantern, super héros boulet par définition. Ce défilé de guest stars ne s'arrête jamais pendant la première heure du film, Miller en profitant également pour railler ces (ses) héros avec des petites piques (Batman en prend d'ailleurs plein la poire, surtout le Batman période Dark knight de Nolan, avec son " i'm batman " balançé d'une voix grave, et un côté très bourrin dans son attitude). Au delà d'offrir le plus improbable des crossover de super héros jamais vu sur un écran, Miller surexploite l'essence même du Lego : on peut tout démolir et reconstruire avec des Lego. Le côté modulable à l'infini du Lego donne l'occasion à Miller d'offrir des scènes de poursuite débordantes d'idées et d'originalité, à l'image de la poursuite en début de métrage, avec des héros pilotant tour à tour une moto se transformant au gré des attaques en vaisseau spatial. Le film est également efficace dans ses dialogues, souvent drôles et toujours trop sérieux comparés à la grande déconne ambiante (Batman et ses troubles identitaires ou le running gag sur la tendance suspecte de l'héroine à changer de nom un peu trop régulièrement). 
Si le scénario, tout du moins dans sa première partie est remarquable, la mise en scène est du même niveau. Vertigineuse par instant, et toujours maîtrisée. L'impression qui en ressort, c'est que les deux réalisateurs se sont vu donner la possibilité de faire tout et n'importe quoi en Légo. Chaque élémént du décor, chaque explosion, ou même vague de l'océan est en Lego. Le film est tellement riche à ce niveau qu'un seul visionnage ne suffit pas. La diversité des décors traversés (ou démolis) par les héros est remarquablement mise en avant. 


Le scénario et la mise en scène assurent donc le spectacle pendant la première heure, et malheureusement, c'est après que ça se gâte. Suite à un rebondissement dans l'intrigue (je vous la fais courte : Emmet se jette dans le vide inter-dimensionnel pour sauver son monde d'une explosion), le personnage principal se retrouve:

Dans le monde réel. 

Et oui, voilà la mise en abîme qu'il aurait mieux valu éviter. Et l'on découvre que tout ce qui a précédé (les vaisseaux, Legoville, le monde du western) n'était en fait qu'une gigantesque construction en lego dans une cave, et que les aventures d'Emmet et ses amis n'étaient que le résultat de l' imagination d'un gamin ayant outrepassé l'interdiction de son père de jouer avec ses Lego, père ressemblant fortement au méchant Lord Business, interprété par Will Ferrell. Et là le film se vautre dans ce qu'il avait royalement su éviter depuis le début, à savoir ressembler à un gigantesque placement produit. Et ce n'est pas la dérisoire tentative d'insérer du fantastique dans le réel, à travers Emmet qui vit dans le monde réel, qui va nous empêcher de subir 20 minutes de niaiserie totale à base de réconciliation père / fils, la colle qui fige tout c'est mal, il faut laisser s'épanouir la créativité, j'en passe et des pires. Les méchants sont en fait gentils, et le héros finit avec l’héroïne, laissant Batman sur le carreau. 
On se demande ce qui a pu justifier un dernier acte aussi raté, celui-ci détonant avec ce qui a précédé, tornade de déconne laissant place à un enchaînement de moments niais. Est-ce une fin imposée par Lego, histoire de rappeler que si vous voulez faire pareil, vous pouvez acheter tout ce que vous avez eu sous les yeux pendant le film ? Alors même si le dernier acte n’entache en rien le spectacle qui est proposé, la première heure est très fun à regarder, on en ressort avec une légère impression de gâchis, de bâclé, une volonté de contenter à la fois le grand public avec une morale cul cul la praloche (jouer avec ton papa aux Lego c'est supaire) et la firme Lego qui pour le coup ne pouvait rêver de meilleure publicité. Le dernier plan résume à lui seul le problème du film : la vie réelle vient parasiter la vie Lego, mieux vaut parfois se contenter de la fiction et de l'imagination.


samedi 1 mars 2014

The Grand Budapest Hotel

The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson
Genre : Hotel 4 étoiles
Sortie le 26 février 2014


C'est toujours la même chose quand on découvre un nouveau film de Wes Anderson. On a l'impression d'ouvrir un gros paquet cadeau emballé avec soin, attention et délicatesse, et rempli de surprises. Quand bien même on serait déjà admirateur du travail du monsieur après avoir vu ses précédents films, on ne peut qu'être à nouveau surpris de la façon qu'a Anderson de refaire ce qu'il fait si bien depuis ses débuts, tant au niveau de la mise en scène que la mise en place d'un univers qui n’appartient qu'à lui, et d'être encore capable de surprendre son public, en proposant cette fois-ci un voyage coloré et euphorisant, avec un casting 4 étoiles. 

Direction la république de Zubrowka, où Anderson plante son décor, le Grand Budapest Hotel. D'entrée de jeu, Anderson brouille les cartes en éparpillant son récit sur plusieurs époques, quatre pour être exact, obligeant ainsi le spectateur à lui faire confiance et à se laisser guider par ses allers et retours entre les années. Tout le film est un flashback, basé sur les souvenirs  du lobby Boy Zero Mustapha, embauché par Mr Gustave, Concierge de l'Hotel et amateur de femmes âgées. Embarqué malgré lui dans une sombre histoire de meurtre et d'héritage, Zero va rencontrer une galerie de personnages hauts en couleur, dont sa femme et des moines montagnards.
Si le sujet du film pourrait prêter à la mélancolie et à la tristesse (tout le film n'est que le souvenir de Zero, errant seul dans l'Hotel, se remémorant ses aventures passées), la mise en scène d'Anderson prend une tonalité complètement opposée et propose un livre d'images coloré, où règne quand même une tristesse et une mélancolie sous-jacente, mais son histoire repose quand même sur une grande histoire d'amitié (entre Gustave et Zero) et une histoire d'amour (entre Zero et Agatha la pâtissière), rendant le tout immédiatement sympathique. Le récit a beau contenir des meurtres, des trahisons, le tout dans un contexte proche de la guerre, on a plus souvent l'impression de suivre les mésaventures colorées de deux pieds nickelés, embarqués dans des galères tellement énormes qu'elles en deviennent comiques. 
Une des grands qualités de ce film, c'est son casting. On savait Anderson doué pour choisir ses comédiens (Bill Murray en tête), mais le moins que l'on puisse dire c'est que pour ce film, il s'est fait plaisir. Des premiers rôles (Ralph Fiennes au petit nouveau Tony Revolori)  aux seconds rôles, c'est un défilé permanent. On y croise le trop rare Harvey Keitel, Léa Seydoux, et of course Bill Murray. Certains personnages pourraient paraître anecdotiques, mais tous ont une importance dans la grande aventure de Zero et Gustave. 


L'autre grande force de ce film, c'est bien évidemment la mise en scène d'Anderson. Si il n'a pas encore cessé ses travellings vertigineux, qui font ici merveille dans les grands couloirs du Budapest Hotel, il atteint ici une sorte de perfection visuelle qui fait plaisir. Rares sont les réalisateurs à composer des cadres aussi travaillés et maîtrisés. Dès les premiers plans du film dans l'Hotel, on sent la recherche du cadre parfait, où tout est dit dans un plan (Gustave et l'écrivain face à face à table, deux époques qui se rencontrent dans un même plan), sans sur-découpage. On pourrait facilement taxer Anderson de maniérisme et d'excès dans sa mise en scène, ce serait éluder complètement cette louable intention de proposer un film à la fois beau et bien filmé, faisant parfois ressembler son métrage à un somptueux livre d'images, remplies de détails aux quatre coins de l'écran, parfois jusqu'à la surcharge, ce qui pousserait à un second visionnage du film pour en saisir toute la richesse. Je vous parlais plus haut du comique de certaines situations, et bien sachez que la mise en scène de Anderson y est pour beaucoup, rappelant beaucoup les grandes heures du cinéma muet, Buster Keaton en premier lieu. Plutôt que que de surdécouper son film, Anderson se repose beaucoup sur la technique du plan fixe, du dialogue qui fait mouche et du cadre parfait, dans lequel les éléments, ou plutôt les acteurs, vont évoluer et mettre en avant un comique avant tout visuel (le lancer de chat de Dafoe vaut son pesant d'or). Même le traditionnel champs / contre champs, pourtant solution de facilité pour qui  souhaite filmer des dialogues sans trop se fouler, est ici brillamment utilisé par Anderson comme élément principal du comique de situation (la série de poings dans la figure aux funérailles). 
La trame principale du film prenant place dans la vieille Europe, Anderson a recours à certains effets de style old school qui s'adaptent à merveille à son récit. Entre une course poursuite à ski filmée en accéléré et des plans larges de décors qui semblent tout droit tirés d'un vieux livre à tirettes, Le sens du détail du réalisateur explose dans chaque séquence. Grand soin est également apporté aux dialogues, entre grandes envolées lyriques et petits échanges plus intimes, ils sont également pour beaucoup dans la tonalité tragi-comique de l'ensemble, entre conneries débitées par Brody avec un sérieux papal (Vous êtes..bisexuel !!!!) et froides constatations sur la vie et la mort (le destin d'Agatha résolu en mode "bah..c'est la vie"). 


En bref : Excellente comédie doublé d’une sacrée leçon de mise en scène, portée par un casting de fou et baignant dans une euphorie de tous les instants, le dernier film de Wes Anderson est une vraie réussite, un vrai chef d'oeuvre pour ce début d'année.