13Cine

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dimanche 10 août 2014

Detective Dee 2 : la légende du dragon des mers

Detective Dee : rise of sea dragon de Tsui Hark
Genre : Aventures
Durée :  2 h 20
Sortie le 6 août 2014



Chine, Pendant la dynastie Tang. L'impératrice Wu envoie sa flotte aider son allié l'empire Baekje pour combattre son ennemi, l'empire Buyeo. En chemin, ses vaisseaux sont attaqués par un dragon des mers. L'impératrice demande à son commissaire, Yuchi Zhenjin, d'enquêter sur cette attaque. Et c'est à ce moment que débarque en ville, Dee Renjie, détective de son état et intrigué par cette histoire de dragon.

Tsui Hark est un cas à part dans l'industrie du cinéma de divertissement. Après une époque où il faisait partie de la A-list des réalisateurs chinois, pour simplifier on va dire dans les années 80- 90, avec des films comme Il était une fois en Chine, le public européen a perdu sa trace jusqu'à son chef d'oeuvre en 96, The blade, monument barbare et classique instantané. Après c'est plus bancal, entre grosse bouse US avec Van Damme et Denis Rodman (Double team, si vous voulez VRAIMENT avoir tout vu de Hark) et grand moment de cinéma avec Time and Tide, actioner jubilatoire mais incompréhensible. Plus récemment on lui doit Seven swords, où planait l'esprit de ses premiers films mais sans en retrouver la force et le premier Detective Dee, excellent film d'aventure décoiffant et old school.  C'est un peu ça la carrière de Hark, un enchaînement de films de qualité inégale. Et si le premier Detective Dee assurait le spectacle, sa suite se suit avec beaucoup moins d'intérêt.


Première casserole, son scénario. Si le récit commence effectivement avec le fameux Dragon des mers, la suite du récit s'enlise dans une amourette sans intérêt entre une courtisane laissée en offrande au dragon dans un temple et un homme transformé en reptile se cachant dans une mare, victime d'une malédiction pour avoir trop conté fleurette à la demoiselle. Le personnage titre se concentrera d'ailleurs beaucoup sur cette histoire, qui verra apparaître des guerriers japonais masqués et de fourbes pirates. On passe assez lentement d'un temple à une auberge, d'une chambre à une forge, au gré des mésaventures des héros. Le film se réveille sur son dernier quart d'heure avec le retour du Dragon, intégré à la truelle à l'histoire et à ses conspirations, se montrant finalement peu menaçant. 
Deuxième point noir : Les effets spéciaux. Si le premier faisait resurgir les grandes heures du Wu Xian Pan avec ses décors baroques et son côté parfois artisanal (dans le bon sens du terme), son cadet fait parfois atrocement mal aux yeux, donnant parfois l'impression de regarder un DTV Asylum. Le film est à regarder en 3D, Tsui hark a d'ailleurs pensé sa mise en scène dans ce sens, tant pendant tout le film un multitude d’objets vous sont balancés à la figure. Malheureusement, ces incrustations en CGI sont d'une laideur hallucinante. Entre lames en gros plan et tonneaux mal incrustés dans le cadre, la qualité médiocre de certains effets suffisent parfois à flinguer une scène. C'est dommage, car pour une image de dragon aquatique plus réussie, on doit supporter des bateaux en feu avec des flammes qu'on jurerait rajoutées à l'arrache sous PhotoShop. N'oublions pas les fondus enchaînés et les superpositions qui piquent les yeux, c'est simple il y en a toutes les dix minutes.



Mais ne soyons pas complètement négatifs, il y a quand même deux trois choses à sauver dans ce film. A commencer par la réalisation de Tsui Hark. Si le film ne comptera pas parmi les chefs d'oeuvre du monsieur, force est de constater que Hark est toujours opérationnel lorsqu'il s'agit de mettre en scène des bastons au sabre ou autre arme contondante. Virevoltante, énergique, jamais tape à l’œil, et inventive, la mise en scène de Hark combinée à sa gestion parfaite de l'espace réveille le spectateur entre chaque scène de parlotte-remplissage, allant jusqu'à se refaire Cliffhanger à la corde sur une falaise surplombant un gouffre.
Et puis soyons francs, c'est un film de Tsui Hark, et ça même si c'est rempli de défauts ça vaut d'être vu. Parce que personne ne sait mettre en scène comme lui des idées complètement barrées, des plans improbables mais qui marchent à chaque fois (mention au cheval sous marin. Je vous laisse découvrir) et qui ose encore avoir recours aux câbles pour faire bondir ses héros sur les toits des temples et des maisons. Tsui Hark a l'énergie communicative, à l'image de ses comédiens principaux qui y croient à fond (mention à Dee et son acolyte médecin), jouant les Sherlock Holmes avec autant de sérieux que s'ils jouaient dans un drame historique, ce qui tranche radicalement avec l'ambiance de douce folie et de fantasy qui plane pendant tout le film. 
C'était un choix risqué de sortir un film comme Detective Dee 2 cet été, caché entre les blockbusters US rouleaux compresseurs du box office (il sort entre Transformers 4, La planète des singes et Les gardiens de la galaxie), mais c'est un choix qui peut se justifier si l'on veut proposer un peu d'exotisme et de nouveauté entre deux gros morceaux de cinéma de divertissements américain. Car oui, Dee 2 est un divertissement. Bancal, bavard et avec des SFX à pleurer, mais réalisé par ce fou de la caméra qu'est Tsui Hark. 


Lucy

Lucy de Luc Besson
Genre : Fantastique
Durée :  1 h 27
Sortie le 6 aout 2014


Lucy, étudiante à Taiwan, se fait embarquer malgré elle dans un trafic de drogue où elle se retrouve à jouer la mule. Suite à une altercation avec son geolier, sa cargaison lui explose dans le ventre et pénètre dans son corps. Lucy commence à utiliser son cerveau au delà de toute limite.

Le cerveau de Lucy ne connaît plus de limites. Besson non plus, semble t-il. Vous pensiez qu'il allait tenir sa promesse d'arrêter le Cinéma, bandes de gros naïfs ? Détrompez vous. Si The Lady, malgré son rythme neurasthénique et sa volonté de faire un film sérieux pouvait encore faire illusion, son film suivant, Malavita, confirmait ce qu'on pensait depuis un moment : Hors de ses talents de producteur via Europa Corp, le Besson réalisateur n'assure plus vraiment. On fait venir du beau monde (De niro, Pfeiffer...) et on tourne en France. C'est nul et ça ne marche pas vraiment. Mais Luc, ce genre de considérations, il s'en fiche. A peine avait -il fini de se faire éreinter par la critique pour Malavita qu'il était déjà en train de préparer son chef d'oeuvre : Lucy. Scarlet Johansson et Morgan Freeman devant la caméra, et un sujet en or : Une pétasse déverrouille les 90 % inutilisés de son cerveau, et elle accède à tous les secrets de l'Univers, de la Médecine, de la Vie etc...Cinéaste et producteur réputé pour être un peu l'antithèse de la finesse, ce sujet promettait de grandes choses dans les mains de ce génie de la beauferie made in France. Accrochez vous bien, le cerveau va dérouiller. Enfin, juste les 10% utilisés.


Oubliez le Besson de Leon, Nikita, le Besson qui savait à l'époque filmer et raconter correctement une histoire. Ce Besson là a laissé sa place à un nouveau Luc. Un Luc dont le dernier film est un Pourquoi permanent. Si l'histoire en soi est conne comme la lune, le traitement que lui inflige Besson atomise tout, ne respecte rien et part dans tous les sens, mais jamais le bon. Dès les premières minutes on est comme dans la montée d'un grand huit, vous savez quand on grimpe et que l'on ne voit pas quand ça va se terminer. On a déjà un aperçu de ce que va être le film. Une Johansson enlaidie, ressemblant à une pute US perdue à Taiwan, et un Freeman en prof de conf' débitant des lieux communs sur La Vie, l'Intelligence, ce genre de choses. et dès que Lucy se fait choper par Choi min Sik (le meilleur acteur du pays du matin calme venu chercher son chèque), la descente commence, le génie ouvre les vannes. 
On retrouve le Besson over the top, celui qui prend les spectateurs pour des abrutis. Lucy se fait piéger, Besson va vous montrer une antilope se faire choper par un léopard. Freeman vous parle de la nécessité de l’être vivant à se reproduire ? Vous aurez des stock shots du national Geographic avec des rhinocéros et des tortues en train de copuler. Ça c'est la mise en bouche. 
Le plat principal arrive dès que Lucy est infectée par la super drogue (composé de CPH-4, vous savez la substance que secrètent les mamans quand le bébé est dans l'utérus, et qui lui est transmis pour le fortifier...Pas de commentaires, merci), et qu'elle peut tout faire, maintenant qu'elle est devenue surpuissante. Et Bien pour Besson c'est pareil. Maintenant qu'il a bien présenté son affaire il se lâche, et il le fait au delà de toute raison et retenue. Son histoire il s'en contrefout, on sait dès le début qu'elle va y passer la Lucy, et elle ne lui sert qu'à étaler ses connaissances (ou son absence de) ainsi que ses idées sur le Cosmos, la Vie, les pouvoirs magiques. C'est un festival de tous les instants. Plutôt que de se concentrer sur des pouvoirs crédibles que pourraient apporter la drogue à Lucy (la télépathie pour rester simple), Besson lui fait faire tout et n'importe quoi, en fonction d'un scénario complètement inintéressant. Lucy peut contrôler les PC, les Tv, les smartphones, elle apprend le chinois en une heure, se prend pour Magneto quand elle fait voler les bagnoles et change de couleur de cheveux. Son seul but dans la vie, faire une sauvegarde de ce que son cerveau aura appris, et le sauvegarder sur une clé USB. Surpuissante et altruiste. Et malheur à celui qui se dressera sur sa route. La Besson touch est ici omniprésente, et toute la subtilité qui va avec. Les méchants coréens finissent cloués au plafond, les policiers français terminent éclatés dans leurs voitures, on fait des blagues moisies sur les flics (Le policier va chercher un sandwich au poulet pour son collègue. GAG ! ) et on déglingue tout Paris en voiture. De Rivoli au Panthéon en passant par Tolbiac, on casse tout. Le dernier acte est une chute sans élastique dans un gouffre métaphysique qu'on n'attendait pas, où Besson se confie, se lâche et ne se retient plus. Devenue omnipotente et quasi mystique (alors qu'elle est clouée sur une chaise office dépôt au fond d'une bibliothèque, je vous le rappelle), Lucy voyage. A travers le temps, les dimensions et des fonds d'écrans windows catégorie "voie lactée". Assise sur sa chaise, elle va rencontrer des dinosaures, des indiens d'Amérique, les années folles, le cosmos l'appelle voyez vous. Et elle va rencontrer Lucy, la première femme de l'évolution. Avouez que c'était facile comme idée, Besson l'a eu avant vous et l'a même filmé. A ce moment là on ne sait plus trop ce qu'on est en droit d'en penser. Citant aussi bien Malick que Kubrick, Besson est à ce moment comme Lucy, trop loin et perché pour nous. Ajoutez à cela la fin la plus abrupte de l'année et vous aurez une vague idée de la chose.


On en ressort assez sceptique. Oui le film est une sombre daube mais pour autant il s'en dégage une sorte de naïveté et de sincérité beauf qui intrigue. L'impression que Besson avait plein de choses à nous dire mais qu'il s'y est encore pris comme un manche. Certaines scènes sont hallucinantes, à l'image de cette Lucy l'air hébété, en pleine transe mystique en train de survoler les falaises d'Etretat, et on est vraiment gêné pour Morgan Freeman. Besson n'a pas perdu la main niveau mise en scène, mais il serait temps qu'il accepte de laisser quelqu'un d'autre que lui même lui pondre un vrai scénario et pas une adaptation du  Cosmos et la Vie pour les nuls d'1h30. Même si il y a Scarlet Johansson dedans. 


samedi 2 août 2014

Mister Babadook

The Babadook de Jennifer Kent
Genre : Fantastique
Durée : 1h34
Sortie le 30 juillet 2014


Amelia élève seule son fils de 7 ans, Samuel, suite au décès de son mari sur le trajet l'amenant à l’hôpital pour l'accouchement. Enfant à problèmes psychologiques et difficile, il rend la vie compliquée à sa mère qui ne connait plus de repos. Seule manière de le calmer, lui lire des histoires avant de dormir. Un jour, Samuel découvre un livre racontant l'histoire du Babadook, le monstre du placard. Et très vite imaginaire et réalité commencent à se mélanger.

Petit phénomène 2014 du Cinéma Fantastique ayant écumé nombre de festivals dont celui de Gerardmer où il raflé la mise en repartant avec le Prix du jury, le Prix du public, le Prix de la critique et le Prix du jury jeune du conseil régional de Lorraine (il manquait une récompense...), The Babadook déboule ni vu ni connu sur les écrans en plein été, période propice aux blockbusters de qualité diverse et aux autres petits films moins mis en avant d'un point de vue marketing (Pas de stars, réalisatrice inconnue, et affichage réduit au minimum) mais dont la réputation leur garantit quand même une bonne place dans la liste des films qu'il faudra voir cet été. C'est chose faite donc. Alors le film est il à la hauteur de sa réputation et ses multiples récompenses ?
Pour répondre de manière simple : Oui et non. Pourquoi me direz vous ? Parce que paradoxalement c'est quand le film sort de son statut de film de genre avec son boogeyman pour enfant qu'il devient intéressant. Deux niveaux de lecture s'offrent à nous.

Premier niveau de lecture : C'est un film fantastique qui  vous fera sursauter avec une ambiance flippante, en usant du trauma collectif enfantin sur le fameux monstre caché dans le placard ou sous le lit.
Ce n'est clairement pas dans cette optique que le film sera le plus remarquable et original. Pas original pour un sou, le film sort très rarement des sentiers battus et labourés jusqu'à l'usure des films de genre ayant un sujet similaire à Babadook. Planchers qui grincent, jump-scares, ombres dans le coin noir de la chambre, tout y est. D'autres films récents comme The Conjuring  ou dans une moindre mesure Màma arrivaient respectivement à transcender ces clichés et à innover dans les idées pour mettre en scène une entité perturbatrice et intrusive dans une cellule familiale. Ici, le Babadook est finalement peu effrayant et on ne ressent jamais vraiment l'aura malfaisante et violente que peut avoir le monstre. C'est dommage en un sens, le fameux livre que lit la mère contient des images qui auraient été vraiment flippantes si elles avaient été exploitées à fond. Donc non, The babadook n'est définitivement pas LE film qui vous fera peur cet été.


Deuxième niveau de lecture : Le babadook est un monstre, mais pas uniquement.
Si le côté film fantastique / Film de trouille ne fonctionne pas toujours, le fond du métrage se révèle beaucoup plus riche et intéressant à analyser. En effet, on peut voir ce film et les mésaventures de la mère comme une métaphore de ce que peut être la vie d'une femme seule, que la vie a bien esquinté, portant le poids de la culpabilité pour la mort de son mari et devant s'occuper seule de son fils hyperactif et fatigant. Oui il n'est pas facile d'avoir une vie quand on se consacre le jour à des vieux en maison de retraite et et la nuit à un enfant trouillard dangereux à bien des égards. La détresse psychologique et la fatigue du personnage de la mère se fait de plus en plus ressentir au fur et à mesure que le film progresse, au rythme des attaques du babadook. C'est ce qui amène à la conclusion que le Babadook serait une représentation physique (et purement imaginaire, pourquoi pas) de l'état d'esprit de la maman, dont les sentiments envers son fils sont à la fois bienveillants (elle craint pour la sécurité et la santé de son fils) et inquiétants, faisant émerger à intervalle régulier une sorte de rancœur et de transfert de culpabilité parfois très agressifs (possédée par le babadook, elle en vient à lui dire qu'elle aurait préféré rester avec son mari plutôt qu'un enfant insupportable). Autre élément pouvant étayer cette théorie, la réapparition du livre. dans un état de panique, Amelia déchire le livre et le jette. Le lendemain elle le retrouve sur le pas de la porte. Au vu de l'état de fatigue dans lequel se trouve Amelia, on en vient à se demander si, à l'image de ces ellipses temporelles brutales "coucher/réveil", elle ne commencerait pas à perdre les pédales et expérimenter des crises d'amnésie, doublées d'une paranoïa grandissante.
Même interrogation en fin de métrage lorsque le Babadook prend la forme du mari défunt pour emporter avec lui Samuel et la séquence qui s'ensuit, qui même si elle verse dans le fantastique pur et dur, peut aussi être interprétée comme une façon de dire qu'il faut apprendre à vivre avec son passé au quotidien, même si celui-ci est mort et enterré. 



D'un point de vue général, les deux niveaux de lecture se complètent finalement, le côté fantastique ne prenant jamais trop le pas sur le sous-texte plus intimiste du récit. Ceci étant on pourra toujours regretter le manque de suspens et d'effroi que l'on pouvait être en droit d'attendre au vu du sujet (Le Babadook est peut être une métaphore, il reste quand même un monstre) et pinailler sur le fait que certains points ne sont jamais clairement développés (quid de l'encre noire que vomit Amelia dans la cave). Le film est une réussite certes, mais une réussite mineure. Reste quand même à saluer la venue d'une nouvelle réalisatrice dans la grande famille du Cinéma Fantastique, qui sait faire preuve de justesse et d'une sensibilité rares dans ce genre de production.