13Cine

13Cine

dimanche 9 février 2014

Robocop

Robocop de José Padilha
Genre : remake inutile
Sortie le 5 février 2014


Il y a des films qui dès leur mise en chantier, et l'annonce qui s'ensuit sur la toile, ressemblent déjà à des catastrophes naturelles sur pellicule. Robocop fait partie de cette catégorie. Comme si le Total recall de Len Wiseman n'avait déjà pas assez fait de mal au film original de Verhoeven, voici donc la deuxième partie de l'entreprise de destruction des mythes entreprise par Hollywood. Ajoutant sans vergogne sa pierre moisie au grand édifice des remakes inutiles, ce film est un échec complet, avec peu de choses, mais alors très peu, à en tirer. 
Pour oser prétendre être capable de refaire un Robocop en prenant pour modèle le film de Verhoeven, il faut déjà être particulièrement prétentieux, et être persuadé de pouvoir apporter quelque chose de nouveau, un regard neuf. Ce n'est pas simple, le film original, chef d'oeuvre de la Science-fiction, charge sauvage contre tout (les média, la Technologie, les force de l'ordre...) et qui ressemble à s'y méprendre à un film de chevalier contemporain soit dit au passage, n'a rien perdu de sa force ni de son impact et a installé son héros mécanique dans le panthéon du fantastique, aux côté du Terminator.  Et pourtant cela n'a pas empêché certaines personnes de valider le projet. Sur quels motifs, ça reste assez flou et dans quel but, ça c'est assez clair ==> $$$$. En plus avec les technologies actuelles il vont avoir de la gueule les robots en CGI, les gars !
La levée de boucliers n'a pas tardé sur la toile, chose assez normale me direz vous, au vu des premiers outrages subis par l'oeuvre de Verhoeven avec Total Recall 2012, et on se demandait qui allait être l'heureux élu qui allait avoir la chance d'avancer sur ce terrain miné qu'était alors le projet Robocop. Et le gagnant est : 
José Padilha. Ca a calmé, un temps, les gardiens du temple qui au vu des travaux du réalisateur (les deux tropa de elite) se sont dit qu'il pourrait très bien faire l'affaire s' il pouvait refaire un Tropa de elite et y mettre des robots, avec son style nerveux et tendu. On est naïf des fois quand même. Ensuite les premières rumeurs arrivèrent. La première : le film serait classé PG 13. Pour ceux qui ne connaîtraient pas le système de classification de censure US, le PG 13 correspond à un " tout public ". Soit le complet opposé du Rated R ( - 16 ans) dont avait écopé le film original (celui avec les amputations, les corps explosés etc...) et surtout la garantie de pouvoir montrer le film à tous. C'est beau l'altruisme. Le concept de Machine à tuer robotique dans un Detroit déliquescent étant difficilement compatible avec ce classement, ça a commencé à râler sévère sur le Net. Entre ce genre d'annonce et les rumeurs sur un Padilha les mains liées sur ce projet (gros paradoxe : on embauche un réalisateur parce qu'on aime son style mais bon ce serait bien qu'il fasse ce qu'on lui demande sans broncher, c'est mieux quand même), avouez que ça s’annonçait mal. Le coup de grâce est arrivé avec les premières photos montrant un Murphy en robocop NOIR sur une moto NOIRE. L'attente s'est muée en crainte, et on peux le dire maintenant, elle était justifiée.


Je vous disais plus haut qu'il n'y avait pas grand chose à sauver de ce film qui était déjà né sous une mauvaise étoile, celle du blockbuster lambda et sans intérêt. Commençons si vous le voulez bien par le scénario, aussi mou et nul que le Verhoeven était nihiliste et rentre-dedans. Si le film commence pourtant à peu près bien, avec une séquence de démo des robots flics en pleine intervention dans les rue de Téhéran, tout le reste du métrage affiche un manque constant d'enjeux et de points de vue, sans aucune prise de risque, là où Verhoeven tirait à boulet rouge sur la Société. Les gentils sont ici très gentils et les méchants sont pourris. Le scénario ajoute une famille niaise au héros, ce qui nous vaut de purs instants de mélo plus embarrassants qu'émouvants. Dans le Detroit de 2014, être criminel, ce n'est plus être tueur de flic, c'est être dealer au coin d'une rue. Chose assez étrange, le film est assez pingre côté action. A part une session d'entraînement dans un hangar vide et un climax tout pourri et mou à la fin, il y peu de vrai gunfight, et quand il y en a, c'est en vision thermique et en mode FPS. Entre chaque scène d'action, beaucoup de tunnels dialogués sur la Vie, la Morale, l'homme sous la machine, ce genre de considération qui tente d'insuffler vainement un peu de réflexion dans un film qui en manque cruellement. Un seul mot pour résumer le tout : inoffensif. Ou complaisant.
Autre gros point noir, la direction artistique. Il serait trop facile d'imputer toute la responsabilité de cet échec à Padilha. Si le film de 87 prenait place dans un Detroit glauque et flippant, où la menace et la mort étaient à tous les coins de rue, ce qui de facto justifiait la création d'un superflic pour nettoyer les trottoirs de la vermine, ici on se retrouve avec un Detroit aussi effrayant qu'un quartier de la Defense un dimanche, avec des caméras à tous les coins de rue, et dont ne ressent jamais les dangers. 
Petit aparté sur ces caméras, d'ailleurs, qui permettent de localiser et de tracer n'importe quel criminel avec adresse, numéro de téléphone etc...On se demande pourquoi Murphy est le seul policier à penser à utiliser ces caméras. 
Autre point négaif : le costume. Loin du gris métallisé de l'original, on se retrouve avec un Robocop noir. Pourquoi ? Pour apporter de la nouveauté sans doute, mais une autre raison, plus ambiguë, est évoquée au détour d'un dialogue entre Murphy et Lewis (devenu un afro-américain, en lieu et place de la femme flic chez Verhoeven), durant lequel ce dernier fait remarquer à son collègue qu'ils ont choisi la meilleure couleur pour l'armure. Black is the best colour...Petit détail sur l'armure, elle permet, rien qu'en regardant une photo ou une vidéo, d'évaluer le niveau d'anxiété ou de stress d'un être humain. Ingénieux sur le papier, tellement con à l'écran.
On passera sur le look improbable de Samuel L.Jackson, qui talonne Nicolas Cage dans le classement des gens qui portent bien la moumoute, et cette idée de génie d'aller planquer des laboratoires  sous des rizières en Chine. Si vous n'aviez jamais vu robocop courir dans une rizière et se gameler comme une otarie bourrée, allez y c'est énorme.


Seule chose à sauver de cette enfilade de conneries, un plan glaçant où Murphy au réveil demande à son créateur de lui retirer son armure, et découvre qu'il ne reste que de l'ancien Murphy un cerveau, une main et deux poumons.
Même l'ensemble du casting semble absent, entre Gary Oldman et Michael Keaton tout en grimace suivis de près par la tête à claque du Cinéma US, Jay Baruchel. Le rôle titre est interprété par Joel Kinnaman, mono-expressif même dans les rares moments d'émotion qu'est censé vivre son personnage. 
Que dire de la mise en scène de Padilha, si ce n'est qu'elle a du mal à s'exprimer librement, même si on retrouve quelques bribes de son talent, notamment lors de la séance d'entrainement, filmé en caméra portée,. Il n'est par contre pas du tout à l'aise dans les affrontements mécaniques de la dernière partie du film, où l'on peine à deviner ce qui se passe à l'écran ( robocop qui défouraille 3 bipèdes géants à mitraillettes). Ajoutez à cela un montage parfois défaillant, avec un sens de l'ellipse gênant (Plan de la voiture piégée qui tue Murphy. Plan suivant : le Doc qui explique à sa femme comment il vont le retaper) et vous aurez une idée assez nette des dégâts.
Le score est abominable, osant réorchestrer (et encore je suis gentil, ça sous-entend qu'on a utilisé des instruments pour cette daube) le thème inoubliable de Poledouris. 
Ca en devient vraiment fatigant de devoir subir à intervalle régulier ce genre de destruction du patrimoine fantastique, fait sans envie ni passion. Aussi je vous recommande de revoir l'original de Verhoeven, ressorti pour l'occasion avec plein de bonus passionnants, notamment une master class ou le maître ose affirmer que quand il l'a tourné il ne pensait pas filmer un brûlot aussi virulent et corrosif. Mouiii Paulo on te croit...en tout cas il doit bien rigoler face à ce genre de remake.



Souvenirs, souvenirs...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire