13Cine

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lundi 17 mars 2014

L'étrange couleur des larmes de ton corps

L'étrange couleur des larmes de ton corps d'Hélène Cattet et Bruno Forzani
Genre : OVNI
Sortie le 12 mars 2014




Quand j'ai eu à définir le genre de film auquel appartient le dernier film de Cattet et Forzani, j'ai eu du mal à le trouver. Pourquoi ? Parce que si le précédent film du duo était facilement qualifiable de giallo postmoderne (je simplifie, hein, le film ne se résume pas qu'à ça, tant sur le fond que sur le forme), leur dernière oeuvre s'apparente à un OVNI, un Objet Visuel Nouveau et Inventif. Mélange sensoriel et kaléidoscopique au service d'un scénario à la fois simple et vertigineux, le film ne peut pas laisser indifférent. On peut ne pas adhérer au concept, auquel cas les 100 minutes du film vont paraître très longues, ou on peut se laisser happer dès les premiers plans par ce film et en prendre plein les yeux, et les oreilles aussi.


L'histoire, qui au vu de sa consistance tient plus du prétexte qu'autre chose, raconte simplement l'histoire de Dan, un homme de retour de voyage d'affaire qui, en essayant de rentrer chez lui, ne trouve plus sa femme. S'ensuit une enquête qui va lui faire découvrir les autres locataires de son immeuble et leurs sales petits secrets, très orientés SM.
Si on retrouve les influences giallo de leur précédent film avec par exemple ce fétichisme des gants en cuir et des lames qui brillent, accompagné de la bande originale très 70's, la différence se fera plus sur la forme. Dès le début du film la mise en scène alterne scènes et plans que l'on peut qualifier de classique (l'arrivée du personnage principal à l'aéroport) et inserts en noir et blanc sur ce qu'on devine être une scène de sado-masochisme à base de lame de couteau et de gants de cuir. Si l'histoire, comme je le disais plus haut est simple, elle est pourtant rendue de plus en plus ardue à comprendre grâce (ou à cause, faites votre choix) aux innombrables choix de mise en scène et expérimentations des réalisateurs. S'il y a bien une chose que l'on ne pourra pas reprocher à Cattet et Forzani, c'est leur manque de créativité et d'imagination. Amplifiant chaque scène ou magnifiant chaque décor, leurs choix de mise en scène ressemblent à une succession d’expérimentations visuelles et auditives. Il faut avouer que cela peut dérouter le spectateur qui n'aurait pas été prévenu. On passe d'une séquence filmée d'une manière assez classique (les allers et retours du personnage dans les étages de l'immeuble) à une autre versant dans l'hallucination et le cauchemardesque (la traque du personnage de Laura, dominatrice SM, filmée tout en noir et blanc et saccadée, niveau montage). On pourra également faire le rapprochement entre l'immeuble qui semble sans fin et l'esprit du héros qui, dès qu'il franchit une porte, découvre de nouveaux univers, perd littéralement pied et découvre ses voisins et leurs mœurs dissolues. Faut il y voir une volonté de perdre le spectateur, à l'image du héros, quitte à lui offrir des images choc, et lui proposer de nouvelles expériences pas toujours agréables (à l'image de Laura qui semble servir d'exutoire à tous les locataires avides de sensations fortes) ? Le même travail est effectué sur le son, amplifiant chaque bruit, chaque geste quitte à rendre certains sons crispants (perso je déteste le bruit du cuir froissé, j'ai été gâté)


Si certains effets fascinent par leur utilisation dans le récit, On peut aussi reprocher aux réalisateurs de parfois tirer un peu trop sur la corde de la paranoïa et de faire plus que de raison certaines scènes, comme celle ou Dan se réveille en sursaut et va décrocher l'interphone et se voit sur l'écran. Dix fois de suite, c'est gonflant.
Même la dernière partie du film laisse dubitatif quant à sa signification. Pourquoi montrer une version enfantine de Dan et du policier ? C'est un peu ce qui rend le film frustrant au final. S'il est peut être très clair pour les scénaristes, il reste très flou et difficile à comprendre, quitte à être obligé de le revoir pour passer outre les effets de mise en scène pour se concentrer sur la trame principale. Alors certes le métrage est loin d'être une simple bande démo avec de vrais morceaux de scénario dedans, mais même lorsqu'on accepte de se laisser prendre par la main (gantée de noir) dans ce dédale multicolore (des filtres dans tous les sens !!) quitte à ne pas toujours aimer ce qu'on regarde, on reste quelque peu frustré et dubitatif quant au fond du film.

L'étrange couleur des larmes de ton corps reste une expérience à vivre en salle, et bien que parfois surchargée en effets de style, il est toujours appréciable de voir des réalisateurs français oser et proposer de nouvelles œuvres cinématographiques. Il est préférable d'abandonner toute logique et tout repère pour en profiter, sous peine d'être mis de côté dès le début du film.

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