genre : fresque et fantaisie
Sortie le 9 avril 2014
Depuis son dernier film en date, Black Swan, on était resté sans nouvelles de Darren Aronofsky. Entre fausse rumeurs et vrais loupés (il fut rattaché aux projets Wolverine : le combat de l'immortel avant que Mangold ne s'en occupe et Robocop, récupéré au final par Padilha), on se demandait comment le réalisateur des cultissimes Pi et Requiem for a dream allait rebondir. C'est chose faite et c'est en salle depuis début avril. Adaptation de la vie d'un des personnages emblématiques de la Bible, Noé, le film se pose en fresque à la fois intimiste et spectaculaire, tout en n'oubliant pas de prendre quelques libertés avec l'oeuvre originale, si l'on peut l'appeler ainsi. Passons outre les polémiques soulevées pas le film, notamment dues au contenu du métrage (pour plus d'explications sur cette affaire c'est par ici) et concentrons nous sur le film en lui même.
Avant de commencer, faisons un petit récapitulatif de ce que l'on sait presque tous de l'histoire de Noé. Homme descendant de Adam, marié et père de trois enfants, il est choisi par Dieu qui, excédé par les hommes et leurs égarements, décide de les noyer sous un déluge et demande auparavant à Noé de construire une Arche dans laquelle se réfugieront sa famille ainsi qu' un mâle et une femelle de chaque espèce vivante sur terre. Après le déluge purificateur et 40 jours de pluie, l'Arche échoue sur le Mont Ararat et Noé libère les animaux pour qu'ils puissent repeupler la terre.
Voici les grandes lignes de l'histoire, qui auraient pu remplir un film épique en bonne et due forme. C'est compter sans le zèle d'Aronofsky qui y ajoute absolument tout ce qui peut y être ajouté, un méchant pour commencer, plusieurs histoires d'amour, des anges déchus, et Anthony Hopkins. Si le scénario a de quoi faire hurler n'importe quel religieux extrémiste (cf: les polémiques citées plus haut), on ne peut pas dire que cela choque beaucoup en fin de compte. Si certains aspects du scénario paraissent effectivement cousus de fil blanc et ne devant leur existence qu'à un besoin de faire avancer l'intrigue et de relancer l'action en deuxième partie de métrage (la romance de Cham, tuée dans l'oeuf et moteur secondaire de l'intrigue), d'autres sont sous-exploités et plus frustrants, à l'image des personnages de ToubalCain, antagoniste complet de Noé, qui ne semble être là que pour mettre des bâtons dans les roues de ce dernier et prendre la place du vil tentateur, corrupteur d'un des fils de Noé, ou bien encore Mathusalem, le grand-père de Noé, interprété par Hopkins qui cachetonne tranquille pépère, et présent pour filer un coup de main à son petit-fils pour bâtir l'Arche ou à quatre pattes dans les bois pour se faire un panier de baies sauvage avant le Déluge. Ajoutez y des Anges déchus venus aider Noé pour la manutention et vous aurez un aperçu de la première heure. Le film peut d'ailleurs se diviser en trois parties distinctes : la première que l'on pourrait qualifier d'antédiluvienne, durant laquelle Noé, hallucinations à l'appui, reçoit les signes et consignes de Dieu concernant la mise en place de l'Arche et la convoitise qu'elle créé chez les hommes sauvages, la deuxième, plus courte car concentrée sur le déluge et la mise à flot de l'Arche et enfin la troisième, l'exode sur les mers, où l'on découvre la face cachée de Noé, plus sombre et moins clairvoyant qu'il ne l'a laissé croire. C'est cette troisième partie qui tire un peu en longueur, le spectaculaire de ce qui a précédé constituant en soi un climax, et les tensions du dernier acte sont très (trop) vite évacuées, on y reviendra plus tard d'ailleurs.
Là ou le bât blesse par contre, c'est dans la mise en scène d'Aronofsky. On en avait déjà eu un aperçu dans Black Swan : la finesse et la subtilité, ce n'est pas son point fort. Lorsque Portman voulait devenir le Cygne Noir, Aronofsky ne faisait pas de chichis, il nous la montrait en train de métamorphoser en cygne. Subtilité, toujours. Or, les aventures de Noé, de par leurs statut de récits bibliques à forte teneur en Symbolique, sont une mine pour Aronofsky. Et il n'y va pas par quatre chemins. Entre la colombe de la paix (présente dans les récits originaux, il faut le savoir) qui passe au ralenti lors d'une réconciliation entre les personnages, et le sang de la terre que foule Noé, Aronofsky se lâche, jusqu'au dernier plan final, avec un arc en ciel irradiant l'écran au dessus du premier mariage de l'histoire du nouveau Monde. Aronofsky alterne entre bonnes idées de mise en scène (l'arrivée des oiseaux est aussi spectaculaire qu'insérée intelligemment dans le récit) et matérialisations de concepts mythologiques pas toujours heureuses. Et parce qu'une image vaut mieux qu'un long discours, voici le croisement improbable entre un Transformer et un rocher volcanique.
ceci est un ange déchu
Autre point noir, Aronofsky se repose beaucoup (trop ? ) sur l'ellipse. Si elle est plutôt bienvenue dans la première partie (les Transformers aident Noé à construire l'Arche en un temps record, on arrive assez rapidement au clou du spectacle, du coup), elle frôle parfois l'incohérence dans le dernier acte, où les neuf mois d'une grossesse pas heureuse semblent filer à une vitesse record, neuf mois durant lesquels Noé ne réalise absolument pas qu'il y a un passager clandestin. Une Arche, pas Versailles...
Si l'on peut trouver couillu le choix de mettre en scène un récit biblique avec un personnage finalement assez peu représenté au Cinéma, et si l'on ne cherche pas après le film à pointer du doigt toutes les incohérences et raccourcis vis à vis du matériau original (allez sur wikipedia, on se perd dans les dates et les personnages), le film arrive à jongler assez sobrement entre grandes envolées épiques (le déluge est spectaculaire et violent, les anges étant aussi de farouches gardiens qui dégomment de l'homme par paquet de douze) qui laissent entrevoir une réelle capacité chez Aronofsky à filmer des blockbusters (son Wolverine aurait eu de la gueule à mon avis) et ambiances plus intimistes, avec les discussions à fond de cale dans le dernier acte. On attend juste un peu moins de lourdeur dans la mise en scène et l''illustratif, un beau livre d'images de fin du monde ne fait pas encore un film.
Si l'on peut trouver couillu le choix de mettre en scène un récit biblique avec un personnage finalement assez peu représenté au Cinéma, et si l'on ne cherche pas après le film à pointer du doigt toutes les incohérences et raccourcis vis à vis du matériau original (allez sur wikipedia, on se perd dans les dates et les personnages), le film arrive à jongler assez sobrement entre grandes envolées épiques (le déluge est spectaculaire et violent, les anges étant aussi de farouches gardiens qui dégomment de l'homme par paquet de douze) qui laissent entrevoir une réelle capacité chez Aronofsky à filmer des blockbusters (son Wolverine aurait eu de la gueule à mon avis) et ambiances plus intimistes, avec les discussions à fond de cale dans le dernier acte. On attend juste un peu moins de lourdeur dans la mise en scène et l''illustratif, un beau livre d'images de fin du monde ne fait pas encore un film.
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