13Cine

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lundi 24 février 2014

La belle et la bête

La Belle et la Bête de Christophe Gans
genre : Relecture des grand classiques
Sortie le 12 février 2014


C'est toujours un événement en soi la sortie d'un film de Christophe Gans. Les plus cinéphiles l'ont découvert, derrière la caméra en tout cas, avec le segment qu'il avait réalisé pour le film Necronomicon. Remarqué par le grand public en 95 avec Crying freeman, on avait alors fait la connaissance d'un réalisateur cinéphile averti, ancien rédacteur en chef de la revue Starfix, et dont les goûts cinématographiques allaient autant des films de Chaplin qu'aux films de kung fu de la Shaw bros company (je vous conseille vivement d'écouter / lire ses interviews un carnet à la main, cet homme est une mine de références). Bénéficiant dès lors d'un grand capital sympathie auprès du public, il avait su créer l'attente en annoncant un projet basé sur la bête du Gévaudan, qui sortira en 2001 :  Le pacte des loups. Gros carton de l'année (5 millions d'entrées), le film se posait à la fois en tant que film d'aventure, film de monstre et fresque en costumes, avec quelques coups de lattes distribués ici et là par Mark Dacascos. Film maladroit (l'hommage lourdingue à Jaws en début de métrage) mais sincère, le métrage avait au moins servi à faire (re)connaitre Gans à l'international. Son film suivant fut Silent Hill, adaptation du célèbre jeu vidéo sur console. Semi échec et semi-réussite au final, échec car le film ne parvient jamais à faire ressentir le coté malsain et terrifiant du jeu dont il est l'adaptation, réussite car on y perçoit un vrai respect de l'oeuvre originale, tant au niveau de la direction artistique que dans la mise en scène (oui, Gans est aussi un gros gamer, et il arrive à caser certains plans cultes du jeu dans le film), et on pourra à la rigueur reprocher à Gans d'avoir voulu à tout prix caser son personnage préféré de la saga, le pyramide Head, alors qu'il n' a rien à faire dans le film. Depuis, silence radio, on prête ici et là des projets à Gans, démentis depuis par l'intéressé. Jusqu'à ce que se profile en 2013 le premier trailer de La Belle et la Bête, relecture du conte par Gans, avec Vincent Cassel et Léa Seydoux dans les rôles principaux. Premières craintes, ça faisait mal au yeux, la faute à des sfx pas terminés. Patientons jusqu'à la sortie du film, sait-on jamais. C'est chose faite, et encore une fois le résultat final laisse sceptique. Ce n'est ni extraordinaire ni mauvais. C'est Gans, quoi. 
Pour commencer, ce qu'on peut ranger au rayon des bons points, c'est cette volonté évidente de la part de Gans de proposer un spectacle (le mot convient assez bien je trouve) divertissant et de qualité. Comme vous avez pu le constater, Gans n'est pas un stakhanoviste de la caméra et préfère prendre son temps pour proposer des oeuvres qui, à défaut d'être irréprochables, et nous y reviendrons, font preuve d'un réel effort sur la forme et dans la volonté de ne pas prendre son public pour des abrutis. Gans aime les grands classiques du Cinéma français, les films avec de jolies princesses, des contes remplis de magie, de méchants voleurs et de princes au grand cœur. Des films avec de beaux costumes et de beaux décors. Et on peut dire qu'il s'est fait plaisir, certains décors, mêmes'ils font très studios, sont vraiment magnifiques. C'est ce sens du détail qui fait plaisir à voir. Le côté intemporel du conte rend également le film assez agréable à suivre, on est pris assez rapidement dans ce récit raconté à des enfants dès le prologue. Sans oublier que Gans n'est pas non plus complètement manchot derrière une caméra et sait composer des beaux plans qui posent immédiatement une atmosphère, une ambiance, à l'image du château de la bête qui se découpe dans la nuit en début de métrage pour finalement se dévoiler au grand jour comme une citadelle dévorée par la nature. Pour ce qui est du scénario, il suit globalement la trame principale du conte (le père, la fille qui se sacrifie, la rose...), et digresse assez rapidement en fin de métrage vers une version live de Shadow of the colossus, avec ces géants de pierre qui émergent de la végétation et des collines, menés par la Bête.


Passons maintenant aux cartons jaunes, voire rouges. Je vous parlais un peu plus haut des décors et de la mise en scène de Gans. Si certains sont vraiment magnifiques (le plan de Belle sous la glace), d'autres font vraiment mal aux yeux. Dès lors que Belle entre dans le royaume de la Bête, on passe d'un plan bien chiadé en CGI à un plan hideux indigne du pire des mate painting. Même constat pour certaines plans qui ont l'air d'avoir été finis à la truelle, à l'image de la chevauchée de Belle à travers les bois et dont les fonds bleus sont vraiment moches à regarder. Sans oublier que Gans use et abuse encore des ralentis, pour tout et rien. Au début c'est sympa et après ça devient lourdingue, surtout quand c'est couplé aux sfx sus-cités (ne manquez pas le plan de la biche en CGI en gros plan ET au ralenti, pour que vous en profitiez plus longtemps). Pire, l'abus de ralentis nuit gravement à la qualité d'un film et tend à le faire ressembler à une mauvaise pub pour parfums (je vous mets au défi de ne pas penser à une pub pour Lancôme avec ce plan de Léa Seydoux courant au ralenti dans les rideaux du château, baignant dans la lumière de la lune)
Mais le gros point noir du film est à chercher du côté de l'interprétation. Si l'on  peut constater que Gans prend son temps pour délivrer un film techniquement acceptable, on en vient à se demander s'il ne serait pas urgent qu'il consacre un peu plus de temps à la direction de ses comédiens. Si Léa Seydoux est à peu près supportable en Belle et Cassel...ben fait du Cassel (cet argument est purement subjectif, je trouve ce comédien mauvais quoi qu'il fasse), le reste du casting est en roue libre, que ce soit les frères et les sœurs de Belle (festival Audrey Lamy) ou le plus mauvais de tous, Eduardo Noriega, impayable en bandit toujours accompagné de sa gitane. Les dialogues, déjà bien datés dans leurs expressions, font tellement récités qu'il désamorcent toute empathie ou sympathie dès lors qu'un des personnages ouvre la bouche.


En parlant des dialogues, profitons en pour parler brièvement du scénario qui s'embourbe parfois dans des incohérences qu'il ne vaut mieux pas relever (le twist de la biche) et s'alourdit avec des personnages annexes uniquement là pour faire plaisir au jeune public, et dont l'existence n'est jamais vraiment expliquée (si la malédiction frappe Le chevalier chasseur, quel est l'intérêt de jeter un sort à une meute de beagles ? ).
La musique est dans l'ensemble insupportable, et essaie tant bien que mal d'apporter une touche de Fantasy et de magie à un film qui se suffit à lui même à ce niveau-là.

En bref:
Si l'on peut saluer les bonnes intentions de Gans et sa volonté de proposer un vrai spectacle familial digne de ce nom, le film cumule des défauts qui l'empêchent d'accéder au statut de chef d'oeuvre poétique, entre direction artistique parfois aléatoire et comédiens en roue libre. 

dimanche 9 février 2014

Robocop

Robocop de José Padilha
Genre : remake inutile
Sortie le 5 février 2014


Il y a des films qui dès leur mise en chantier, et l'annonce qui s'ensuit sur la toile, ressemblent déjà à des catastrophes naturelles sur pellicule. Robocop fait partie de cette catégorie. Comme si le Total recall de Len Wiseman n'avait déjà pas assez fait de mal au film original de Verhoeven, voici donc la deuxième partie de l'entreprise de destruction des mythes entreprise par Hollywood. Ajoutant sans vergogne sa pierre moisie au grand édifice des remakes inutiles, ce film est un échec complet, avec peu de choses, mais alors très peu, à en tirer. 
Pour oser prétendre être capable de refaire un Robocop en prenant pour modèle le film de Verhoeven, il faut déjà être particulièrement prétentieux, et être persuadé de pouvoir apporter quelque chose de nouveau, un regard neuf. Ce n'est pas simple, le film original, chef d'oeuvre de la Science-fiction, charge sauvage contre tout (les média, la Technologie, les force de l'ordre...) et qui ressemble à s'y méprendre à un film de chevalier contemporain soit dit au passage, n'a rien perdu de sa force ni de son impact et a installé son héros mécanique dans le panthéon du fantastique, aux côté du Terminator.  Et pourtant cela n'a pas empêché certaines personnes de valider le projet. Sur quels motifs, ça reste assez flou et dans quel but, ça c'est assez clair ==> $$$$. En plus avec les technologies actuelles il vont avoir de la gueule les robots en CGI, les gars !
La levée de boucliers n'a pas tardé sur la toile, chose assez normale me direz vous, au vu des premiers outrages subis par l'oeuvre de Verhoeven avec Total Recall 2012, et on se demandait qui allait être l'heureux élu qui allait avoir la chance d'avancer sur ce terrain miné qu'était alors le projet Robocop. Et le gagnant est : 
José Padilha. Ca a calmé, un temps, les gardiens du temple qui au vu des travaux du réalisateur (les deux tropa de elite) se sont dit qu'il pourrait très bien faire l'affaire s' il pouvait refaire un Tropa de elite et y mettre des robots, avec son style nerveux et tendu. On est naïf des fois quand même. Ensuite les premières rumeurs arrivèrent. La première : le film serait classé PG 13. Pour ceux qui ne connaîtraient pas le système de classification de censure US, le PG 13 correspond à un " tout public ". Soit le complet opposé du Rated R ( - 16 ans) dont avait écopé le film original (celui avec les amputations, les corps explosés etc...) et surtout la garantie de pouvoir montrer le film à tous. C'est beau l'altruisme. Le concept de Machine à tuer robotique dans un Detroit déliquescent étant difficilement compatible avec ce classement, ça a commencé à râler sévère sur le Net. Entre ce genre d'annonce et les rumeurs sur un Padilha les mains liées sur ce projet (gros paradoxe : on embauche un réalisateur parce qu'on aime son style mais bon ce serait bien qu'il fasse ce qu'on lui demande sans broncher, c'est mieux quand même), avouez que ça s’annonçait mal. Le coup de grâce est arrivé avec les premières photos montrant un Murphy en robocop NOIR sur une moto NOIRE. L'attente s'est muée en crainte, et on peux le dire maintenant, elle était justifiée.


Je vous disais plus haut qu'il n'y avait pas grand chose à sauver de ce film qui était déjà né sous une mauvaise étoile, celle du blockbuster lambda et sans intérêt. Commençons si vous le voulez bien par le scénario, aussi mou et nul que le Verhoeven était nihiliste et rentre-dedans. Si le film commence pourtant à peu près bien, avec une séquence de démo des robots flics en pleine intervention dans les rue de Téhéran, tout le reste du métrage affiche un manque constant d'enjeux et de points de vue, sans aucune prise de risque, là où Verhoeven tirait à boulet rouge sur la Société. Les gentils sont ici très gentils et les méchants sont pourris. Le scénario ajoute une famille niaise au héros, ce qui nous vaut de purs instants de mélo plus embarrassants qu'émouvants. Dans le Detroit de 2014, être criminel, ce n'est plus être tueur de flic, c'est être dealer au coin d'une rue. Chose assez étrange, le film est assez pingre côté action. A part une session d'entraînement dans un hangar vide et un climax tout pourri et mou à la fin, il y peu de vrai gunfight, et quand il y en a, c'est en vision thermique et en mode FPS. Entre chaque scène d'action, beaucoup de tunnels dialogués sur la Vie, la Morale, l'homme sous la machine, ce genre de considération qui tente d'insuffler vainement un peu de réflexion dans un film qui en manque cruellement. Un seul mot pour résumer le tout : inoffensif. Ou complaisant.
Autre gros point noir, la direction artistique. Il serait trop facile d'imputer toute la responsabilité de cet échec à Padilha. Si le film de 87 prenait place dans un Detroit glauque et flippant, où la menace et la mort étaient à tous les coins de rue, ce qui de facto justifiait la création d'un superflic pour nettoyer les trottoirs de la vermine, ici on se retrouve avec un Detroit aussi effrayant qu'un quartier de la Defense un dimanche, avec des caméras à tous les coins de rue, et dont ne ressent jamais les dangers. 
Petit aparté sur ces caméras, d'ailleurs, qui permettent de localiser et de tracer n'importe quel criminel avec adresse, numéro de téléphone etc...On se demande pourquoi Murphy est le seul policier à penser à utiliser ces caméras. 
Autre point négaif : le costume. Loin du gris métallisé de l'original, on se retrouve avec un Robocop noir. Pourquoi ? Pour apporter de la nouveauté sans doute, mais une autre raison, plus ambiguë, est évoquée au détour d'un dialogue entre Murphy et Lewis (devenu un afro-américain, en lieu et place de la femme flic chez Verhoeven), durant lequel ce dernier fait remarquer à son collègue qu'ils ont choisi la meilleure couleur pour l'armure. Black is the best colour...Petit détail sur l'armure, elle permet, rien qu'en regardant une photo ou une vidéo, d'évaluer le niveau d'anxiété ou de stress d'un être humain. Ingénieux sur le papier, tellement con à l'écran.
On passera sur le look improbable de Samuel L.Jackson, qui talonne Nicolas Cage dans le classement des gens qui portent bien la moumoute, et cette idée de génie d'aller planquer des laboratoires  sous des rizières en Chine. Si vous n'aviez jamais vu robocop courir dans une rizière et se gameler comme une otarie bourrée, allez y c'est énorme.


Seule chose à sauver de cette enfilade de conneries, un plan glaçant où Murphy au réveil demande à son créateur de lui retirer son armure, et découvre qu'il ne reste que de l'ancien Murphy un cerveau, une main et deux poumons.
Même l'ensemble du casting semble absent, entre Gary Oldman et Michael Keaton tout en grimace suivis de près par la tête à claque du Cinéma US, Jay Baruchel. Le rôle titre est interprété par Joel Kinnaman, mono-expressif même dans les rares moments d'émotion qu'est censé vivre son personnage. 
Que dire de la mise en scène de Padilha, si ce n'est qu'elle a du mal à s'exprimer librement, même si on retrouve quelques bribes de son talent, notamment lors de la séance d'entrainement, filmé en caméra portée,. Il n'est par contre pas du tout à l'aise dans les affrontements mécaniques de la dernière partie du film, où l'on peine à deviner ce qui se passe à l'écran ( robocop qui défouraille 3 bipèdes géants à mitraillettes). Ajoutez à cela un montage parfois défaillant, avec un sens de l'ellipse gênant (Plan de la voiture piégée qui tue Murphy. Plan suivant : le Doc qui explique à sa femme comment il vont le retaper) et vous aurez une idée assez nette des dégâts.
Le score est abominable, osant réorchestrer (et encore je suis gentil, ça sous-entend qu'on a utilisé des instruments pour cette daube) le thème inoubliable de Poledouris. 
Ca en devient vraiment fatigant de devoir subir à intervalle régulier ce genre de destruction du patrimoine fantastique, fait sans envie ni passion. Aussi je vous recommande de revoir l'original de Verhoeven, ressorti pour l'occasion avec plein de bonus passionnants, notamment une master class ou le maître ose affirmer que quand il l'a tourné il ne pensait pas filmer un brûlot aussi virulent et corrosif. Mouiii Paulo on te croit...en tout cas il doit bien rigoler face à ce genre de remake.



Souvenirs, souvenirs...

mardi 4 février 2014

I, Frankenstein

I, Frankenstein de Stuart Beattie
genre : DTV cashexpress
Sortie le 29 janvier 2014



Pour ceux qui ne suivraient pas l'actualité parisienne, sachez que la salle de cinéma connue sous le nom de UGC Orient Express a fermé ses portes en Janvier. Cette salle avait pour particularité (outre celle de servir de salle de projection pour blockbuster en fin d'exploitation) de projeter des films que l'on peut qualifier de franchement nuls, à la limite du Direct To Video, mais qui bénéficiaient d'une sortie technique, dirons nous, pour leur faire bénéficier d'un grand écran. Des films tels que la colline a des yeux 2, Projet blair witch 2,  ou Cubby house, ce genre de films qui ne servent à rien mais qui permettaient en plus de passer une heure et demi au frais dans une salle de cinéma pendant l'été, période durant laquelle ces films étaient généralement projetés. Et bien en sortant de I, Frankenstein, on se dit qu'il aurait très largement mérité sa place dans ce temple de la bisserie (zèderie même) friquée et molle. 


Le film part déjà avec un handicap certain : son histoire. Vouloir donner suite à l'oeuvre de Mary Shelley est une très mauvaise idée en soi, mais en faire une sorte de sous-Underworld où l'on remplacerait Loups-garous et vampires par gargouilles et démons avec en arbitre partial le monstre de Frankenstein rebaptisé Adam, c'est la promesse d'un spectacle de qualité. J'en connais une qui doit faire l'hélicoptère dans sa tombe. Tentant dès son ouverture de raccorder son récit bancal à l'oeuvre de Shelley avec un Adam,  émergeant de l'antarctique, se baladant  avec son créateur pour l'enterrer et se faisant casser la gueule au cimetière par des démons, le film digresse mollement vers le fantastique de seconde zone avec l'arrivée de gargouilles qui viennent l'embarquer pour...et bien ça reste assez flou en fait. On découvre qu'Adam est recherché par des démons à cause de son statut de réanimé et est suivi par les gargouilles pour des raisons encore plus obscures, d'où la guerre citée ci-dessus. par ailleurs guettez bien l'hommage à Mary Shelley et son classique " It's alive ", il est d'une finesse et tellement bien amené, ça confine au génie ce genre de connerie.
Le film est déjà bien con mais là où le bât blesse c'est que la mise en scène et l'ensemble du casting ne semble se donner aucun mal à relever le niveau. Commençons par la mise en scène, inexistante. Derrière la caméra, Stuart Beattie. A son actif, rien, à part des scénarios pour quelques blockbusters. On regrette qu'il n'aie pas eu la curiosité de traîner sur un plateau pour voir comment on tourne un film, ça lui aurait été utile. Festival de faux raccords, de plans hideux et de découpage à la truelle, le film est pénible à regarder. Prenez le prologue avec Adam errant dans les montagnes enneigées et les vallées, il est moche à en vomir tant on a l'impression qu'il manque un plan sur deux. Plus elliptique tu meurs. Qui dit guerre dit également affrontement et bastons, et là encore c'est la fête niveau mise en scène, on ne voit pas toujours qui tape qui, et les gargouilles ainsi que leurs copains démons sont tout en CGI. On jurerait voir une démo pour Soul Calibur sur PS4. Deuxième point qui fâche, la direction artistique. Le film se veut épique et gothique, vous allez en bouffer du plan de cathédrale, il en devient pénible à force de faire déambuler ses personnages d'une cave à un entrepôt vide, en passant par un laboratoire ou un bureau. Sûrement tourné pour pas un rond en Bulgarie, les extérieurs se résument à un arrêt de tram ou à une ruelle. Même punition pour les costumes, relevant plus du cosplay de la ParisManga que d'une vraie garde robe digne de ce nom. 


Arrive ensuite le point le plus triste du film : les comédiens. Je comprends qu'on ait besoin d'argent, de faire chauffer la marmite, tout ça, mais il ne faut pas accepter n'importe quoi. Qu'a t-on vendu à Bill Nighy, Miranda Otto et Aaron Eckart pour qu'il s'aillent s'embarquer dans une galère pareille ? Le scénario est con comme la lune, avec des dialogues d'une imbécilité sans faille, mais les entendre débités par des acteurs sérieux comme des oncologues, conscients qu'on leur fait jouer de la merde, ça en devient embarrassant. Entre Bill Nighy qui caresse une souris morte sous électrolytes et Miranda Otto en reine gargouille, ils ont officiellement inauguré leur première casserole. Bon, Bill Nighy avait déjà donné dans le n'importe quoi avec Underworld, et il est bien le seul à afficher un flegme tout anglais, avec ce regard qui vous dit " je sais que je fais de la merde et je vous emmerde ", mais Aaron Eckart fait peine à voir dans le rôle titre.  
Le film se suit d'un œil distrait, sans envie ni intérêt, et se conclut dans un climax pyrotechnique à rendre jaloux Del Toro, avec un Adam qui se découvre une âme (W   T   F   ?) et une guerre qui touche à sa fin. Le pire dans cette histoire, c'est que le film est tellement mauvais qu'il n'en est même pas drôle. Pas assez surjoué pour en rire, pas assez jusqu'au boutiste dans son concept, et trop moche pour pouvoir rire d'un éventuel gâchis de dollars. Guettez son passage à la TV sur direct 8 ou W9 d'ici deux trois ans, en VF il y a de fortes chances que le spectacle regagne en intérêt comique.

Jacky au royaume des filles

Jacky au royaume des filles de riad Satouf
Genre : comédie
Sortie le 29 janvier 2014



Découvert en tant que réalisateur en 2009 avec son film Les beaux gosses, chronique drôle et touchante de ce beau moment de la vie qu'est l'adolescence, Riad Sattouf était attendu au tournant après son coup d'essai, qui avait réussi à fédérer aussi bien professionnels (césar du meilleur premier film) que spectateurs (la comédie avait quand même eu un beau succès en salle). Plutôt que de se replonger dans les tourments de l'adolescence, source inépuisable pour tout réalisateur, Sattouf s'oriente vers un genre casse-gueule : la dystopie (Wikipedia est ton amie, pour ceux qui se demandent ce que c'est). Direction donc la République autocratique de Bubune, où les femmes sont au pouvoir, dirigé par la grande Generale, où les hommes sortent voilés et où l'on voue un culte improbable aux chevaux et autres poneys. C'est dans ce petit monde que vivote Jacky, secrètement amoureux de la grande Bubune, fille de la Générale, qui devra choisir son Couillon (son mari, quoi...) lors d'un bal organisé par sa mère. 
Le problème qui se pose avec ce genre de film, c'est qu'on ne sait pas trop comment le qualifier. Comédie ? Satire ? Ou tout simplement grosse farce potache ? Un peu des trois ma Générale. Si l'on peut évacuer d'entrée de jeu le principal défaut de Sattouf, toujours situé au niveau de sa mise en scène, pas toujours inspirée sauf lors d'une scène au Palais de la Bubunne, on se retrouve au final avec une vraie comédie drôle, truffée de dialogues hilarants, Sattouf sait écrire des répliques qui font mouche, et sans temps mort.  Le film est court (1h30 grand max), et les péripétie de Jacky s’enchaînent à un rythme effréné. Mais contrairement à son premier film qui était drôle et simple (ce n'est pas un défaut d’être simple dans ce cas, le film ne cherchait jamais à péter plus haut que ses ambitions), Jacky au royaume des filles va beaucoup plus loin dans le rentre dedans, et il le fait de manière assez jubilatoire. le film se pose déjà en dénonciation des pays où la femme est considérée comme une inférieure à l'homme, et si en République de Bubune, les hommes ne portent pas la burqa, ils sont habillés de manière ridicule qui les fait plus ressembler à des culbutos qu'à des êtres humains. Les hommes ne quittent aussi jamais la cuisine, si ce n'est  pour aller traîner dans des magasins de vêtements aussi remplis qu'une boulangerie kosovarde. Riad Sattouf en profite pour en remettre une couche sur l'absence de démocratie qui ronge la plupart de ces pays, au travers de scène d’exécutions et de pendaisons publiques organisées de manière festive et conviviale. On pourrait toujours reprocher à Sattouf de ne pas être très subtil et fin quant aux moyens utilisés pour la dénonciation et la volonté de ridiculiser, quitte à verser dans la facilité et les portes ouvertes, mais le trait est tellement énorme et la farce poussée jusqu'au maximum qu'il est impossible de ne pas rire des situations toutes plus non-sensiques les unes que les autres. Le fanatisme religieux et les croyances sont ici tournés en ridicule via la déification qui est faite de la race chevaline, avec un poney, incarnation contemporaine et paysanne de la Pythie ou des canassons qui visitent les hommes et leur parlent dans leurs rêves. Tout est ici prétexte à rire de la bêtise humaine. 


Un des autres points positifs du film est sa vraie volonté d'explorer à fond le concept de république autocratique imaginaire, avec ses propres coutumes, ses propres médias et sa propre langue, mélange de français et de langage puéril, ou le " Bubune " remplacerait un " dieu merci " bien de chez nous et où " le mari " serait " un couillon ". Si l'on savait que Sattouf aimait travailler les moindres détails de ses films (les émissions radio qu'écoutait le héros des beaux gosses étaient hilarantes), c'est encore plus flagrant ici, où l'on découvre le JT local, et les soaps bien de chez eux (avec en guest star Valeria Giolino, de retour chez Sattouf après son numéro de " Mamanchaudasse.com "). Bienvenus aussi dans un pays tellement pauvre que l'on est réduit à boire de la bouillie à tous les repas et à s'extasier devant un navet ou une carotte, saint graal réservé à l'élite.
Pour son deuxième film, Sattouf s'est encore entouré d'un casting de choix. Si l'on ne présente plus Vincent Lacoste, comédien dont le regard systématiquement coincé entre " ahuri " et " imbécile heureux " donne l'impression de regarder déambuler une version déglinguée d'Eva Perron, on retrouve également son compère des beaux gosses Anthony Sonigo, Didier Bourdon, Anémone, Valérie Bonneton et surtout Charlotte Gainsbourg qui montre que hors ses prestations chez Von Triers, elle possède un véritable talent pour la comédie pure. 


Si le film n'est pas exempt de petits défauts d'écriture qui font regretter la courte durée de l'ensemble (jamais le comportement étrangement protecteur de la tante de jacky, pourtant infecte avec sa mère, n'est expliqué), et malgré l'interprétation parfois hasardeuse de certains rôles, le film dégage une sorte de sympathie et de bonne humeur, il est un des plus drôles que l'on ait pu voir dernièrement grâce à des moments franchement hilarants (la chanson du petit chevalin) et à des dialogues à ressortir pour rigoler un coup. Et ultime doigt d'honneur à la soit disante morale bien pensante, le film se permet un clin d’œil à l'actualité, avec la plus drôle incarnation du mariage pour tous.