genre : Road movie tendu
Sortie le 4 juin 2014
10 ans après "La chute ", un homme roule sur une route déserte de l'Outback australien. Alors qu'il effectue une courte pause dans un relais miteux, il se fait voler sa voiture par trois hommes. Lancé à leur poursuite après avoir récupéré leur voiture, il ramasse en chemin Key, le frère de l'un d'entre eux et se relance à leurs trousses.
Ceux qui avaient découvert David Michôd avec son premier film Animal Kingdom en 2010, où l'on retrouvait déjà Guy Pearce, et qui sentaient qu'on tenait là une graine de grand metteur en scène, seront ravis de savoir qu'ils auront eu raison d'attendre son deuxième film, The Rover, présenté à Cannes cette année. Ce film est une perle noire comme rarement le cinéma nous en en propose cette année.
Le premier carton du film nous met immédiatement dans le contexte : Australie , 10 ans après La Chute. Cet événement ne nous sera jamais expliqué, tout juste sait-on en regardant le film qu'à défaut d'être une apocalypse nucléaire, cette chute a engendré une récession monétaire en Australie et précipité celle-ci dans une pauvreté et une indigence crasse, remettant au goût du jour la loi du plus fort et du prêt à tout pour survivre. C'est dans cette ambiance sous influence MadMaxienne sur les bords que l'on rencontre notre héros qui restera d'ailleurs anonyme jusqu'au bout. Nul besoin de le présenter avec un nom ou trop de détails,seuls les événements présents et à venir auront de l'importance. Personnage taciturne et nihiliste, on ne saura que très peu de choses de lui, et son entêtement à vouloir absolument récupérer sa voiture ne trouvera une raison que dans l'ultime plan du film.
Pour mettre en scène son récit, Michôd a choisi l'Outback australien, désert aride et sec, à l'image de son film. Décors à la fois apocalyptiques et crédibles, théâtre d'un road movie sanguinolent où l'on croise nains trafiquants d'armes, docteurs au grand cœur et militaires déshumanisés. Le contexte prétendument post apocalyptique s'effacera progressivement au fur et à mesure du récit, Michod préférant plutôt concentrer son récit sur le voyage de ces deux hommes obligés de cohabiter, l'un devant récupérer ce qui lui a été volé et l'autre condamné à l'aider sous peine de mourir seul dans le désert, abandonné de tous à commencer par son propre frère. Si Michod avait su dépeindre avec justesse et cruauté le quotidien d'une famille de tarés dans son premier film, il met ici en scène une relation complexe et ambiguë entre les deux hommes. Si le personnage de Pearce, manipulateur et froid, semble prêt à tout pour atteindre son but, quitte à être extrême dans ses actes (les exécutions sommaires sont gratinées), il aussi à la fois frustré et ralenti par Key, le personnage interprété par Pattinson, simplet qui donne constamment l'impression d'en savoir plus qu'il ne veut bien le laisser croire, mais que sa condition d'idiot semble freiner dans son raisonnement. Passant de la méfiance à l'allégeance totale envers son ravisseur, Key ressemble à une bombe à retardement qui explosera lors de la confrontation avec son frère en fin de métrage. La tension entre les deux hommes est constante durant tout le film, et ce ne sont pas les quelques pauses chez le docteur ou dans un motel miteux qui feront retomber la pression, la violence perpétuelle de leur voyage ne leur laissant aucun répit, chaque moment de relâche se terminant irrémédiablement par un bain de sang.
Pour mettre en scène la quête désespérée de son héros, Michôd travaille sa mise en scène, alternant entre longues échappées en voiture sur les routes désertes australiennes écrasées par le soleil, moments de calme atmosphériques et posés, et séquences plus brutales et sèches, comme cette irruption de l'armée sur le parking d'un motel où sont réfugiés les deux hommes. On pourra remarquer que dans sa mise en scène, Michôd se rapproche beaucoup de John Hillcoat, réalisateur entre autre de La Route ou La proposition, dans son style très western moderne contemplatif. Rythmé par une bande originale collant parfaitement à l'ambiance à la fois calme et nerveuse du film, le récit trouvera dans son dernier quart d'heure une conclusion anti-spectaculaire et d'une simplicité redoutable, chargée en émotion et permettant de découvrir la vraie raison du périple du personnage principal. Sans vous raconter la fin, la dernière scène du film lance une réflexion sur le thème du "Jusqu'où peut on aller lorsque l'on a tout perdu et que le peu de dignité et respect qu'on a vous a été volé". Le comportement du personnage principal est expliqué en deux plans, faisant voler en éclat la froideur et le coté parfois inhumain de celui ci, pour laisser transparaître une humanité qui a cruellement fait défaut à tous les personnages croisés pendant tout le film.
Bref : Confirmation du talent de Michôd après son remarquable et remarqué Animal Kingdom, The Rover est un road movie âpre et sec, à l'image de son outback et ses perspectives sans fin qui écrasent ceux qui osent s'y aventurer. Porté par un duo d'acteurs en très grande forme (Guy Pearce n'est jamais aussi bon que quand il joue à domicile), The Rover est une excellente surprise.
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