13Cine

13Cine

mardi 8 juillet 2014

Jimmy's hall

Jimmy's hall de Ken Loach
Genre : Drame
Durée : 1h46
Sortie le 02 juillet 2014


Après un exil forcé de 10 ans pour cause d'engagement politique, Jimmy Gralton revient en Irlande et découvre que le Hall qui servait de club de danse  a fermé ses portes. Sous les encouragements de la jeunesse qui s'ennuie loin de toute culture et de tout loisir, Jimmy décide de ré-ouvrir son club. Malheureusement, L'Eglise ne voit pas cette intrusion païenne et dévergondée d'un très bon œil.

Pour son retour au film historique après la parenthèse éthylique et guillerette de La part des anges et la Palme d'or Le vent se lève (même si depuis il a réalisé un documentaire, L'esprit de 45 sur le Parti travailliste anglais), Ken Loach a choisi de dresser le portrait d'un fameux irlandais : Jimmy Gralton. Connu pour avoir été le premier irlandais exilé aux Etats-Unis suite à des accusations de communisme, la pire chose que l'on puisse être à l'époque, il est aussi connu pour être celui qui s'est violemment opposé à l'Eglise et ses codes rigides et conservateurs en terre irlandaise. Figure de proue d'une résistance idéologique face à l'oppression d'une institution, il est presque logique que Loach s'intéresse à son parcours. Cinéaste engagé et revendicateur depuis ses débuts derrière la caméra, Loach n' a eu de cesse de se tenir debout face à tout ce qui peut ressembler ou être assimilé à une privation des libertés (qu'elles soient d'expression ou d'agir) ou une tentative de contrôle totalitaire et d'exploitation. Cette vindicte permanente est d'ailleurs quasi proverbiale chez Loach, devenu un emblème national de poil à gratter culturel dans son pays natal, l'Angleterre, où à chaque film il ne rate pas une occasion de taper sur ce qui cloche dans son pays. Parfois le constat est noir et désespéré, comme lorsqu'il s'attaque aux travailleurs immigrés dans It's a free world ou aux ouvriers en galère de la SNCF anglaise avec The Navigators, mais parfois il se noie dans une sorte de dépression mi douce mi amère avec des films comme My name is Joe ou Just a kiss. Et comme dans toute dépression il faut parfois des moments moins tristes, Ken Loach s'essaie parfois avec succès à la comédie avec Looking for Eric, avec Eric Cantona, ou le plus récent La Part des anges, conte initiatique pour amateurs de whisky. Mais depuis le film Le vent se lève, la filmographie de Loach semble avoir prit un virage intéressant. Il s'éloigne de ce qui a fait sa notoriété (le film social à tendance contestataire) pour s'orienter tranquillement vers un style plus historique, moins contemporain mais tout aussi engagé. Le vent se lève racontait l'histoire de deux frères pendant la guerre d'indépendance Irlandaise,  mais mettant en avant le fait qu'au delà d'être une guerre nationaliste, c'était avant tout une révolution sociale. Film dur dans son propos et dans ses images, le film compte parmi les plus gros succès de Loach au cinéma. Son film suivant (hors part des anges) est un documentaire, L'esprit de 45, sur la politique de nationalisation mise en place par le gouvernement travailliste du Premier ministre Clement Attlee, qui fut au pouvoir de 1945 à 1951, et là encore sous couvert d'un documentaire, avec juste ce qu'il faut d'objectivité et un peu de mauvaise foi, il en remet une couche, ou une torgnole ça colle mieux à l'idée, à son ennemie de toujours : 


Le film qui suit ce documentaire c'est Jimmy's hall et celui là qui nous intéresse. Dans la forme et dans le fond, il se rapprochera beaucoup du Vent se lève. Fiction historique retraçant le parcours dans son pays natal de Jimmy, expatrié irlandais, le film est à l'image de son réalisateur : plein de souvenirs, nostalgique et encore capable de beaux coups de gueule. On retrouve cette volonté de raconter les petites histoires qui ont bâti la grande Histoire et cette inépuisable soif de contestation envers les institutions. Dans ce film c'est l'Eglise, intolérante et étroite d'esprit qui est dans la ligne de mire. Prête à toute bassesse pour faire tomber Gralton, quitte à user de stratagème parfois douteux (la liste des participants au bal indécent de Jimmy est lue en plein service de 11h à la messe), l'Eglise est ici montrée comme un obstacle à la Liberté. Dans les films de Loach il ne fait jamais bon être généreux et altruiste, on finit toujours droit dans le mur et on trouve toujours plus fort que soi. Gralton ne veut qu'ouvrir les jeunes de son village à la Culture du monde, qu'elle soit littéraire ou musicale, il va trouver en la personne du père Sheridan un adversaire de taille que rien ne semble arrêter. Et les alliés de Gralton se comptent sur les doigts d'une main.  


C'est cette opposition entre les deux courants de pensée qui fait tout l'intérêt du film et la sympathie ira tout de suite à Jimmy, le père Sheridan étant dépeint comme un homme franchement antipathique et froid, à des années lumières de ce qu'est censé représenter un homme d'Eglise et ses discours sur la Tolérance. C'est dans cette peinture de l'Eglise qu'on retrouve le côté parfois maladroit et peu subtil de Loach, qui flirte parfois dangereusement avec le manichéisme, les bons d'un côté et les méchants de l'autre, pas ou peu de juste milieu, ou alors il est représenté par le jeune prêtre qui ne comprend pas l'hostilité et les pratiques de son Supérieur. Mais Ken Loach est quand même un peu plus indulgent en fin de métrage lors d'un échange bref mais intense entre Sheridan et Gralton durant lequel ce dernier lui ouvre les yeux sur son rôle de prêtre et d'exemple pour la communauté. C'est d'ailleurs Sheridan qui aura la réflexion la plus sensée du film dans la dernière séquence. Personne n'est irrécupérable.
Si le film pourrait être pesant et déprimant dans son propos (à vouloir trop bien faire on finit dans le mur), la forme et l'ambiance générale désamorce assez souvent la tension de la situation. Entre scènes de danse irlandaise euphoriques et magnifiques paysages de la campagne irlandaise, Loach sait soigner ses films, le classicisme a aussi ses bons côtés et certaines scènes de danse sont magnifiques. Et on retrouve ce talent unique de faire rire même dans les situations les plus désespérées (l'évasion de Gralton et le numéro impayable de sa mère), cette petite lueur d’optimisme nécessaire quand tout part en sucette (le dernier plan du film est d'ailleurs la preuve que Gralton aura finalement réussi son pari). 
Coté casting, Ken Loach est encore allé à la pêche aux talents de demain, on y retrouve un parfait inconnu dans le rôle titre, ce qui ne l'empêche pas d'être excellent dans la peau de Gralton, et Jim Norton dans le rôle de Sheridan. Pour les fans de Sherlock, vous y retrouverez ce cher Moriarty dans un rôle d'observateur impuissant face à la guerre Clergé Vs Gralton. 
Mention à la mère de Gralton. Comprenne qui verra.



Bref : Film classique dans sa forme mais bien arrêté sur ses idées, le dernier Ken Loach rejoint Le vent se lève dans la catégorie ' les petites histoires font la grande histoire'. Plaidoyer parfois maladroit mais toujours sincère pour la liberté d'entreprendre et la tolérance, Jimmy's hall nous prouve que bien que Loach clame que ce film sera son dernier, il a encore beaucoup d'énergie, de choses à dire et plein de combats à mener.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire