13Cine

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dimanche 27 avril 2014

States of Grace

States of grace de Destin Cretton
Genre : tranches de Vies
Sortie le 23 avril 2014


Tout auréolé d'un gros bouche à oreilles ultra positif suite à sa projection aux festivals de Deauville et Locarno, voici le film States of Grace qui sort en catimini pendant les vacances de Pâques, encastré entre les grosses comédies grasses De France et les Rio 2 sans intérêt.  Alors autant je ne suis pas particulièrement fan du film indé tendance Sundance approved, avec toute la hype que le label Sundance peut engendrer, autant lorsqu'un film labellisé " Cinéma indépendant US " aussi réussi arrive sur les écrans, je me dis qu'il serait vraiment dommage que vous le ratiez. On en ressort avec le même sentiment qu'à la sortie de The Spectacular now sorti en début d'année, la même impression d'avoir vu un film à la fois simple et complexe, tendre, terriblement dur et réaliste quant aux problèmes que rencontrent les protagonistes (l'alcoolisme adolescent dans le premier, la reconstruction après une enfance détruite dans States of Grace). Alors certes le film n'est pas exempt de défauts minimes, mais il réserve quelques beaux moments de grâce et d'humanité qui emportent le morceau.

Le film raconte les déboires de Grace qui encadre des enfants dits à problèmes, de tout âge, et qui voit un jour arriver Jayden, adolescente mystérieuse et agressive et qui va faire remonter chez Grace des souvenirs qu'elle n'était pas encore prête à affronter. La grande qualité de ce film réside dans l'absence totale de jugement ou de pathos envers les personnages du film, qu'ils soient éducateurs ou adolescents. Si l'on devine que la plupart des enfants qui sont dans cet établissement y sont arrivé suite à la destruction de leur foyer ou pire,  à de mauvais traitements et d'abus, à aucun moment la tristesse ou l'apitoiement ne se font ressentir. Ils sont dans cet endroit pour se reconstruire, pas pour s'apitoyer sur leur sort. Encadrés par toute une équipe d'éducateurs sur-motivés et compatissants, ils réapprennent à vivre en communauté, à se respecter et à se reconstruire avant de partir et retourner dans le monde extérieur. Chose étrange, il arrive qu'à certains moments on ait plus l'impression de regarder un documentaire qu'une fiction, avec la caméra qui se promène d'une chambre à l'autre. On fait la connaissance de Grace, éducatrice toute dévouée à ces jeunes, son fiancé Mason, et le nouveau, Nate qui découvre en même temps que le spectateur tout ce microcosme avec ses règles et ses petits instants de joie et de peine. Car tout n'est pas rose, Et l'arrivée de Jayden va tout dynamiter. Enfant abusée, elle va mettre Grace face à ses propres problèmes, qu'elle ne peut plus cacher à Mason, patient mais pas trop. Grace a beau vouloir aider tout le monde, elle en oublie qu'avant d'être une aide pour les autres, on devrait toujours commencer par soi, au risque de s'éloigner des gens qui nous entoure et supporte. C'est dans la relation Grace-Jayden que pèche un peu le film d'ailleurs, rajoutant à Grace un passé trouble qui n'était pas absolument nécessaire, on peut être assistant social pour enfant à problème sans forcément avoir été abusé. Heureusement pour nous, l'optimisme et la volonté de Grace reprennent très vite le dessus, et elle accompagne Jayden dans son envie de surpasser ses peurs et la crainte de son père. Si le sujet du film n'est pas des plus réjouissants, c'est encore une fois le traitement qui fait la différence. Chaque situation de crise, chaque conflit, qu'il oppose les enfants entre eux ou aux adultes, peut être désamorcé avec de l'humour, de la volonté et de la légèreté, à l'image de la partie de base-ball qui dégénère en baptême du feu pour Nate, peu habitué aux conflits. Même les situations un peu too much en fin de film (la visite au père de Jayden) sont désamorcées par une ironie et un humour bienvenus. 


SI le titre original du film était Short term 12, nom donné à l'établissement où sont encadrés les enfants, le titre final, States of Grace donc, convient beaucoup mieux au métrage. Non seulement il fait assez intelligemment référence aux différents états d'esprit que traverse Grace tout au long du film, mais il fait aussi référence aux différents états de grâce que traverse le film. Entres purs moments d'émotion (le discours de Mason chez ses parents adoptifs), instants de tendresse et de compassion (la petite girafe de Sammy) et moments indescriptibles de bonheur et d'énergie avec le traditionnel sprint matinal de Sammy sur la pelouse du centre, avant de finir, hilare, dans les bras de Grace et Mason. 


Si le fond et la forme du film contribuent beaucoup à la réussite du film, on ne peut pas passer sous silence la grosse révélation du métrage, Brie Larson. Déjà aperçue dans Scott Pilgrim, et surtout dans The Spectacular Now, où elle jouait tout en subtilité le rôle le plus ingrat du film. Dans States of Grace, elle illumine chaque scène, chaque plan, parfaite dans ce rôle d'éducatrice volontaire et toute dévouée aux enfants, compréhensive mais sévère quand c'est nécessaire, enfant grandie trop vite et mère de substitution pour tous les jeunes. Autour de Brie Larson on retrouve John Gallagher Jr (Newsroom) en fiancé et collègue de Grace, aussi patient et compréhensif avec elle qu'avec les enfants (émouvante scène de rap exutoire), et Beatrix Stephanie, échappée de Brooklyn 99

C'est cet assemblage de petits instants de bonheur, de joie et de tristesse, d'humanité qui rendent le film très attachant. On en ressort avec un grand sourire (la dernière scène est un concentré d'optimisme et de bonheur) et avec l'impression d'avoir eu la chance d'avoir vu un film rare et lumineux. 



mardi 15 avril 2014

Computer chess

Computer chess de Andrew Bujalski
genre : g33k power
Sortie le 9 avril 2014



Lors de la sortie de You're next en septembre dernier, je vous avais parlé du mouvement mumblecore, mouvement dont était issu le réalisateur. Tendance cinématographique arty visant à produire des films à moindre coût, avec les moyens du bord, elle a permis à quelques réalisateurs de se faire connaître dans des festivals tels que SXSW, ou bien encore Sundance. Parmi ces réalisateurs, on trouve Andrew Bujalski, trois films à son actif, et dont le dernier est désormais visible au Cinéma. Chose étonnante, plutôt que de proposer une fiction contemporaine comme ses camarades, Bujalski nous propose un voyage dans le temps, et plus précisément dans les années 80. 
Direction donc, le début des années 80, dans un motel minable au fin fond des Etats-Unis, où chaque année se déroule une compétition de développeurs de jeux d'échec sur ordinateur. Rassemblement de geeks à tendance no life ++ avec une petite touche de paranoïa (une bien belle époque pour ça, les 80's aux USA), cet événement doit composer cette année avec un autre rassemblement dans le même motel, une thérapie de groupe pour couples en difficulté. Ou comment faire cohabiter deux univers qui ne devraient jamais se rencontrer.


C'est sur ce postulat que Bujalski va mettre en scène un docu-fiction qui fleure bon le kitsch et le rétro. Pour cela il a recours à de bonnes vieilles caméras video analogiques noir et blanc, conférant un style vintage à l'ensemble du film. Filmant au plus près les participants de ce concours improbable, compétition d'égos et de PC oldschool, le style documentaire ne laisse qu'à de très rares occasions place à la fiction, lorsque par exemple les participants cessent de s'affronter et regagnent leurs chambre, ou celle de leur voisin d'ailleurs. Et c'est cet aspect parfois surréaliste qui donne un coté touchant à l'ensemble du film. Le geek, par définition et dans les pires clichés, est souvent raillé pour son côté extrême dans ses passions et ses avis. Prêt à s'enflammer pour un rien dès qu'on ose critiquer sa configuration de PC ou son côté je sais tout, dans le film de Bujalski c'est un personnage qui semble avoir toute la sympathie du réalisateur qui, s'il ne rate jamais une occasion de montrer le coté franchement asocial et sexuellement éteint du Nerd hard core (et il y a de beaux spécimen dans ce tournoi, grosses lunettes et chemise rentrée dans le futal inside), finit toujours pas le définir au final comme une personne qui, bien qu'ayant souvent  l'impression de passer son temps avec des gens qu'il considère comme lui étant inférieurs ou inintéressants, il n'en recherche pas moins la reconnaissance. Un des plus beaux exemple du film est Pete, jeune geek fasciné par l'IA et qui ne trouvera le sommeil que lorsqu'il aura triomphé de la machine, et l'aura montré au monde entier. Autour de cette communauté de jeunes no life nous découvrons d'autres personnages tout aussi perdus mais plus attachés à des sujets plus terre à terre, à l'image de l'impayable Mr Papageorges, membre du jury de la compétition et sans chambre fixe, looser en chemise col pelle à tarte qui semble vivre l’événement de très loin. 


A l'opposé de cette bande de futurs Bill Gates dissertant parfois très justement sur ce que deviendront plus tard les PC et l'utilisation avec excès qu'il en sera fait, on trouve la deuxième convention : l'aide aux couples en difficulté. Son intérêt est assez limité dans le film, elle ne sert qu'à mettre en exergue le coté communautariste et exclusif des participants, et provoquer quelques rires lorsque ces deux univers se rencontrent, avec Pete par exemple, gringalet binoclard embarqué malgré lui dans un plan à trois très MILF avant l'heure ( " le un veut devenir deux, le deux veut ne faire qu'un, et le deux attend le trois"...tout un programme dans cette mantra baragouinée par une quinquagénaire et son mari) dans une chambre d’hôtel creepy glauque
Même si au final on se contrefiche de savoir qui a gagné, il en ressort l'impression d'avoir assisté à une exhumation (que l'on sait fausse néanmoins) d'une tranche de vie des début de l'Informatique, où l'on prédisait qu'un jour l'IA pourrait devenir autonome et plus intelligente que l'homme, où les PC pesaient quinze tonnes et où un ordinateur capable de jouer aux échecs apparaissait comme le Saint Graal de la technologie. Le grand écart avec la technologie actuelle n'en est que plus flippant.


lundi 14 avril 2014

Noé

Noah de Darren Aronofsky
genre : fresque et fantaisie
Sortie le 9 avril 2014



Depuis son dernier film en date, Black Swan, on était resté sans nouvelles de Darren Aronofsky. Entre fausse rumeurs et vrais loupés (il fut rattaché aux projets Wolverine : le combat de l'immortel avant que Mangold ne s'en occupe et Robocop, récupéré au final par Padilha), on se demandait comment le réalisateur des cultissimes Pi et Requiem for a dream allait rebondir. C'est chose faite et c'est en salle depuis début avril. Adaptation de la vie d'un des personnages emblématiques de la Bible, Noé, le film se pose en fresque à la fois intimiste et spectaculaire, tout en n'oubliant pas de prendre quelques libertés avec l'oeuvre originale, si l'on peut l'appeler ainsi. Passons outre les polémiques soulevées pas le film, notamment dues au contenu du métrage (pour plus d'explications sur cette affaire c'est par ici) et concentrons nous sur le film en lui même. 
Avant de commencer, faisons un petit récapitulatif de ce que l'on sait presque tous de l'histoire de Noé. Homme descendant de Adam, marié et père de trois enfants, il est choisi par Dieu qui, excédé par les hommes et leurs égarements, décide de les noyer sous un déluge et demande auparavant à Noé de construire une Arche dans laquelle se réfugieront sa famille ainsi qu' un mâle et une femelle de chaque espèce vivante sur terre. Après le déluge purificateur et 40 jours de pluie, l'Arche échoue sur le Mont Ararat et Noé libère les animaux pour qu'ils puissent repeupler la terre.


Voici les grandes lignes de l'histoire, qui auraient pu remplir un film épique en bonne et due forme. C'est compter sans le zèle d'Aronofsky qui y ajoute absolument tout ce qui peut y être ajouté, un méchant pour commencer, plusieurs histoires d'amour, des anges déchus, et Anthony Hopkins. Si le scénario a de quoi faire hurler n'importe quel religieux extrémiste (cf: les polémiques citées plus haut), on ne peut pas dire que cela choque beaucoup en fin de compte. Si certains aspects du scénario paraissent effectivement cousus de fil blanc et ne devant leur existence qu'à un besoin de faire avancer l'intrigue et de relancer l'action en deuxième partie de métrage (la romance de Cham, tuée dans l'oeuf et moteur secondaire de l'intrigue), d'autres sont sous-exploités et plus frustrants, à l'image des personnages de ToubalCain, antagoniste complet de Noé, qui ne semble être là que pour mettre des bâtons dans les roues de ce dernier et prendre la place du vil tentateur, corrupteur d'un des fils de Noé, ou bien encore Mathusalem, le grand-père de Noé, interprété par Hopkins qui cachetonne tranquille pépère, et présent pour filer un coup de main à son petit-fils pour bâtir l'Arche ou à quatre pattes dans les bois pour se faire un panier de baies sauvage avant le Déluge. Ajoutez y des Anges déchus venus aider Noé pour la manutention et vous aurez un aperçu de la première heure. Le film peut d'ailleurs se diviser en trois parties distinctes : la première que l'on pourrait qualifier d'antédiluvienne, durant laquelle Noé, hallucinations à l'appui, reçoit les signes et consignes de Dieu concernant la mise en place de l'Arche et la convoitise qu'elle créé chez les hommes sauvages, la deuxième, plus courte car concentrée sur le déluge et la mise à flot de l'Arche et enfin la troisième, l'exode sur les mers, où l'on découvre la face cachée de Noé, plus sombre et moins clairvoyant qu'il ne l'a laissé croire. C'est cette troisième partie qui tire un peu en longueur, le spectaculaire de ce qui a précédé constituant en soi un climax, et les tensions du dernier acte sont très (trop) vite évacuées, on y reviendra plus tard d'ailleurs.



Là ou le bât blesse par contre, c'est dans la mise en scène d'Aronofsky. On en avait déjà eu un aperçu dans Black Swan : la finesse et la subtilité, ce n'est pas son point fort. Lorsque Portman voulait devenir le Cygne Noir, Aronofsky ne faisait pas de chichis, il nous la montrait en train de métamorphoser en cygne. Subtilité, toujours. Or, les aventures de Noé, de par leurs statut de récits bibliques à forte teneur en Symbolique, sont une mine pour Aronofsky. Et il n'y va pas par quatre chemins. Entre la colombe de la paix (présente dans les récits originaux, il faut le savoir) qui passe au ralenti lors d'une réconciliation entre les personnages, et le sang de la terre que foule Noé, Aronofsky se lâche, jusqu'au dernier plan final, avec un arc en ciel irradiant l'écran au dessus du premier mariage de l'histoire du nouveau Monde. Aronofsky alterne entre bonnes idées de mise en scène (l'arrivée des oiseaux est aussi spectaculaire qu'insérée intelligemment dans le récit) et matérialisations de concepts mythologiques pas toujours heureuses. Et parce qu'une image vaut mieux qu'un long discours, voici le croisement improbable entre un Transformer et un rocher volcanique.

                                                          ceci est un ange déchu


Autre point noir, Aronofsky se repose beaucoup (trop ? ) sur l'ellipse. Si elle est plutôt bienvenue dans la première partie (les Transformers aident Noé à construire l'Arche en un temps record, on arrive assez rapidement au clou du spectacle, du coup), elle frôle parfois l'incohérence dans le dernier acte, où les neuf mois d'une grossesse pas heureuse semblent filer à une vitesse record, neuf mois durant lesquels Noé ne réalise absolument pas qu'il y a un passager clandestin. Une Arche, pas Versailles...
Si l'on peut trouver couillu le choix de mettre en scène un récit biblique avec un personnage finalement assez peu représenté au Cinéma, et si l'on ne cherche pas après le film à pointer du doigt toutes les incohérences et raccourcis vis à vis du matériau original (allez sur wikipedia, on se perd dans les dates et les personnages), le film arrive à jongler assez sobrement entre grandes envolées épiques (le déluge est spectaculaire et violent, les anges étant aussi de farouches gardiens qui dégomment de l'homme par paquet de douze) qui laissent entrevoir une réelle capacité chez Aronofsky à filmer des blockbusters (son Wolverine aurait eu de la gueule à mon avis) et ambiances plus intimistes, avec les discussions à fond de cale dans le dernier acte. On attend juste un peu moins de lourdeur dans la mise en scène et l''illustratif, un beau livre d'images de fin du monde ne fait pas encore un film.

vendredi 4 avril 2014

Her

Her de Spike Jonze
Genre : comédie dramatique
Sortie le 19 mars 2014



Découvert par le grand public en 1999 avec le surprenant et délirant Dans la peau de John Malkovich, Spike Jonze, qui officiait avant en tant que metteur en scène de clip, pour Bjork par exemple,  n’est pas ce qu’on pourrait appeler un stakhanoviste de la caméra. Quatre films à son actif, le premier Being John malkovich,donc, ensuite vient Adaptation avec Meryl Streep et, il y a déjà quatre ans, l’adaptation cinématographique de l’œuvre de Maurcie Sendak  Where the wild things are, Max et les maxi monstres en français. Si dans son quatrième film, Her,  on retrouve quelques thèmes chers à Jonze (des gens ordinaires à qui il arrive des choses extraordinaires, pour n’en citer qu’un), on se rend très vite que l’on est face au film le plus lumineux et optimiste de son réalisateur, pour ne pas dire le plus humain. 


Dans un futur pas si lointain, nous faisons la connaissance de Théodore (Joaquin Phoenix, tout en retenue et arborant une belle moustache), en instance de divorce et employé dans une société qui propose de rédiger des lettres d’amour / remerciement / autre à la place des gens qui auront payé pour ce service.  Entre soirées remplies de solitude, de dirty talk téléphonique et de jeux vidéo next gen, Théodore traîne son spleen dans la métropole froide qu'est Los Angeles. Jusqu’au jour où il acquiert une OS, Samantha, et c’est le début d’une relation hors norme. 
Si le sujet pouvait laisser sceptique et entrevoir un film glauque et déprimant (on parle quand même d’un être humain triste comme un teckel qui s’entiche d’une IA qu’il ne verra jamais), le film de Jonze se pose en parfait contrepoint de cette hypothèse. Les premières scènes placent immédiatement le contexte. L’action a beau se passer dans un futur proche, on n'a aucun mal à imaginer que l’histoire pourrait très bien prendre place de nos jours.  Open spaces froids et désincarnés,  foules anonymes clouées à leurs smartphones,  et styles vestimentaires rétro. Et dès lors que l’on fait la connaissance de Théodore, employé sans éclat, solitaire mais pas seul, l’empathie se créée immédiatement. Jonze arrive dès le début à montrer du doigt le mal de la société moderne : la Solitude. Solitude sociale (rames de métro remplies de foules silencieuses), solitude sexuelles (dirty talk comico-pathétique au téléphone),  et servitude aux nouvelles technologies avec ces jeux vidéo qui insultent le joueur.  Et dès que Théodore fait la connaissance de Samantha, tout ce monde froid et désincarné vole en éclat. Car Samantha va réveiller Théodore, au sens propre comme au figuré et découvrir, elle aussi, un nouveau monde, Samantha étant une OS en constante évolution et construction, avec une soif de connaissance quasi infinie. Dès qu’elle entre en scène, le film devient alors lumineux et plus chaleureux, éblouissant comme un soleil qui aurait toujours été présent mais que Théodore aurait fini par oublier (cf : la scène à la plage, ou Théodore court dans les escaliers du métro pour débouler, ébloui, sur une plage bondée). Sortant le personnage principal d’un coma social dans lequel il s’était trop confortablement installé, Samantha va lui faire redécouvrir le monde, et réveiller des sentiments qu’il ne pensait plus pouvoir connaitre. Et c’est ce thème du retour à la vie et l’amour qui fait doucement glisser le film dans la catégorie des feel good movies.  Samantha a le bonheur et l’euphorie communicatifs et Jonze met en scène des scènes remplies de joie et de complicité entre un homme et son OS, à l’image de la séquence où Théodore se fait balader en aveugle par Samantha dans la ville redevenue soudainement pleine de vie, débordante de couleurs et d’énergie. C’est elle qui va également supporter Théodore dans épreuve de la clôture de son divorce, et le pousser à faire son deuil de la relation avec sa femme. La complicité entre Théo et Sam est telle que l'on oublie parfois qu’elle n’est qu’un programme, uniquement là pour accompagner son utilisateur.  Bercé par la bande originale composée par Arcade Fire, le film pourrait ne jamais se finir et laisser Théodore finir ses jours avec Sam, entre disputes et réconciliations, entouré de son amie Amy et de son collègue marié, compréhensifs et tolérants . Mais en début de dernier acte, un retournement de situation va très justement changer la donne et faire éclater en morceaux la romance du personnage principal . En un sens la révélation n’en est pas une, elle fait même preuve d’une certaine logique, mais preuve qu’encore une fois l’empathie et l’identification a fonctionné, car à l’instar de Théodore on accueille la nouvelle avec une certaine tristesse. Jamais une mise à jour d’un programme n’aura été aussi émouvante. Et si la voix de Samantha s'éteint en fin de métrage, c'est pour mieux laisser Théodore s'assumer seul, faisant la paix avec son ex femme et se rapprochant de son amie Amy, elle aussi amie avec une OS, pour la retrouver sur le toit d'un immeuble à attendre qu'une nouvelle journée commence. 
Comédie romantique ou fable remplie de poésie urbaine, le film de Jonze insuffle une bouffée d'air frais et d'optimisme, à la fois tendre et cruel, idyllique mais toujours juste dans sa description d'une relation amoureuse sincère mais impossible, qu'elle puisse inclure un homme, une femme ou une IA candide et naive.

Le petit cadeau qui va bien

mercredi 2 avril 2014

Real

Real de Kiyoshi Kurosawa
Genre : fantastique
Sortie le 26 mars 2014


Deuxième film de Kurosawa en moins d'un an après le diptyque Shokuzai, il permet au réalisateur de revenir à un des genres qu'il affectionne le plus, le fantastique, auquel il ajoute quelques thèmes qui lui sont chers comme la culpabilité et les relations humaines, qu'elles soient sentimentales et / ou destructrices.  Kurosawa opte ici pour un fantastique aux allures d'anticipation, de par les dispositifs employés par les personnages pour communiquer. Adaptation du roman A Perfect Day for Plesiosaur de Rokuro Inui, le film raconte comment Koichi, jeune tokyoïte, tente de réveiller sa dulcinée Atsumi, dessinatrice de mangas, plongée dans un profond coma après une tentative de suicide, en utilisant une machine capable de relier par l'esprit deux individus proches. Entre visions d'effroi et culpabilité, Koichi va tout tenter, quitte à perdre pied avec la réalité. 
Le thème de la machine à rêve a déjà été maintes fois utilisé au Cinéma et dans des œuvres toutes plus différentes les unes que les autres. Au hasard Paprika de Satoshi kon (une des meilleures illustrations en animation de ce que peut être un rêve ou un cauchemar), The cell de Tarsem Sigh et ses visions de cheval découpé en lamelles, ou bien encore dans un registre plus récent Inception de Christopher Nolan. Mais contrairement à ces films qui misent beaucoup sur le côté spectaculaire que peuvent avoir les rêves et pensées de tout un chacun, le film de Kurosawa offre une vision plus réaliste, plus ancrée dans la réalité, et c'est d'ailleurs ce qui fait marcher le récit, du fait que Koichi ne parvienne plus à discerner le réel de ce qui ne l'est pas. Et même si Kurosawa se permet parfois quelques petits effets horrifiques avec les apparitions des dessins de Atsumi dans le réel ou les visages fantomatiques avec l'enfant trempé, on finit comme Koichi par se demander dans quel niveau de réalité se passe l'action. Le fantastique discret est ici beaucoup efficace au vu du sujet, il est avant tout question d'un homme amoureux qui souhaite retrouver / réveiller sa compagne, compagne qui semble assez distante et peu encline à revenir, mais tout devient très clair en milieu de métrage, grâce à un joli retournement de situation.


Et oui, le film de Kurosawa est un film à twist. Je ne vais pas vous le spoiler mais il fait partir le film dans une autre direction, à base d'enquête sur des secrets d'enfance enfouis sur une île et de culpabilité enfantine. D'ailleurs il faut l'avouer la deuxième partie est beaucoup plus rythmée que la première qui prend parfois trop son temps pour nous montrer ce couple qui communique par connexions intermittente. La deuxième partie est d'ailleurs beaucoup plus explicative, on comprend d'où viennent les gens sans visages et le petit enfant trempé, et fait apparaître l'animal cité dans le titre du roman, un plésiosaure donc, représentation monstrueuse d'une culpabilité qui ronge le personnage principal. 
Si le film arrive assez facilement à nous faire croire a cette histoire de rêve partagé et d'amour au delà de la mort, on pourra reprocher à Kurosawa de parfois insister lourdement sur la symbolique de la Mort, le Grand Départ (le bateau qui emmène les morts, pas besoin de vous faire un dessin), et de se permettre quelques petits raccourcis bien pratiques mais qui ne sont jamais vraiment exploités (comment la toubib arrive t-elle à interpréter le visage inexpressif d'un des personnages principaux ? ). 
En comparaison avec son précédent métrage Shokuzai, Real apparaît cependant comme une oeuvre plus lumineuse et optimiste, elle partage avec Shokuzai le thème de la culpabilité cher à Kurosawa et il faudra par contre être patient avec le film, la deuxième partie du film vaut le coup d'attendre une heure avant le retournement de situation.

lundi 31 mars 2014

The walking dead saison 4 Part 2.

The walking dead, Saison 4, épisode 9 à 16


Previously on AMC's The walking dead : 
Rick et sa bande, réfugiés dans leur pénitencier-potager-foyer infectieux tentaient de combattre la maladie qui décimait leurs rangs. Carol, prof d'auto-défense pour les juniors avouait à Rick avoir tué des malades potentiellement contagieux, ce qui lui valut de se faire jeter comme un pneu crevé par Rick dans une ville déserte. En fin d'épisode 8, le Gouverneur, ordure revancharde, les trouvait et donnait l'assaut sur la prison, avec l'aide de sa petite armée et de son tank. Tuant au passage Hershel, il finissait par affronter à main nue Rick pendant que les amis de ce dernier prenaient la fuite, mais pas tous au même endroit, créant différents groupes éparts (Daryl / Beth , Glen, Maggie et ses comparses, Tyrese avec Micah et Lizzie). Alors que Rick manquait de se faire massacrer par son assaillant, Michonne déboulait et tuait Le Gouverneur. Rick  prenait la fuite avec son fils, loin de la prison.


Fuite forestière
Voilà, le décor est posé pour la suite. Je vous avais parlé, par ici, de ce que je pensais de la série depuis un petit moment. Pour faire court, la construction de chaque saison est systématiquement la même depuis trois saisons, un Pilot suffisamment rythmé et intéressant pour attirer l'attention, un ventre mou jusqu'à la pause de Noel (on finit d'ailleurs l'année avec un épisode moins mollasson que le reste, pour la saison 4 c'est l'assaut sur la prison), et puis reprise à deux à l'heure pour finir en beauté au dernier épisode. Ajoutez à cela une sorte de non action permanente et des zombies, un peu aussi, parce que sinon ça ne s'appellerait pas The walking dead...

Pour tout vous avouer, suivre la série devient de plus en plus difficile. Je suis pourtant très indulgent, j'ai regardé toute la première saison de Bates Motel, et dans le genre mou et sans intérêt ça se posait là, mais là on atteint une sorte de point de non-retour. Ce qui est surprenant, c'est de trouver au poste de producteur Robert Kirkman, auteur de la bande dessinée originale, tant on s'éloigne de tout ce qui faisait le sel de l'oeuvre originale. Adapter un comics c'est bien, et prendre des libertés avec, ça peut avoir de bons côtés, le comic n'étant pas exempt de défauts, mais là ça vire au grand n'importe quoi, tant sur le fond (l'adaptation) que sur la forme. Premier point noir : l'écriture. Si la première partie de la saison limitait la casse à ce niveau, tous les personnages étaient concentrés dans une même unité de lieu, le pénitencier, dans la deuxième partie l'assaut final les a éparpillé aux quatre coins de la région. Les scénaristes n'ayant semble t-il jamais eu à gérer plusieurs unités de temps et de lieux séparés, dès le 4x11 on se rabat tranquillement sur le bon vieux système de l'épisode centric. un épisode sur Daryl et Beth, un épisode sur Glen et Abraham, un épisode sur Rick et son fils. Et ils ne sont pas tous passionnants. 
Pour commencer la reprise, on retrouve Rick et son fils Carl (prononcez Corl) qui fuient à la recherche d'un refuge. Rick passe tout l'épisode à comater et l'épisode est centré sur Carl qui explore les maisons du voisinage, profitant de l'état catatonique de son père pour lui faire des reproches et bouffer des glaces. Scènes de reproche qui permettent aux scénaristes de glisser ni vu ni connu un aveu de leur part concernant l'intérêt parfois nul de la première partie de la saison (Carl qui en arrive à reprocher à son père d'avoir privilégié son potager plutôt que de s'occuper des autres survivants). L'épisode est plutôt calme et met en avant un des  personnages les plus intéressants de la série, Carl, gamin qui grandit trop vite et trop près des armes à feu. On se dit que quand même que ca va être mieux, que ca va se réveiller...
Que nenni.
On repart encore et toujours sur des sentiers que l'on ne pensait plus emprunter, à base de scènes de flashbacks sans intérêt (les deux zombies sans bras de Michonne sont son mec et son pote d'avant l'épidémie. Essentiel à l'intrigue en effet) et de subtilité aussi fine que le katana de Michonne (elle croise sa version zombifiée en marchant parmi les morts sans se faire remarquer).



La suite n'est guère mieux.
Je n'ai rien contre le fait de prendre des libertés avec la bande dessinée, si ça peut amener un peu de renouveau à la série. Mais certains choix me laissent dubitatif. Dans la BD, Tyrese se faisait dérouiller et démembrer par le gouverneur lors de l'assaut sur le pénitencier. Ici, il est épargné est se promène dans les bois avec deux gamines et...le bébé de Rick, miraculeusement sauf (à quel moment l'a t-il ramassé ?...). Comment transformer un personnage badass en baby-sitter des bois. En chemin il tombe sur Carol, qui je vous le rappelle avait été larguée loin (arf, arf, arf) du pénitencier pour cause d’assassinat des copains de Tyrese, justement. Et ça continue à se promener dans les bois en suivant la voie ferrée vers le Terminus, destination sécurisée semble t-il. D'où sort Carol d'ailleurs ? Ce n'est jamais expliqué par la suite.



Même constat pour Daryl et Beth, ado tête à claque. Si on est un peu dégoûté pour Daryl de s'être barré avec la personne la plus horripilante du groupe, on l'est encore plus du traitement qui lui est réservé. C'est simple, il est sous exploité, ayant trois mots par épisode et franchement on en vient à se demander si, à l'instar de Michonne, il n'est pas laissé en vie par les scénaristes uniquement pour pouvoir assurer le quota de fracassage de têtes zombifiées. L'épisode 12 est particulièrement embarrassant à regarder, avec Beth tentant de dérider Daryl le taciturne, convaincue qu'ils ne sont pas les seuls survivants du groupe. Et pour le détendre une seule solution : se mettre une caisse (une première pour elle) et jouer à action ou vérité. 45 minutes de bavardage adolescent et de psychologie de comptoir. L'humanisation par la biture c'est un choix comme un autre.


C'est ce qui plombe cette série d'ailleurs, cette tendance au bavardage et au remplissage, en dissertant sur comment c’était bien avant, c'est pas l'espoir qui nous tient éveillé, c'est la peur etc...et toujours en balade dans les bois.
Parlons du reste du groupe, avec l'autre personnage intéressant de cette saison : Maggie, la fille de Hershel, qui ne souhaite qu'une chose, retrouver Glen, aidée par Sacha et Bob, se dirigeant finalement aussi vers le Terminus. Glen qui d'ailleurs réussit à s'échapper du pénitencier en compagnie d'une des alliées du gouverneur qui a changé de camp. Glen et Maggie sont le duo le plus touchant à suivre, prêts à affronter tout et n'importe quoi pour pouvoir se retrouver. Ils font preuve de plus d'énergie que tout le reste du casting réunis.

Those who arrive, survive
Et là vous vous dites, mais pourquoi continuer à regarder alors ?  Tout d'abord parce qu'en fin d'épisode 10 apparaît Abraham, personnage ultra charismatique interprété par le non moins charismatique Michael Cudlitz (vu notamment dans Band of brothers ou la méconnue Southland). Ancien militaire et leader né, son passé est assez obscur et le personnage sera développé plus tard, mais il apporte du sang neuf et un regain d'intérêt pour la série qui en a vraiment besoin.


Ensuite, le rythme s'accélère en fin de saison, avec l'épisode 14, qui ose clore la storyline Tyrese / Carol / Micka / Lizzie de manière brutale et sèche, qui tranche radicalement avec la mollesse qui a précédé. Et ce n'est pas le jeu approximatif de l’interprète de Lizzie qui atténuera la force de l'épisode qui prouve que quand il le veulent vraiment, les scénaristes savent écrire de vraies scènes avec de l'émotion dedans, le personnage de Carol se faisant au passage un revival brutal de la mort de sa fille en fin de deuxième saison.
L'épisode 15 nous permet de retrouver Abraham, Eugene et leur amie en route vers Washington, ainsi que Glen qui ne désespère pas de retrouver sa bien aimée. On a des nouvelles de Rick, Michonne et son fils...eh bien, qui marchent encore et Daryl est intégré à la bande (la Horde pour les connaisseurs de la BD) qui avait tenté de récupérer la maison dans laquelle s'étaient réfugiés Rick, Carl et Michonne.
Et comme d'habitude on passe la 3ème voire la 4ème avec le season Finale qui permet de mettre fin aux errances de Daryl et les membres de la Horde qui ne sont que de vils violeurs d'enfants (leur arc narratif n'aura pas duré longtemps cela dit), de réunir, du coup, notre trio gagnant et le taciturne pro de l'arbalète et de tous les faire arriver au Terminus où les attendent encore plein d'ennuis, mais ils y retrouvent Glen et Abraham, et comme le dit si bien Rick en teaser de la saison 5, en pensant à ses nouveaux geôliers :
" They're screwing with the wrong people "



Je vous disais que ce qui tirait la série vers le bas c'était son rythme en dent de scie qui rend la plupart des épisodes pénibles à suivre. C'est sans compter l'autre gros point faible de cette saison : l'absence totale de logique et de cohérence, qu'elle soit narrative ou géographique
Aberrations narratives pour commencer avec l'impression que les scénaristes ont plein de choses à raconter, et qu'ils ont vraiment envie de prendre leur temps pour y parvenir, mais qu'arrivés à l'antépénultième épisode, ils se rendent compte qu'il va falloir passer la seconde sous peine d'avoir des storylines non résolues pour le début de la saison suivante. Du coup on rassemble tout le monde n'importe comment, et c''est flagrant avec l'épisode 15 avec la storyline Glen / Maggie, avec ces derniers qui se retrouvent comme de par hasard au fond d'un tunnel. On dit au revoir à Abraham, content de t'avoir connu mec, bonne chance à DC...on se perd dans le noir et ho, Maggie ! Mais qu'est ce que tu fais là avec Abraham (??)
Quand je parlais d'accélération de l'action en fin de saison, elle prend la forme d'incohérences et de comportements parfois étranges de la part des personnages. Par exemple, Glen et son amie veulent retrouver Maggie, ils se retrouvent à l'entrée d'un tunnel noir d'où proviennent des hurlements de zombies. Et bien plutôt que de contourner, on y va parce que " Maggie est forcément passée par là ". Oui, pourquoi pas...Deuxième point d'interrogation, d'où sort Carol qui s'était faite mettre à l'écart il y a de cela 4 ou 5 épisodes ? Qu'a t-elle fait durant son exil qui justifierait un retour aussi soudain ? On la retrouve au détour de cette fameuse voie ferrée que tous les personnages suivent en direction du Terminus, que l'on découvre en fin d'épisode 15 en même temps que nos héros, qui ne se méfient pas une seconde de découvrir un endroit aussi accueillant. Ils ont déjà tous oublié Woodbury et le gouverneur.
Et bien entendu toujours cette impression que bien que séparés par la distance et les ennuis, les personnages ne sont jamais bien éloignés les uns des autres, tout occupés qu'ils sont à se balader dans les bois, à tirer des coups de feu que personne ne semble entendre, et suivre LA voie ferrée qui mène au Terminus. C'est d'autant plus pratique dès lors qu'il s'agit de presque tous les réunir en fin de saison, je dis bien presque car à la fin de l'épisode 16, on est sans nouvelles de Carol, Tyrese, Beth...


La saison 4 se clôt sur une belle promesse d'affrontement entre la team Rick et les habitants du Terminus dont on devine les penchants au détour d'un travelling et il faudra désormais attendre Octobre pour en savoir un peu plus sur Abraham, comment la team Glen s'est faite chopée par les mêmes individus qui on piégé Rick, que sont devenus Carol, Super nanny et Beth, et voir quelles autres surprises nous réservent Kirkman et ses compères.

jeudi 27 mars 2014

Captain America : Le soldat de l'hiver

Captain America : The Winter Soldier d'Anthony et Joe Russo
Genre : Avengers 1.3
Sortie le 26 mars 2014



Presque un an après Iron Man 3 et quatre mois après Thor 2, voici le troisième volet de la phase 2 du projet Avengers de la Marvel. Le premier volet des aventures de Steve Rogers, alias Cap' America, sorti en 2011 avait laissé le public quelque peu dubitatif. Pas aussi spectaculaire qu'Iron Man, plus crédible que Thor le dieu d'Asgaard et moins tourmenté et destructeur que Hulk, le personnage de Cap'Am' apparaissait au final comme le plus humain de tous les avengers. Super soldat génétiquement modifié, il affrontait dans son film l'Hydre, groupuscule nazi ayant pour objectif, assez original il faut l'avouer, d'asservir le monde. Obligé de se sacrifier pour sauver le monde, il était sorti des glaces du Pole Nord par le SHIELD afin d'intégrer l'équipe des Avengers dans le film éponyme. Pour en revenir à son film, si le fond était plutôt sympathique, la forme, même si plutôt bien filmée par Joe Johnston, donnait franchement l'impression de regarder un épisode pilote de série tv sans suprises, sachant qu'on allait retrouver Rogers dans les avengers l'année suivante. Quid alors de ce nouveau volet ?

Tout d'abord on attend le film avec une méfiance assez légitime. En effet, Avengers avait placé la barre assez haut, à la fois sur le fond (Whedon avait su trouver le parfait équilibre avec tous ses héros) et la forme (le film était spectaculaire et très rythmé, sans oublier d'être drôle). Il avait servi de clôture à la phase 1 du projet Avengers. La suite est moins glorieuse, avec un Iron Man 3 poussif et paresseux et un Thor 2 sans enjeu ni intérêt. Seule raison d'exister de ces deux films, laisser quelques pistes et indices pour le Avengers 2 en attendant le retour de Stark et Thor dans celui-ci. Avant Guardians of the Galaxy de James Gunn, voici donc le retour de Captain America, dont les aventures prennent place après Avengers. On le retrouve au service du SHIELD, toujours dirigé par Nick Fury, et assisté dans ses missions par Black Widow, espionne russe repentie. Mais ce que Cap'Am' ignore, c'est qu'une conspiration avec de vieux ennemis est en marche, dont un des membres est une vieille connaissance. Voilà pour les grandes lignes du récit.
Alors autant le dire tout de suite, si on est loin des désastres IM3 et Thor 2, le film a quand même quelques défauts qui l'empêchent de devenir un grand film d'action de la trempe du film de Whedon.  Cependant il a pour lui quelques qualités qui le rendent plus sympathique à suivre qu'un Thor 2. A commencer par une modestie dans les ambitions affichées. Là où un Iron Man 3 promettait monts et merveilles, chute de son héros et LE bad guy ultime en la personne du Mandarin, et au final se vautrait dans le n'importe quoi une fois le twist révélé, dans Cap'Am' 2, on rentre assez vite dans le vif du sujet et les deux volets de la saga du justicier au bouclier se rattachent assez harmonieusement, vu que l'on y retrouve l'Hydre sous une forme plus évoluée. Ensuite on a souvent l'impression de regarder une série B (avec tout ce que ça sous-entend de qualités), sans prétention, dont le seul but est de divertir, remplie de méchants très méchants (Robert Redford en mode guest star) et de complot international pour détruire l’Amérique, la vraie, celle...de CAPTAIN AMERICA. Autre qualité du film, son humour et sa légèreté, avec le running gag sur le décalage entre Steve Rogers, toujours bloqué entre les 40's et le 21ème siècle, et l'on découvre que Captain America a pour projet, dans sa to do list, de découvrir Louis de Funès, Coluche, la coupe du monde 98 et Marvin Gaye. Petit clin d’œil également à Saw au détour d'un échange entre black widow et Steve Rogers. 
Mais tous ces bon points ne font pas un film, loin de là et ce sont ses défauts qui le tirent irrémédiablement vers la case " Actioner Marvel en attendant Avengers 2 "



Commençons par ce qui saute aux yeux, la mise en scène des frères Russo. A leur actif, pas grand chose de folichon derrière une caméra, si ce n'est des épisodes de série tv et le film Toi, moi et Dupree. Pourquoi les avoir choisi pour réaliser un blockbuster Marvel, je ne sais pas, mais le résultat laisse un gout de gâchis. Si pour le premier film le choix s'était porté sur Joe Johnston qui n'est pas un débutant dans le film d'action / aventure (Jumanji, Jurassic Park 3, Rocketeer) le manque de maîtrise des deux réalisateurs saute aux yeux dès lors qu'une scène d'action commence, et ça explose dix fois plus que dans le premier épisode. Shaky cam dans tous les sens pour les scènes de baston, absence totale de gestion de l'espace (partie de cache cache au fusil entre les voitures dont le suspens est totalement annihilé par des champs / contre champs mal foutus), sur-découpage des scènes d'action qui rend regardable l'assaut sur la voiture de Fury et montage du même niveau. Et si certains effets spéciaux font leur boulot et assurent le spectacle, comme le falcon par exemple, d'autres tendent à décrédibiliser les aptitudes surhumaines de Rogers, qui par la magie des images de synthèse saute de mur en mur comme spiderman et fait des bonds de malade. 
Mais le plus gros défaut est celui qu'on retrouvait déjà dans le premier film : un manque total de surprise et de nouveauté. Si à la fin du premier épisode on se doutait que Captain America n'allait pas mourir (il fait partie des Avengers dont le film sortait un an après...), ici le même procédé joue contre le film, rendant chaque scène susceptible d'émouvoir assez embarrassante. Au moins deux des personnages principaux sont susceptibles d'y passer, ça pourrait émouvoir si l'on n'était sûr de les retrouver l'année prochaine dans Avengers 2. On attend tranquillement que le film se termine avec dans l'ordre une scène qui nous dira ce que va faire Rogers en attendant de retrouver Hulk et Cie, et une scène post générique qui confirme la présence de deux nouveaux personnages clés d' Avengers 2.  La formule Marvel est bien rôdée mais l'indulgence a ses limites.

Bref : Toujours plus regardable que Iron Man 3 et Thor 2 et bénéficiant du gros capital sympathie pour le personnage le plus humain des Avengers, Captain America : le soldat de l'hiver est une série B qui se regarde sans ennui mais sans réelle passion, le tout donnant parfois l'impression de servir d'apéritif au gros morceau Avengers 2 prévu pour 2015. C'est toujours ça de pris, dirons nous, en attendant Guardians of the Galaxy, qui s'annonce beaucoup plus fun et barré, avec son raton laveur qui crache et qui jure accompagné de son homme arbre.