Genre : tranches de Vies
Sortie le 23 avril 2014
Tout auréolé d'un gros bouche à oreilles ultra positif suite à sa projection aux festivals de Deauville et Locarno, voici le film States of Grace qui sort en catimini pendant les vacances de Pâques, encastré entre les grosses comédies grasses De France et les Rio 2 sans intérêt. Alors autant je ne suis pas particulièrement fan du film indé tendance Sundance approved, avec toute la hype que le label Sundance peut engendrer, autant lorsqu'un film labellisé " Cinéma indépendant US " aussi réussi arrive sur les écrans, je me dis qu'il serait vraiment dommage que vous le ratiez. On en ressort avec le même sentiment qu'à la sortie de The Spectacular now sorti en début d'année, la même impression d'avoir vu un film à la fois simple et complexe, tendre, terriblement dur et réaliste quant aux problèmes que rencontrent les protagonistes (l'alcoolisme adolescent dans le premier, la reconstruction après une enfance détruite dans States of Grace). Alors certes le film n'est pas exempt de défauts minimes, mais il réserve quelques beaux moments de grâce et d'humanité qui emportent le morceau.
Le film raconte les déboires de Grace qui encadre des enfants dits à problèmes, de tout âge, et qui voit un jour arriver Jayden, adolescente mystérieuse et agressive et qui va faire remonter chez Grace des souvenirs qu'elle n'était pas encore prête à affronter. La grande qualité de ce film réside dans l'absence totale de jugement ou de pathos envers les personnages du film, qu'ils soient éducateurs ou adolescents. Si l'on devine que la plupart des enfants qui sont dans cet établissement y sont arrivé suite à la destruction de leur foyer ou pire, à de mauvais traitements et d'abus, à aucun moment la tristesse ou l'apitoiement ne se font ressentir. Ils sont dans cet endroit pour se reconstruire, pas pour s'apitoyer sur leur sort. Encadrés par toute une équipe d'éducateurs sur-motivés et compatissants, ils réapprennent à vivre en communauté, à se respecter et à se reconstruire avant de partir et retourner dans le monde extérieur. Chose étrange, il arrive qu'à certains moments on ait plus l'impression de regarder un documentaire qu'une fiction, avec la caméra qui se promène d'une chambre à l'autre. On fait la connaissance de Grace, éducatrice toute dévouée à ces jeunes, son fiancé Mason, et le nouveau, Nate qui découvre en même temps que le spectateur tout ce microcosme avec ses règles et ses petits instants de joie et de peine. Car tout n'est pas rose, Et l'arrivée de Jayden va tout dynamiter. Enfant abusée, elle va mettre Grace face à ses propres problèmes, qu'elle ne peut plus cacher à Mason, patient mais pas trop. Grace a beau vouloir aider tout le monde, elle en oublie qu'avant d'être une aide pour les autres, on devrait toujours commencer par soi, au risque de s'éloigner des gens qui nous entoure et supporte. C'est dans la relation Grace-Jayden que pèche un peu le film d'ailleurs, rajoutant à Grace un passé trouble qui n'était pas absolument nécessaire, on peut être assistant social pour enfant à problème sans forcément avoir été abusé. Heureusement pour nous, l'optimisme et la volonté de Grace reprennent très vite le dessus, et elle accompagne Jayden dans son envie de surpasser ses peurs et la crainte de son père. Si le sujet du film n'est pas des plus réjouissants, c'est encore une fois le traitement qui fait la différence. Chaque situation de crise, chaque conflit, qu'il oppose les enfants entre eux ou aux adultes, peut être désamorcé avec de l'humour, de la volonté et de la légèreté, à l'image de la partie de base-ball qui dégénère en baptême du feu pour Nate, peu habitué aux conflits. Même les situations un peu too much en fin de film (la visite au père de Jayden) sont désamorcées par une ironie et un humour bienvenus.
SI le titre original du film était Short term 12, nom donné à l'établissement où sont encadrés les enfants, le titre final, States of Grace donc, convient beaucoup mieux au métrage. Non seulement il fait assez intelligemment référence aux différents états d'esprit que traverse Grace tout au long du film, mais il fait aussi référence aux différents états de grâce que traverse le film. Entres purs moments d'émotion (le discours de Mason chez ses parents adoptifs), instants de tendresse et de compassion (la petite girafe de Sammy) et moments indescriptibles de bonheur et d'énergie avec le traditionnel sprint matinal de Sammy sur la pelouse du centre, avant de finir, hilare, dans les bras de Grace et Mason.
Si le fond et la forme du film contribuent beaucoup à la réussite du film, on ne peut pas passer sous silence la grosse révélation du métrage, Brie Larson. Déjà aperçue dans Scott Pilgrim, et surtout dans The Spectacular Now, où elle jouait tout en subtilité le rôle le plus ingrat du film. Dans States of Grace, elle illumine chaque scène, chaque plan, parfaite dans ce rôle d'éducatrice volontaire et toute dévouée aux enfants, compréhensive mais sévère quand c'est nécessaire, enfant grandie trop vite et mère de substitution pour tous les jeunes. Autour de Brie Larson on retrouve John Gallagher Jr (Newsroom) en fiancé et collègue de Grace, aussi patient et compréhensif avec elle qu'avec les enfants (émouvante scène de rap exutoire), et Beatrix Stephanie, échappée de Brooklyn 99.
C'est cet assemblage de petits instants de bonheur, de joie et de tristesse, d'humanité qui rendent le film très attachant. On en ressort avec un grand sourire (la dernière scène est un concentré d'optimisme et de bonheur) et avec l'impression d'avoir eu la chance d'avoir vu un film rare et lumineux.