13Cine

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lundi 30 juin 2014

Aux mains des hommes

Tore Tanzt de Katrin Gebbe
Genre : Drame
Sortie le 25 juin 2014


A Hambourg, Tore, jeune punk tendance Jesus Freak paumé, fait un jour la connaissance de Benno sur une aire d'autoroute. Lui venant en aide grâce à une prétendue aide divine, il ne tarde pas à se rapprocher de lui et de sa famille. Mais Benno ne voit pas d'un très bon œil l'arrivée de ce jeune Candide et de ses croyances, surtout si celui ci se rapproche trop de sa belle-fille.

Cela va bientôt faire plus d'un an (au moins depuis Cannes 2013, pour vous donner un ordre d'idée) que Tore Tanzt tourne dans les festivals. Et à chaque projection le résultat est le même : Franc rejet ou totale reconnaissance d'un nouveau talent (la réalisatrice signe là son premier film) et de la réussite du métrage. S'il est vrai que le film n'est pas des plus faciles à regarder et à comprendre (Violence physique et psychologique côtoient Foi aveugle et naïve abnégation), il mérite qu'on aille au delà de la polémique pour découvrir un des films coups de poings de l'été. 
Avant d'argumenter sur le film, il est important de présenter le mouvement auquel est rattaché le personnage principal, Tore. Il se revendique comme étant un Jesus Freak (fous de Jésus pour très grossièrement simplifier le terme), chrétien passionné et engagé persuadé de détenir une vérité sur Jésus que les autres chrétiens ne peuvent comprendre. Prônant l'abstinence jusqu'au mariage et se réunissant dans des soirées à écouter du rock chrétien où à haranguer les foules en bannissant tout luxe et confort matériel, les Jesus freak semblent vivre quelque peu en marge de la Société. Et c'est au sein de cette communauté que vit Tore, donc, jeune sans repère ni famille, et qui semble exister complètement déconnecté des réalités. Sa rencontre avec Benno va très vite lui apprendre la Vie, la vraie.



C'est d'ailleurs cette confrontation entre le monde irréel et fantasmé de Tore et la cruelle réalité du Monde représentée par Benno qui va servir de fil rouge au film. Tore nous est présenté comme un jeune adulte naïf, candide, prêt à aider son prochain, toujours affublé d'un sourire niais et limite crispant, mais déjà complètement acquis à la cause des Jesus freak, c'est à dire avec une vision biaisée et idéalisée de la réalité. Sa première rencontre avec Benno est d'ailleurs sa première confrontation avec le Vrai Monde, et déjà on sent venir une relation qui s'annonce pourrie de l'intérieur. Avec son regard bleu perçant et sa démarche à la fois hésitante et pleine d'entrain, Tore ressemblerait à un ange tombé du ciel (pour une fois le titre français est bien trouvé) qui s'en va découvrir le monde sur Terre, et qui suite à un coup du sort va se retrouver obligé de cohabiter avec son pire représentant de l'espèce humaine, Benno, ordure violente et sans aucun remord, parfaite incarnation du Mal. Entre un Tore heureux de s'être trouvé ce qu'il pense être une famille et un Benno qui voit en lui un parfait larbin soumis et sans aucune résistance, la relation entre les deux hommes, au départ amicale, va vite tourner à l'avantage de Benno. Et c'est là que se niche le malaise que peut provoquer le film. Si l'on ne peut qu'être révulsé et écœuré par le comportement de Benno, absolument irrécupérable et inhumain, l'empathie va immédiatement vers Tore, ne cherchant qu'à se faire aimer et à aimer. Mais le problème c'est que comme je vous le disais plus haut, Tore a déjà le cerveau conditionné et ne réfléchit plus en tant qu'homme avec sa dignité et son honneur, il agit en tant que serviteur du Seigneur et sa vision des événements en est complètement biaisée. Là ou n'importe qui verrait les agissement dégradants de Benno comme une humiliation, Tore les interprète comme une épreuve que Dieu aurait mis sur sa route. C'est cette acceptation du pire de la part de Tore qui provoque un malaise chez le spectateur. Comment conserver de l'empathie pour quelqu'un qui semble tout accepter sans broncher ni même à un quelconque moment émettre un début d'envie de se rebeller ? Il ne  semble même pas se rendre compte de la cruauté de ses geôliers qui, après l'avoir forcé à ingérer des déchets alimentaires bouffés par les vers, le laissent pour mort sous sa tente, et lorsqu'il sort de l’hôpital, c'est pour retourner auprès de Benno, comme si de rien n'était. L'empathie se mue en pitié dans le dernier acte, et l'on se surprend à espérer que tout cela se termine très vite pour Tore, qui subira les pires sévices de la part de son bourreau avant de terminer son "voyage" là où il avait commencé, sur une aire d'autoroute.


C'est d'ailleurs ce coté un peu sado-masochiste de Tore qui a bâti, en quelque sorte la réputation du film (en dehors de ses qualités de mise en scène bien sûr), et c'est sur quoi la plupart des critiques "anti" basent leurs arguments, mettant en avant une complaisance malsaine de la part de la réalisatrice envers les sévices infligés à Tore. Alors autant vous prévenir quant au contenu du film, la tension va crescendo et la violence aussi. Le film est interdit aux moins de 16 ans, c'est totalement justifié, la violence psychologique et physique est difficilement supportable en deuxième partie de métrage (entre viols et torture, ça fait très mal à regarder), et même si d'autres films nous en ont montré plus et de manière beaucoup plus explicite et gratuite (et pour le coup ces films là étaient autrement plus complaisants dans leurs démonstration de la violence que Tore Tanzt, et là je pense à des films comme Martyrs, avec ses filles écorchées vives pour atteindre l'Au delà..moui, pourquoi pas...), on finit par épouser le point de vue de Tore qui espère dans son For intérieur que toutes ces "épreuves" ne sont que les prémices à un Meilleur qui ne devrait pas tarder à arriver. Ça aide, un peu, à faire passer la pilule. 
Je parlais plus haut de la mise en scène. C'est du très beau travail et ce n'est qu'un premier film. Autant vous dire que c'est prometteur pour la suite de ses travaux. Posant sa caméra dans une espèce de no man's land à caravanes dans la banlieue grisâtre de Hambourg, Gebbe dirige de main de mettre cette histoire glauque et noire avec des acteurs impeccables, les deux acteurs principaux sont impressionnants en ordure finie et en grand dadais souffre-douleur, et si parfois la réalisatrice se laisse aller à la symbolique facile (oui, Benno est le mal, le tatouage représentant le diable dans son dos est bien là pour nous le rappeler), elle réussit à glisser ça et là de petites touches d'humanité et de poésie dans cette histoire de monstres humains, grâce notamment à la relation entre Tore et la belle-fille de Benno. Excellente idée aussi de faire sombrer son film dans la grisaille et le pâle au gré de la déchéance de Tore, pour finalement offrir un rayonnement lors de la "libération" de ses jeunes héros.

Bref : Descente aux enfers d'un Fou de dieu trop naïf et trop bon pour le monde, Aux mains des hommes nous fait découvrir une nouvelle venue dans la catégorie 'cinéastes à suivre de très près', et son film est un bijou noir et désespéré, doublé d'une vision désenchantée de l'Homme et de sa cruauté envers les siens. A ne pas mettre devant tous les yeux, la charge est parfois brutale, vous aurez été prévenus.

vendredi 20 juin 2014

Fargo saison 1

Fargo. 10 épisodes
Créée par Noah Hawley
2014



Fargo, Minnesota. 
Lester Nyygard (Martin Freeman), agent conseiller en assurance vit une existence minable, entre une vie professionnelle terne et un mariage qui l'est tout autant. Entre deux remarques assassines de sa femme, Lester rencontre par hasard Sam Hess, la petite frappe qui l'avait humilié au lycée et devenue depuis responsable d'une grosse société de transport de la région. Certaines choses ne changeant jamais, il se fait copieusement casser la gueule et finit à l’hôpital. Il y fait la rencontre de Lorne Malvo (Billy Bob-Thornton), énigmatique personnage qui, après un échange tout en subtilité, lui propose de buter son agresseur. Sans le savoir, Lester va mettre le doigt dans un engrenage de violence qui va vite dégénérer et retourner Fargo.

Le monde des séries télé est parfois étrange. Si l'on demande quelles sont les séries qui auront marqué 2014, il y a fort à parier qu'on se retrouvera encore avec la sainte trinité des "séries qu'il faut avoir vu pour ne pas passer pour un idiot" : Game of thrones ( les dragons, Tyrion Lannister, des incestes, etc...), House of cards (netflix, Kevin Spacey, 10 épisodes dispos tout de suite...) et bien évidemment True detective (HBO prod, 8 épisodes et un très joli générique). Trois productions d’intérêt divers, ne visant clairement pas le même public et trois arbres cachant la foret qu'est le reste des nouveautés de l’année. Passons rapidement sur la neuvième saison de 24 qui se repose beaucoup (trop) sur ses pires cliches conspirationnistes et anti-terroristes primaires pour découvrir LA pépite télévisuelle proposée par FX : Fargo
Petit rappel pour ceux qui ne suivraient pas depuis le début:
Au commencement Fargo est un film des frères Coen réalisé en 96. On y découvrait un loser, Jerry Lundegaard, interprété par William H Macy, qui mettait au point un stratagème pathétique pour se faire de l'argent facilement : faire enlever sa femme par deux crétins pour pouvoir toucher la rançon réclamée au beau-père. Bien évidemment, rien ne se passait comme prévu, et tout finissait dans un bain de sang, le tout avec une Frances Mc Dormand, inoubliable en flic tenace et enceinte jusqu'aux dents. Portrait grinçant de personnages coincés dans leurs conneries et ne sachant pas se sortir de leurs galères sans s'en créer de nouvelles, le film est un chef d'oeuvre d'humour noir. Aussi lorsqu'en 2013 fut mis en chantier une série basée sur le film, on craignait le pire. Comment refaire en 10 épisodes ce qui tenait largement en 1h40 au cinéma ? Quel est l'intérêt ? Et puis on découvrit qu'au poste de producteurs exécutifs apparaissaient les noms de Joel et Ethan Coen. Tout de suite ça rassure. Il ne restait plus qu'à attendre. On a bien fait de patienter.



At the request of the survivors, the names have been changed. Out of respect for the dead, the rest has been told exactly as it occurred

La chose essentielle a savoir sur la série avant de s'y lancer, c'est qu'elle n'est absolument pas une adaptation à proprement parler du film, on n'y retrouve pas l'arc narratif principal (la magouille du héros et les conséquences qui suivent) ni  le personnage de la flic jouée par Mc Dormand, même si par certains aspects, notamment son opiniâtreté et sa force de caractère, on la retrouve dans le personnage de Molly, elle aussi agent de police. La série a son propre fil rouge (la mort de la femme de Lester) et ne partage avec le film que le cadre de la ville de Fargo. A vrai dire, même si les deux histoires ne se déroulent pas à la même époque (96 pour le film et 2006 pour la série), le coté intemporel des événements déclencheurs (enlèvement pour l'un et meurtre pour l'autre) donnent l'impression que le récit de la série pourrait très bien prendre place à la même époque que celui du film, mais en parallèle. Ce choix narratif est une idée à la fois casse gueule (les fans de la première heure pourraient ne pas comprendre pourquoi la série s'appelle Fargo) et brillante (mine de rien ça laisse une porte grande ouverte à une infinité d'histoires). Une fois ce concept validé, la série peut être vue comme elle, est à savoir un chef d'oeuvre, le terme n'est pas trop fort, à savourer en dix épisodes, et cela pour plusieurs raisons. 

Une écriture simple et complexe.
Comme je vous le disais plus haut, les frères Coen ne se sont pas tenus trop éloigné de l'adaptation de leur film, et cela se ressent dans chaque épisode, dans chaque ligne de dialogue et chaque scène. Si de par le format cinématographique il leur était nécessaire de faire tenir une intrigue sur une durée que l'on peut qualifier d'impartie (qu'il dure une ou deux heures, le cadre cinématographique impose une résolution au film lorsqu'arrive la fin), ici les scénaristes ont dix heures pour partir de rien (façon de parler) et finir en apothéose lors du season finale. Sur ce point, Fargo est une extraordinaire réussite. Le premier épisode dresse le portrait de tous ses personnages, les situant les uns par rapport aux autres, ne charge pas inutilement leur background, et les fait se rencontrer au gré de leurs ennuis. Le fil rouge du récit c'est Lester, victime en puissance, soumis à sa femme et soumis tout court, qui se fait rétamer par son ancien bourreau de lycée et qui au détour d"une salle d'attente d’hôpital fait la connaissance de Malvo, personnage mystérieux et omniscient qui lui propose de régler son compte à son agresseur. Et c'est cette rencontre qui va dynamiter le récit. Dès lors que Malvo va s'acquitter joyeusement de sa tâche (hilarante scène de repérage de Malvo sur sa victime), et au passage retourner le cerveau de Lester en mode "arrête de chouiner, tu me l'as demandé", la ville de Fargo va se réveiller, tous les personnages vont être entraînés dans une spirale de violence, qu'elle soit physique ou psychologique, avec Lester le premier qui, dans un excès de virilité mal gérée car trop longtemps refoulée, va tuer sa femme et causer la mort du sherif local via Malvo. Introduction des policiers et début de l'enquête qui ne trouvera sa conclusion que dans le dernier épisode. Entre le 1x01 et le 1x10, attendez vous à des dialogues et des échanges tout en justesse et parfois faussement simples, où l'on retrouve le goût du dialogue et de la réplique qui claque, généralement sortie de la bouche de Lorne Malvo, et à laquelle on repense en ricanant tellement elle fleur bon la beauferie à l'état pur ( "Don't you Miss Hess' me, i was picking your pubes out of my teeth twelve hours ago" débité par une strip-teaseuse contrariée).  Les personnages ne stagnent jamais, évoluant en bien ou en mal au gré des événements. En bien, lorsque Molly commence à flairer l'embrouille et se met en tête de coincer Lester à tout prix, quand bien même elle est la seule à être convaincue de sa culpabilité, en mal à l'image de Lester, passant du statut de victime souffre douleur et maladroit à manipulateur sans foi ni respect, que la peur de finir en taule pousse à commettre les pires actions (la conclusion du 1x09 est glaçante et achève d'imposer Lester comme un personnage irrécupérable et ignoble). Entre ces deux extrêmes on trouve toute une ribambelle de seconds couteaux, tous utiles à l'histoire (chose assez rare pour être soulignée) qu'ils soient agents du FBI ou simple tenancier de Diner, et la palme revient sans conteste au personnage déjà mythique de la série : Lorne Malvo. Personnage énigmatique faisant son apparition dès le début de la série, il est présenté comme une sorte de tueur à gages sans aucun scrupule, prenant un certain plaisir à causer mort et souffrance, et qui semble aussi trouver un certain réconfort à regarder le monde autour de lui s'écharper, en simple spectateur fouteur de merde (la scène au motel avec le réservoir). Au fil de la série on découvre qu'il est un tueur à gage redoutable et redouté, froid et calculateur, qui semble tout savoir sur tout le monde, à commencer par leurs faiblesses, et qui apparaît comme un personnage aux limite de l'inhumain au fur et à mesure du récit. Roi de la réplique finale avec une philosophie et une conception de la Vie très personnelle ("There are no saints in the animal kingdom. Only breakfast and dinner"), il est un des personnages clés de la série. En fin de saison il devient la terreur de Lester qui redoute de le voir débouler derrière lui, et son aura maléfique hante chaque plan du dernier épisode, et c'est Molly qui au détour d'un dialogue osera parler de Lorne comme d'un démon à forme humaine ("This man will never stop. If it's a man"). 

                                           " You're an idiot; good news, i'm taking over"

Have you been a bad bad boy, Lester ?
On pourrait parler pendant des heures de la qualité d'écriture de la série, qui arrive à rendre passionnante un échange entre deux personnages sur une omelette ou une scène d'interrogatoire tendue comme une corde à piano, mais ce n'est pas tout d'avoir de bons dialogues, encore faut-il avoir de bons comédiens. Et c'est encore un sans faute de ce coté-ci. Des premiers rôles aux seconds couteaux, ils sont tous parfaits. Martin Freeman, entre deux Sherlock offre au personnage de Lester sa bonhomie en doudoune, passant de timoré et craintif à raclure intégrale en deux mouvements. Personnage toujours sur la corde raide, Lester ne pouvait pas trouver meilleur interprète que Freeman. Autre personnage clé de l'aventure enneigée :  Molly, femme flic interprétée par Allison Tolman. Elle arrive à retranscrire toute la frustration et la force de son personnage en l'espace de quelques scènes chargées en émotion (son ultime confrontation avec son supérieur est à la fois émouvante et frustrante). On y retrouve également Colin Hanks, fils de Tom donc, Keith Carradine en père protecteur mais méfiant et Bob Odenkirk, inoubliable Saul de Breaking Bad, venu jouer ici le shérif compréhensif mais pas trop. Mais la cerise sur le gâteau s'appelle Billy Bob Thornton. Lui confier le rôle de Malvo a été une idée de génie. Amaigri et affublé d'une coupe à rendre jaloux Jean Claude-Dusse ( ce côté tueur létal coiffé n'importe comment est une réminiscence troublante de Bardem et sa coupe playmobil de no country for old men), il interprète de manière magistrale ce personnage machiavélique, aux sourires aussi dangereux que ses armes. 

- Nobody likes being watched while they eat.
- Some people do.
- What people ? 
- Mormons.

Based on a true story
Dernier point et pas des moindres : La mise en scène. A la fois classique et classieuse, il est toujours rassurant de voir que l'on peut encore regarder des séries qui donnent l'impression de regarder un film sur petit écran. Si on y retrouve l'esprit du film avec ces grandes étendues enneigées du Minnesota, et ses routes de nuits éclairées par des phares de voiture en cavale, on est très vite happé par le rythme (ou le non rythme, comme vous voulez) de la série, parcouru à intervalle régulier de sursauts de violence, brillamment mis en scène (l'assaut du SWAT dans le 1x06) quand ils ne se permettent pas des idées de malade, à l'image de ce plan séquence dans le 1x07 mettant en scène une fusillade dans un immeuble dont on verra rien mais dont on entendra tout, la caméra restant en dehors du building et suivant uniquement les fenêtres derrière lesquelles se déroule l'action, le tout finissant par une défenestration brutale. La série n'oublie cependant pas les clins d’œil au film original, et ce jusque dans son plan final, petite bulle de paix après un déchaînement de violence.


Que dire de plus, pas grand chose si ce n'est qu'après les enquêtes aux frontières du glauque de True Detective et les complots les seins à l'air de Game of thrones, si vous recherchez une série de qualité, vous pouvez vous jeter sur Fargo les yeux grand ouverts, rares sont les séries à faire l'unanimité en si peu de temps. Succès largement mérité, combinaison heureuse de talents d'écriture et d'interprétation, et grosse impatience du coup, pour la saison 2. Si les premières rumeurs sont vraies, on partirait sur une anthologie, avec pour chaque saison un nouveau casting et une nouvelle histoire. Si c'est du même niveau que la première saison, je valide. 

lundi 16 juin 2014

Black coal

Black coal de Diao Yi'nan
Genre : Polar noir
Sortie le 11 juin 2014


En 1999, des morceaux de corps humains sont retrouvés dans des sites d'exploitation de charbon aux quatre coins d'une province chinoise. L'inspecteur Zhang est chargé de l'enquête mais se fait tirer dessus lors de l'interpellation des suspects. Cinq ans plus tard, des meurtres sont à nouveau commis, liés à l'épouse de la première victime. Zhan, retiré de la police, tente de résoudre l'affaire en se rapprochant dangereusement de la veuve. 

L’année dernière était sorti le film Touch of sin, réalisé par Zhang-Ke Jia, et déjà on pouvait sentir qu’un esprit de révolution rageur venait de se réveiller dans le cinéma chinois. Miroir peu flatteur d’une Chine gangrenée par tous les excès (argent, pouvoir, violence) mais film profondément humain, le métrage avait remporté le prix du scénario au festival de Cannes 2013. Cette année c’est au tour du film de   Diao Yi'nan de sortir sur les écrans français et de raconter une tranche de vie chinoise,  aux allures de polar noir comme une mine de charbon à minuit. 


Diao Yi’nan a choisi de poser son décor loin des riches métropoles opulentes et grouillantes de vie, en se rapprochant au plus près des petites gens de la Province Chinoise, les travailleurs, et de leurs petites histoires et drames. Pas de patrons ni de riches exploitants dans ce film, mais plutôt des ouvriers, des teinturiers, des propriétaires de bar miteux et des policiers qui semblent avoir oublié tout code de conduite et de professionnalisme (surréaliste scène d'arrestation). Le décor n'est pas des plus joyeux, on ne sortira jamais de cette ville qui ne semble survivre que grâce à son commerce de charbon, et qui vit à deux à l'heure, au ralenti sous la neige. Et cette torpeur va être interrompue par une découverte macabre qui va ébranler toute la ville, à commencer par Zhang, policier divorcé et impulsif. Yi'nan dresse le portrait de personnages qui semblent éteints et endormis sous la neige, et que la sinistre découverte va réveiller. L'enquête va pousser Zhang a errer aux quatre coins de la ville pour remonter la piste jusqu'au tueur. L'enquête à proprement parler (celle qui se déroule en 1999) n'est pas particulièrement trépidante, elle sert surtout à introduire le personnage de la veuve qui sera au cœur de l'investigation en 2006, et elle se clôt de manière assez brutale et cynique, au cours d'une scène de fusillade à la fois surprenante et violente, et ne servant qu'à effectuer un bond en avant pour la deuxième partie du film et le retour d'un tueur. 
Ellipse brutale, nous voici en 2006, on retrouve Zhang, loin de la Police, déchet alcoolique reconverti en ouvrier et qui au détour d'une conversation avec ses anciens collègues se retrouve embarqué dans une nouvelle affaire de meurtres impliquant une vieille connaissance : la veuve de la victime de 1999. Et là le vrai film commence. Polar noir comme le charbon où planent les influences de Hitchcock et des films de détective avec leur filatures et leurs suspects qui en savent trop pour être honnêtes, le film est une plongée dans un panier de crabes chinois, un théâtre sous la neige, avec des personnages qui évoluent dans une ville perdue de Mandchourie où le temps semble s'être arrêté depuis une éternité, étouffée sous la neige (aucune différence flagrante entre 1999 et 2006). Yi'nan filme ses flics et ses veuves noires comme des fantômes errants, traînant leurs craintes et leurs secrets entre bars miteux éclairés au néon flashy et patinoires nocturnes où tout le monde semble tourner en rond sans envie. On suit Zhang, qui semble redécouvrir le monde en suivant la veuve, qu'il soupçonne de ne pas totalement être honnête, au gré de son enquête qui le conduit sur des chemins dangereux. La relation qui se noue entre les deux personnages n'est pas forcément des plus originales (elle en fait que confirmer le côté manipulateur et dangereux de la femme) mais elle renforce le côté déséspéré et en perte d'humanité de ses protagonistes, prêts à tout pour se raccrocher à quelque chose de vivant et d'humain (la veuve fait souvent référence à sa condition de femme de mort-vivant). La mise en scène de Yi'nan s'adapte aux errances et au rythme de ses personnages, entre longs plans séquences et scènes faisant parfois basculer le film dans l'irréel (la poursuite entre Zhang et la veuve en patins à glace), aidées par des jeux de lumière tantôt blafards tantôt criards, ou cette rencontre à la fois poétique et glauque au somment d'une grande roue qui semble perdue au milieu de nulle part, illuminée par les ampoules multicolores


Une des conclusions que l'on peut tirer du film de Yi'nan, c'est qu'il n'est pas des plus optimistes et bienveillants vis à vis de ses compatriotes chinois. Aucun des personnages ne semble s'épanouir dans cette ville grise et mortifère (hors des grandes cités, pas d'espoirs de sortie ou de progrès ?) aucun avenir ne semble se profiler à l'horizon, et si Yi'nan ose quelques instant de burlesque et de poésie en fin de métrage avec son héros Zhang qui danse comme s'il était seul au monde sur la piste de danse ou les feux d'artifice égayant une reconstitution de meurtre, la fin abrupte du métrage semble confirmer l'idée que le film pourrait durer encore longtemps sans que rien en change et qu'il est nécessaire d'y mettre fin à un moment ou à un autre.


mardi 10 juin 2014

Maléfique

Maleficent de Robert Stromberg
Genre : conte fantastique
Sortie le 28 Mai 2014



Dans un royaume lointain appelé la Lande, une fée, Maléfique, c'est son prénom, vivait loin des hommes. Un jour elle rencontra Stefan, jeune garçon, et en tomba amoureux. Mais le temps passa et il ne revint pas. Déception. Les hommes avides de conquêtes décidèrent d'envahir la Lande, ce qui provoqua la colère de Maléfique et la transforma en fée maléfique.
La suite..eh bien vous ne la connaissez pas forcément raconté comme ça.

Il y a quelque chose de pourri au royaume de Mickey. Il fut un temps lointain où les films d'animation de la petite souris régnaient sans partage sur l'industrie du film familial, qu'il soit animé ou live. Pixar fournissait des classiques instantanés comme Toy Story et on imaginait pas que la firme au château puisse s'ébranler. Mais comme dans tout bon conte, il y a toujours une part sombre et des ennuis. Dans le cas présent ils se nomment SkyBlue, Dreamworks, SonyPictures. les noms ne vous disent peut être pas grand chose, mais les films qui en sont sorti vont vous rappeler de bons souvenirs : L'âge de glace, Dragons, Madagascar, Shrek, kung fu panda, tempête de boulettes géantes..la liste est longue comme le bras. Des rouleaux compresseurs à box-office et de sérieux concurrents pour Mickey. Et le constat est sans appel, Disney a de plus en plus de mal à garder la tête haute. Regardez les derniers Pixar, on n'y retrouve plus la magie et l'émerveillement de 1001 pattes et on se fait doucement ch*** devant un Cars 2 flemmard. Pour un Moi moche et méchant sympa et rempli de minions, on se retrouve avec les mondes de Ralph farci maladroitement de références vidéo-ludiques pour rameuter le jeune public gamer. Exception faite de La princesse et la grenouille euphorisant (merci le jazz), c'est pas la joie. Ce constat n'est pas valable que pour le département animation. Aussi voilà la deuxième question : Quand avez vous vu dernièrement un bon film Disney ? Mais un vrai de vrai, hein, pas un tout en image de synthèse en motion capture. A part Lone Ranger l'année dernière je ne vois pas...
C'est donc avec beaucoup d'appréhension que l'on regarde Maléfique, film familial aux faux airs de Malefique Begins centré sur la sorcière la plus connue du grand public. Les premières bandes annonces laissaient entrevoir un énième film fantasy à forte tendance niaise, au final il n'en est rien. On peut même le dire, c'est une bonne surprise, sorti un peu de nulle part et rassurant quant aux projets Disney.


Maléfique propose donc de raconter comment une fée baptisée Maléfique est devenue une cruelle fée au contact des hommes et de leur ignorance (ou de leur connerie, le terme convient mieux je trouve). On y croise la belle au bois dormant,  Aurore, et son rouet fatal, mais le récit prend très vite la tangente pour proposer une histoire à part entière, celle de Maléfique. Et elle est tellement plus intéressante.
C'est un choix qui peut paraître osé de la part d'une production Mickey, vouloir raconter le passé et la vie d'un des méchants les plus emblématique de l'animation Disney, mais c'est un choix qui d'avère payant au final. N'ayant aucun récit original sur lequel se baser (si ce n'est dans la deuxième partie du film lorsque Aurore entre en scène, et là on se rabat sur l'histoire de la belle au bois dormant, les fées, le rouet, les 16 ans etc...), les scénaristes ont créé de toute pièce un univers parallèle au grand classique, cohérent avec l'ensemble du mythe et où évolue le personnage de Maléfique, personnage passant de fée naïve à grande sorcière acariâtre. l'idée de creuser un peu plus la psychologie d'une méchante culte de l'animation permet d’étoffer un peu plus un personnage assez classique dans son comportement, pour rappel dans la belle au bois dormant elle vient juste jeter un sort à Aurore pour cause de non invitation à son baptême, et dans le film cet acte n'est que la conséquence d'une rancœur de Maléfique vis a vis du père d'Aurore (le Stefan rencontré alors qu'elle n'était qu'enfant). Ou comment passer d'une simple méchante de conte de fée à une femme bafouée, enfant déçue et jeune femme mutilée. 
C'est ce traitement parfois très adulte qui rend aussi le film surprenant. Si bien évidement le film reste avant tout un divertissement familial, on est étonné dans la première demi-heure de voir des tableaux de guerre parfois très violents pour une production disney, comme par exemple lors de la bataille humains Vs la Lande menée par Maléfique, où des hommes périssent fauchés par paquets de 20 par des hommes arbres ou dévorés par des monstres souterrains.
 Autre point détonnant, le film baigne dans une aura féministe du début à la fin. En soi ce n'est absolument pas un défaut quand c'est fait avec intelligence et subtilité (piège que n'avait pas su éviter Rebelle, avant-dernier Pixar en date), et là on a l'impression que le film se permet d'en mettre ni vu ni connu une couche sur la place des hommes dans les contes de fée. Dans Maléfique le personnage principal est une femme puissante, n'obéissant qu'à elle même, capable de changer un homme en corbeau ou en limace, une femme que tout le monde craint sauf Aurore qui l'apprécie beaucoup, au point de la considérer comme sa mère de substitution. Les femmes occupent les places plus importantes du récit (garde-enfant pour les 3 fées) et les hommes ne sont réduits qu'à de simples perturbateurs sans cerveau comme le Roi qui veut détruire la Lande, quand ils ne sont pas aveuglés par le pouvoir au point de perdre tout bon sens (Stefan adulte est un vrai méchant de conte pour le coup, laissant mourir sa femme comme un chien). D'ailleurs tous les hommes du récit finissent empalés, brûlés ou défenestrés. N'oublions pas le Prince Charmant au regard si niais qui d'un baiser doit réveiller la belle...Et qui n'y arrive pas. Pas un pour rattraper l'autre.


Si le fond est assez réussi, malgré une dernière partie un peu expédiée comparé à ce qui a précédé (on y retrouve quand même le dragon, mais c'est le sbire de Maléfique qui se transforme, à la place de celle ci dans le dessin animé original), la forme est aussi soignée. Alors oui la Lande fait parfois un peu mal aux yeux, comme le royaume de Oz dans le dernier Sam Raimi, mais Stromberg arrive à composer de belles images et ne rate pas une occasion de filmer sa fée noire nappée dans le brouillard ou dans l'obscurité. ses scènes de bataille sont plutôt lisibles et ne cherchent jamais à en mettre plein la vue, le film n'étant pas à la base un actioner bourrin, la mise en scène calme et posée de Stromberg convenant mieux à l'ambiance générale.Un mot aussi sur la bande originale composée par James Newton Howard qui a composé pour ce film un des plus beaux scores de l'année. Il est doué cet homme là. D'ailleurs son travail ressemble beaucoup à la bande originale de Peter Pan, qui partait aussi dans de belles envolées euphoriques et virevoltantes.

Bref : Maléfique est une bonne surprise sortie des studios Disney, après une période plutôt vide en films de qualité. Osant créer un background à une des figures de proue du camp des méchants Disney et en y apposant un discours féministe plutôt bien vu, Maléfique mérite qu'on passe outre quelques moments cul-cul la praloche indispensable à tout conte de fée, le jeu en vaut largement la chandelle.

Le score qui va bien, pour finir.





lundi 9 juin 2014

The rover

The rover de David Michôd
genre : Road movie tendu
Sortie le 4 juin 2014


10 ans après "La chute ", un homme roule sur une route déserte de l'Outback australien. Alors qu'il effectue une courte pause dans un relais miteux, il se fait voler sa voiture par trois hommes. Lancé à leur poursuite après avoir récupéré leur voiture, il ramasse en chemin Key, le frère de l'un d'entre eux et se relance à leurs trousses.

Ceux qui avaient découvert David Michôd avec son premier film Animal Kingdom en 2010, où l'on retrouvait déjà Guy Pearce, et qui sentaient qu'on tenait là une graine de grand metteur en scène, seront ravis de savoir qu'ils auront eu raison d'attendre son deuxième film, The Rover, présenté à Cannes cette année. Ce film est une perle noire comme rarement le cinéma nous en en propose cette année. 
Le premier carton du film nous met immédiatement dans le contexte : Australie , 10 ans après La Chute. Cet événement ne nous sera jamais expliqué, tout juste sait-on en regardant le film qu'à défaut d'être une apocalypse nucléaire, cette chute a engendré une récession monétaire en Australie et précipité celle-ci dans une pauvreté et une indigence crasse, remettant au goût du jour la loi du plus fort et du prêt à tout pour survivre. C'est dans cette ambiance sous influence MadMaxienne sur les bords que l'on rencontre notre héros qui restera d'ailleurs anonyme jusqu'au bout. Nul besoin de le présenter avec un nom ou trop de détails,seuls les événements présents et à venir auront de l'importance. Personnage taciturne et nihiliste, on ne saura que très peu de choses de lui, et son entêtement à vouloir absolument récupérer sa voiture ne trouvera une raison que dans l'ultime plan du film.  


Pour mettre en scène son récit, Michôd a choisi l'Outback australien, désert aride et sec, à l'image de son film. Décors à la fois apocalyptiques et crédibles, théâtre d'un road movie sanguinolent où l'on croise nains trafiquants d'armes, docteurs au grand cœur et militaires déshumanisés. Le contexte prétendument post apocalyptique s'effacera progressivement  au fur et à mesure du récit, Michod préférant plutôt concentrer son récit sur le voyage de ces deux hommes obligés de cohabiter, l'un devant récupérer ce qui lui a été volé et l'autre condamné à l'aider sous peine de mourir seul dans le désert, abandonné de tous à commencer par son propre frère. Si Michod avait su dépeindre avec justesse et cruauté le quotidien d'une famille de tarés dans son premier film, il met ici en scène une relation complexe et ambiguë entre les deux hommes. Si le personnage de Pearce, manipulateur et froid, semble prêt à tout pour atteindre son but, quitte à être extrême dans ses actes (les exécutions sommaires sont gratinées), il aussi à la fois frustré et ralenti par Key, le personnage interprété par Pattinson, simplet qui donne constamment l'impression d'en savoir plus qu'il ne veut bien le laisser croire, mais que sa condition d'idiot semble freiner dans son raisonnement. Passant de la méfiance à l'allégeance totale envers son ravisseur, Key ressemble à une bombe à retardement qui explosera lors de la confrontation avec son frère en fin de métrage. La tension entre les deux hommes est constante durant tout le film, et ce ne sont pas les quelques pauses chez le docteur ou dans un motel miteux qui feront retomber la pression, la violence perpétuelle de leur voyage ne leur laissant aucun répit, chaque moment de relâche se terminant irrémédiablement par un bain de sang.


Pour mettre en scène la quête désespérée de son héros, Michôd travaille sa mise en scène, alternant entre longues échappées en voiture sur les routes désertes australiennes écrasées par le soleil, moments de calme atmosphériques et posés, et séquences plus brutales et sèches, comme cette irruption de l'armée sur le parking d'un motel où sont réfugiés les deux hommes. On pourra remarquer que dans sa mise en scène, Michôd se rapproche beaucoup de John Hillcoat, réalisateur entre autre de La Route ou La proposition, dans son style très western moderne contemplatif. Rythmé par une bande originale collant parfaitement à l'ambiance à la fois calme et nerveuse du film, le récit trouvera dans son dernier quart d'heure une conclusion anti-spectaculaire et d'une simplicité redoutable, chargée en émotion et permettant de découvrir la vraie raison du périple du personnage principal. Sans vous raconter la fin, la dernière scène du film lance une réflexion sur le thème du "Jusqu'où peut on aller lorsque l'on a tout perdu et que le peu de dignité et respect qu'on a vous a été volé". Le comportement du personnage principal est expliqué en deux plans, faisant voler en éclat la froideur et le coté parfois inhumain de celui ci, pour laisser transparaître une humanité qui a cruellement fait défaut à tous les personnages croisés pendant tout le film.

Bref : Confirmation du talent de Michôd après son remarquable et remarqué Animal Kingdom, The Rover est un road movie âpre et sec, à l'image de son outback et ses perspectives sans fin qui écrasent ceux qui osent s'y aventurer. Porté par un duo d'acteurs en très grande forme (Guy Pearce n'est jamais aussi bon que quand il joue à domicile), The Rover est une excellente surprise.

dimanche 8 juin 2014

Edge of tomorrow

Edge of tomorrow de Doug Liman
Genre : Fantastique
Sortie le 4 juin 2014


Dans un futur pas si lointain, des extra terrestres, les mimics, affrontent les humains en Europe. Pour freiner leur progression à l'Ouest, les troupes américaines sont réquisitionnées. Cage, officier dans l'Armée, est envoyé sur la ligne de front pour les affronter. Malheureusement, à peine a t-il le temps de voir ses rangs se faire massacrer qu' il meurt en affrontant un ET. Et se réveille brutalement quelques heures avant, au moment de son réveil à la base. Prisonnier d'une boucle temporelle, il va faire la rencontre de Rita, femme soldat qui semble avoir des réponses et des explications à lui fournir. 

Le projet était plutôt alléchant. Tom Cruise en tête d'affiche, le thème de la journée sans fin couplé à une invasion extra terrestre et des premiers visuels qui promettaient un spectacle bourrin digne de la quadrilogie vidéo-ludique Gears of war. Bon, à la barre on trouvait Doug Liman, faiseur pas très inspiré mais honnête, mais on n'est jamais à l'abri d'une bonne surprise. On attendait baucoup, et le spectacle n'est pas vraiment à la hauteur des espérances. Pas mauvais, mais bourré de défauts et perfectible. 

Adaptation d'un livre écrit par Hiroshi Sakurazaka, All you need is kill, le film rejoint des films comme Un jour sans fin (93) ou plus récemment Source Code (2011), dans lesquels des individus lambda étaient contraints de revivre inlassablement la même journée ou le même événement pour pouvoir trouver une issue de sortie. C'est casse-gueule comme concept, et ce n'est pas facile de jouer le jeu jusqu'au bout. Le film de Harold Ramis y arrivait sans problème, le film de Liman se vautre dès sa deuxième partie, car oui, EoT peut se découper en deux parties bien distinctes. 
La première commence pourtant plutôt bien. Le contexte nous est présenté brièvement au détour d'actualités internationales (François Hollande inside), les aliens sont partout, c'est la guerre, engagez vous etc...On fait assez rapidement la connaissance de Cage qui est envoyé malgré lui sur la ligne de front, et on découvre une légion de bidasses chair à canons qui s’apprêtent à débarquer en Normandie. Et quand ils débarquent ça pète dans tous les coins. Bon, ce n'est pas filmé comme Spielberg et son débarquement (on reviendra sur les compétences de Liman plus tard) mais ça pose les enjeux. A peine tué, Cage se réveille quelques heures plus tôt, à son réveil à l'aéroport d'Heathrow, transformé le temps d'un conflit international en base militaire. C'est pas con comme idée quand on y pense, vu que toute son escouade se fait dérouiller sur la plage normande, on se dit que Cage peut utiliser son "don" pour faire gagner son équipe. C'est d'ailleurs ce que propose Rita, en plus de l'entraîner. L'objectif paraît clair et la première partie est d'ailleurs plutôt légère d'un point de vue émotionnel, entre comique de situation (Le running gag de Cage qui se prend des camions en pleine poire) et comique de répétition (une fois que Rita a fait la connaissance de Cage, elle l'entraîne et n'accepte aucune faute de sa part, ce qui lui vaut nombre de balles dans la tête), Liman arrivant même à rendre hommage à Spielberg et Minority report à travers une scène d'infiltration tout en anticipation. Malheureusement, le film se prend les pieds dans le tapis dans sa deuxième partie après le climax de la première, chargée en émotion. Au détour d'une scène de dialogue explicative le concept de boucle temporelle prend fin et on retombe brutalement sur les chemins usés et labourés du bon gros blockbuster prévisible et plan-plan. Sans vous spoiler la dernière demi-heure, je vais simplement vous dire que si vous ne voulez pas voir la fin, allez sur youtube (ou votre site de streaming préféré bande de pirates) et tapez "Pacific Rim last scene/explosion". Mêmes enjeux, mêmes actions, mêmes conséquences. La seule différence c'est que le climax de EoT se déroule au Louvre, sous la pyramide. Sinon rien de nouveau, vous y trouverez des bidasses au grand cœur et prêts au sacrifice pour sauver l'Humanité, et une scène romantique complètement incongrue, le film ayant précautionneusement et intelligemment su éviter l'écueil de la love story entre Rita et Cage durant les 100 minutes qui ont précédé. Pire, la fin du film est incompréhensible, brassant n'importe comment téléportation, voyage dans le temps et résurrection. Ce côté fouilli de l'intrigue confirme une rumeur qui court depuis un petit moment, il existerait bon nombre de scènes coupées qui aurait dégagé pour arriver à une durée plus raisonnable de 1h53. Le film a été tournée en 2012, et aurait du sortir en 2013... Je suis prêt à parier que nombre de scènes non montées accentuaient le comportement obstiné de Cage en fin de première partie en mettant en avant le fait qu'il commençait à succomber au charme de Rita, repoussant au maximum son dernier "réveil" pour pouvoir passer plus de temps avec elle,  sachant ce qui lui arrive plus tard.

Si le scénario est sans réelle surprise au final, la remarque vaut aussi pour la mise en scène et la direction artistique de Liman. Il n'est pas mauvais derrière une caméra, et fait même parfois preuve de bonnes idées avec le concept de reset à répétition, mais il n'est clairement pas le meilleur pour mettre en image cette histoire. Dans sa première demi-heure, son film se rapproche du Soldat Ryan de Spielberg et dans les deux métrages on commence avec un débarquement en Normandie. Si Spielberg collait aux basques de ses soldats avec une mise en scène nerveuse et oppressante, Liman fait tout l'inverse, usant et abusant du tout digital pour montrer son largage de soldats depuis les hélicos géants de l'US Air force, pour finir avec un affrontement sur la plage face à des Aliens. Jamais tripant et ressemblant davantage à une bande démo ILM, son débarquement rappelle les grandes heures du jeu Gears of war. C'est d'ailleurs à ce jeu que l'on pense le plus quand on voit Cruise dans son armure en train de défourailler des Aliens. Référence clairement revendiquée, ou pas...



Ceci étant, pour rebondir sur l'influence du Jeu vidéo sur le film, on peut très bien considérer la première partie du film comme une transposition plutôt fidèle sur grand écran du principe de la progression par l'échec, qui est une épine dorsale d'à peu près 3/4 de la production vidéo-ludique actuelle, et qui est au cœur d'une scène cruciale du métrage, lorsque Cage et Rita échafaudent une stratégie pour pour pouvoir traverser la plage et passer au niveau suivant, et affronter le boss final. Au moins ça fera plaisir aux gamers en manque d'action.
En parlant d'action, force est de constater que Liman a toujours autant de mal à filmer une scène d'action de manière lisible, la preuve avec la séquence au Louvre où nos deux compères essaient de défoncer la pyramide pour accéder au noyau dur de la défense alien caché sous l'eau (comme dans Pacific...etc). Grosso modo, pour les parisiens qui liront cette critique, ils partent de la concorde pour péter le jardin des tuileries avec leur avion et finir en chute libre sur la pyramide. Il fait nuit, ça pète dans tous les coins et on ne comprend rien du tout, si ce n'est que la Seine est aussi profonde que le Loch Ness sous le musée.
Ajoutez à ça un score assez passe partout et discret ainsi que des seconds rôles sacrifiés (Bill Paxton qui donne l'impression de jouer son personnage d'Aliens qui aurait monté en grade) et vous aurez une idée assez précise du gâchis.


Bref : Edge of tomorrow aurait pu être un excellent divertissement sans prétention. Il accède uniquement au statut de "Serie B sympathique vite vue vite oubliée" grâce à son acteur principal, mais ne décolle jamais vraiment, la faute à une réalisation sans éclat et à un scénario bourré d’incohérences et de questions sans réponse (pourquoi Cage est il envoyé au front, au final ? Pourquoi aucun des alliés de l'unité de Cage ne veut l'aider avec son armure ?). Vivement le director's cut.