Snowpiercer de Bong Joon Ho
Genre: polar express 2.0
Sortie le 30 octobre 2013
Adaptation de la bande dessinée de Jean Marc Rochette, Benjamin Legrand et Jacques Lob, Snowpiercer marque également le passage au blockbuster US (ou plutôt hors Corée du sud pour être plus exact, le film étant franco-américano-Sud coréen de par son équipe aux couleurs internationales) de Bong Joon Ho, après Park Chan Wook avec Stoker et Kim Jee-Woon et le dernier rempart. Et à titre de comparaison, on se rapprochera beaucoup de Stoker dans le ressenti post-visionnage dans la mesure où l'on se retrouve avec un film qui bien qu'étant parfaitement maîtrisé sur la forme, accuse quelques faiblesses sur le fond. Le film de Wook était beau, classieux et on y retrouvait les thèmes chers au réalisateur (vengeance etc...je vous laisse le découvrir) mais le rythme en demi molle et une impression générale de froideur rendaient la chose assez hermétique, au final. Alors quid de Snowpiercer ?
Petit rappel de l'histoire avant de commencer, celle-ci se passe en 2031, après que les hommes, dans leur grand projet de refroidissement de la planète, aient forcé la dose sur leur gaz refroidissant et aient plongé la planète dans un froid éternel. Seules 1000 personnes ont survécu, et elles ont trouvé refuge dans un train qui roule tout autour du monde sans s'arrêter. Particularité du train, les pauvres sont à l'arrière et les riches en tête de train. C'est dans ce contexte pas jouasse que Curtis, un queutard (il est appelé comme ça dans le film, je n'invente rien) décide de rallier la tête du train en provoquant un soulèvement des pauvres.
Voilà pour le contexte. Pour commencer, il est évident que le sujet ne va pas chercher trop loin dans la problématique et ne sortira jamais des sentiers déjà bien labourés de la lutte des classes. C'est même là que se terre la plus grosse épine du film. Certes Snowpiercer n'est pas le premier à traiter de ce sujet, que ce soit dans un train, une ville ou un bateau le thème reste le même. C'est le traitement qui fera la différence. Et justement ici on avance, lentement, en terrain trop connu, avec juste ce qu'il faut de rebondissements et de révélations pour faire avancer le récit. Et cette scorie entraîne un autre problème, on en arrive à se poser beaucoup de questions. Beaucoup de "pourquoi ?" et surtout de "comment ?". Le film serait moins bavard et ne lancerait pas autant de pistes, on serait moins tenté de se poser des questions sur la logique de certaines situations et événements. Plus les personnages avancent vers la tête de train et plus on se pose de questions sur ce fameux train. Dans le désordre : Comment les riches trouvent-ils la viande stockée à bord ? Pourquoi les pauvres ont-ils été ramassés pour embarquer dans le train ? D'où provient la nourriture des pauvres ? Pourquoi un homme qui avouera avoir eu recours au cannibalisme fait son écoeuré dès qu'il découvre ce que mange ses confrères ? Pourquoi un wagon boite de nuit et pourquoi les clubbers se révoltent à la fin...?
Le scénario se garde bien d'expliquer le pourquoi du comment et se consacre à la progression du petit groupe, quand bien même certaines aberrations décrédibilisent pas mal de situations (SPOILERS: Comment Curtis sait-il que deux wagons après le sien se trouve la prison? Est-ce son pote joué par Hurt qui le lui a dit? Et si oui, Curtis ne se pose jamais la question de savoir comment il est au courant). Le bodycount augmente au fur et à mesure de l'avancée du groupe pour s'achever en tête de train avec 10 minutes de parlotte entrecoupée de baston.
Comme je vous le disais plus haut, si le scénario ne brille pas par son originalité, la mise en scène par contre est de grande qualité, et ce malgré quelques SFX un peu moches (la neige dehors, tout ça...). Ce n'est pas une surprise, BJH est un des meilleurs metteurs en scène sud-coréens. Regardez Memories of murders ou The host, vous verrez de quoi il est capable dans les registres du thriller et du film de gloumoute. Et dans un genre plus léger vous trouverez aussi Barking dogs never bite et son segment du film à sketchs Tokyo.
Pour Snowpiercer il arrive à illustrer un scénario plan plan par une succession de scènes magistralement filmées, même si parfois un peu lourdingues dans la symbolique (on sait que les héros vont morfler face à des mecs armés de haches, pas besoin de montrer l'un d'entre eux en train d'éviscérer une truite. D'ailleurs, sur le coup on se demande : d'où elle sort cette truite ?). Jamais sur-découpées, les scènes d'affrontement sont bien cadrées et assez lisibles, éclairées par une photo chiadée. La caméra est toujours en mouvement à l'arrière du train et plus les personnages avancent et plus les cadres commencent à être plus travaillés, plus posés. Conscient des limites et des possibilités que lui offre le cadre du train, Ho redouble d'inventivité pour casser le rythme de la progression wagon après wagon. En résulte une fusillade lors d'un virage en montagne, et une baston qui vire à la boucherie dans le noir complet d'un tunnel, en mode vision nocturne. Certaines scènes sont d'une efficacité redoutable (le wagon école et la baston qui s'ensuit) et Ho offre parfois des moments de calme et de sérénité avec par exemple le wagon aquarium-restau Yakitori ou le jardin. Et même si parfois on sent l'influence de ses compères coréens (c'est dur ne de pas penser à Old Boy quand on voit un mec se fighter dans un couloir), Ho arrive quand même à apporter sa touche perso en faisant de ses acteurs fétiches (les coréens) les héros du film. D'ailleurs parlons brièvement du casting, hétéroclite et international, Chris Evans en tête, loin de Marvel et plutôt sobre dans son rôle, Jamie Bell en second rôle débordant d'énergie et surtout Tilda Swinton, complètement hallucinée dans un rôle assez ingrat de chef de train. Vous y retrouverez également John Hurt, deux trois acteurs vus un peu partout, que ce soit un ado de la série Skins ou le sosie du chanteur de Midnight Oil, l'acteur de Noi albinoi. Mention spéciale à Alison Pills, échappée de Newsroom en prof de classe portée sur les armes à feu et Ed Harris, qui écope ici d'un rôle très deus ex machina, du même niveau que celui qu'il interprétait dans The Truman show, à la fois figure bienveillante et créateur du chaos.
Snowpiercer ne restera définitivement pas comme un chef d'oeuvre de la science fiction, la faute à un script pas assez jusqu'auboutiste (était-ce faisable au moins ?) mais en tout cas c'est un métrage qui ne fait que confirmer tout le bien que l'on pensait de BJH, deux minutes de Snowpiercer mettant à l'amende la plupart des productions SF proposées cette année.
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